La représentativité des acteurs dans le débat d’Actes 15

Dans le débat d'Actes 15, on a quatre pôles qui représentent quatre tendances de l’Église primitive (n'est pas représentée ici un autre tendance connue, l'école Johannique).

1/ Les pharisiens conservateurs qui enseignent que la circoncision est essentielle au salut. Leur raisonnement est le suivant : l'alliance scellée par le sang de Jésus passe par celle scellée avec Abraham ; selon ce point de vue effectivement il est logique que le salut passe par la circoncision1.

2/ Les « pauliniens »2 : pour lesquels, l'alliance scellée par le sang de Jésus remplace celle scellée avec Abraham (cf toute la lettre aux Galates, spécialement chapitres 3 et 4). Ainsi les dispositions législatives de la Torah ne s'appliquent plus à la lettre, mais selon l'Esprit (Romains 2,29 ; 7,6 ; 2Corinthiens 3,6).

Entre les deux, deux tendances :

3/ Les « jacobiens » : Jacques, frère du Seigneur, ancien dans l’église de Jérusalem (Actes 21,18) apôtre selon 1Corinthiens 15,7 jouissait d'un grand prestige. Pour lui l'alliance scellée par le sang de Jésus passe par celle scellée avec Abraham pour les juifs d'origine, mais pour les gentils, elle s'ajoute à celle scellée avec Noé3 qui n'inclue pas la circoncision, mais diverses dispositions applicables dans l'Ancien Testament aux étrangers en Israël. Pour Jacques ces dispositions visent à permettre la communauté entre gentils et judéo-chrétiens.

4/ Les « pétriniens » : pas de circoncision, pas de séparation d'ordre théologique, mais d'ordre pratique (cf Actes 6, les hébreux et les grecs...). Se rapproche de Paul en théorie, et de Jacques en pratique, d'où le conflit décrit en Galates 2,11.

Les pharisiens s'appuient sur la loi de Moïse, mais ils l'utilisent d'une manière légaliste c'est à dire orientée sur la performance religieuse (lire dans ce contexte la position de Paul en Philippiens 3,1-8). Car ils n'ont pas l'ouverture d'esprit qu'apporte l'expérience. Ils ne sont peut-être jamais sortis de leur pays et ils n'ont que très peu de contact avec le reste du monde qu'ils considèrent impur. Certains sont des faux frères (Galates 2,4 ; 3,1 qui ?4).

Pierre et Paul s'appuient sur l'expérience5 : ils ont convertit des gentils : cf Actes 15,9. Mais la différence entre eux c'est que Pierre a inclut des gentils dans l'Église alors que Paul et Barnabas ont établi des églises à majorité de Gentils.

Jacques s'appuie sur les écritures (Moïse qu'on prêche) mais dans un sens plus large que les pharisiens. A-t-il retenu la leçon de son grand frère quelques années plus tôt qui accusait les pharisiens d'annuler la parole de Dieu au profit de leur tradition (Marc 7,1-13) ? Il se rappelle des écritures qui prédisent l'entrée des nations dans le royaume de Dieu et il en cite une (Amos 9,11-12) particulièrement intéressante qui explique que la nation juive (la tente relevée de David) devait servir de guide, de phare, aux autres nations. Pour lui le moment est enfin venu pour que cela se réalise, et il compte bien convertir une majorité de Juifs qui conduira les nations païennes dans le royaume de Dieu6.


Notes

(1) Selon les historiens, il est possible que les descendants « judaisants » aient donné le mouvement Ebionite qui survivra parallèlement aux christianisme de la « Grande Eglise » jusqu'au VIIe siècle, siècle pendant lequel ils participeront à la naissance d'une nouvelle religion : l'Islam.

(2) Paul aurait certainement détesté ce terme (1Corinthiens 3,4-5).

(3) Selon une tradition rabbinique, retrouvée dans la mishna, les gentils qui voulaient aimer Dieu devaient suivre sept recommandations issues de l'alliance passée entre Dieu et Noé (interprétation rabbinique du texte de Genèse 5 à 9, exemple Genèse 9,4 pour ce qui concerne l'abstention du sang). Cette façon de penser devait déjà être en vigueur au 1er siècle même si la mishna es plus tardive;

(4) Cette question en Galates 3,1 ainsi que la spécification de quelques-uns de chez nous, auxquels nous n'avions donné aucun ordre en Actes 15,24 montre qu'on ne laissait pas enseigner n'importe qui dans les communautés chrétiennes même les plus primitives. Les judaisants se présentèrent certainement comme venant de chez Jacques afin d'avoir de la légitimité, bien que n'étant pas 100% « jacobien ».

(5) Pour la même discussion, il s'appuiera sur les écritures dans sa lettre destinée aux Galates.

(6) Le martyr de Jacques (frère du Seigneur) probablement entre 62 et 64, est raconté en dehors de la bible dans trois sources : Eusèbe de Césarée qui rapporte des récits de Clément d'Alexandrie, Hégésippe et Flavius Josèphe. Bien qu'ils divergent profondément sur les circonstances de la mort de Jacques, ils sont unanimes à affirmer qu'il fut victime de la haine des juifs, et que peu après Jérusalem fut assiégée puis détruite. L'une de ces histoires mentionne qu'en 62, dans une période où il n'y avait plus de gouverneur romain (entre Felix et Festus) et où la violence montait (à cause des zélotes) Jacques entra dans le saint des saints pour supplier Dieu de pardonner le peuple. Il fut lapidé. Mais sa réputation de « juste » provoqua la chute du grand Prêtre Anân.

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