Pourquoi les religions existent-elles ?

Question :

Pourquoi les religions existent-elles ?

Un(e) ado au camp d'été de 2018


Éléments de réponse :

Il est extrêmement difficile de définir ce qu’est précisément la religion. Le mot religion (religio en latin) a trois origines possibles à partir du latin :
- relegere qui veut dire observer soigneusement dans le sens de faire les choses comme il faut (et qui est le contraire de neglegere) en particulier dans le culte envers les dieux. Mais on ne trouve cette explication que chez Cicéron1.
- religare qui veut dire nouer, renouer dans le sens où l’âme séparée de Dieu peut renouer avec lui, être reliée à Lui. Mais d’un point de vue purement linguistique c’est difficile de faire dériver religio de religare.
- relinquere qui veut dire laisser, mettre de côté. Ainsi la religio consisterait à mettre à part les lieux et les temps sacrés et de faire attention de les respecter.

De nombreux (grands) penseurs ont essayé de définir la religion. Voici quelques tentatives de philosophes, théologiens, historiens, psychanalystes, ou sociologues :
- Immanuel Kant : « connaissance de tous nos devoirs comme commandements humains »
- Karl Marx : « soupir de la créature accablée par le malheur d'un monde sans cœur... l'opium du peuple »
- pour Hegel la religion « est la sphère où toutes les énigmes du monde se résolvent, où toutes les contradictions d'esprits en profonde méditation sont dévoilées et toutes les angoisses du sentiment apaisé »
- Max Müller : « effort pour concevoir l'inconcevable, exprimer l'inexprimable, une aspiration vers l'infini... »
- James Frazer : « activité propitiatoire et conciliatrice à l'égard des forces supérieures à l'homme... »
- Emile Durkheim « croyances et pratiques qui unissent en communauté morale >»
- Henri Pinard de la Boullaye2 : « croyances et pratiques concernant une réalité... avec laquelle entrer en relation »
- Sigmund Freud : « une névrose de l’Humanité »
- François Vouga : « gestion des rapports avec l'au-delà par le truchement de pratiques rituelles, de règles morales et d'une caste de prêtres consacrés, mis à part pour cet office »

La notion de religion est donc extrêmement floue. Et elle l’est d’autant plus que dans la société moderne, on a tendance à séparer la religion de la vie quotidienne ce qui n’était pas le cas jusqu’au 17ème siècle au moins. Et si on ajoute à la notion de religion la notion de tradition alors on complexifie le problème et on s’aperçoit qu’il existe des religions dans lesquelles il n’est pas besoin de croire en une ou plusieurs divinités. Il existe même une forme de religion « civile » qui est une tradition développée par la société et qui ne correspond pas forcément à une « foi » en une divinité extérieure.

Donc quand on critique la religion, ce qui à mon avis est indispensable, il faut toujours dire comment on conçoit la religion pour définir ce qu’on critique.

Quoi qu’il en soit, pour revenir à la question de départ, depuis que l’Humain pense, il fait face à la question de la mort. Il est le seul parmi tous les êtres vivants à enterrer ses morts. Non seulement il pense à la mort, mais il pense sa mort alors qu’il est avide de vivre et qu’il aspire à l’éternité (Ecclésiaste 3,11). Le philosophe danois Søren Kierkegaard a exprimé cela ainsi : « Si l'homme n'avait point de conscience éternelle, si au fond de toutes choses il n'y avait qu'une puissance sauvage et bouillonnante qui tout produit, le grand et le futile, dans le tourbillon de passions obscures ; si sous toutes choses se cachait un vide sans fond que rien ne peut combler, que serait alors la vie sinon la désespérance ? »3. C’est probablement la raison pour laquelle les hommes ont inventé des religions. Et on aurait tort de penser que nous sommes au dessus de cette faiblesse humaine qui était acceptable pour nos ancêtres, mais que nous modernes, nous n'avons plus besoin de l'hypothèse de Dieu. Ce serait pur orgueil. Maintenant, la question est de savoir quelle religion choisir sachant qu’on ne s’en affranchit jamais totalement sauf à vivre isolé du reste des hommes. A cela nous répondrons grâce à une autre question.


Notes

1  Cicéron, La nature des dieux, II, 28, 72

2  Théologien Jésuite du début du 20ème siècle.

3  Søren Kierkegaard, Crainte et Tremblement, trad. Charles Le Blanc, Payot & Rivages, Paris, 2000

1 Comment on “

  1. Bonjour Pierre-Louis,
    à la question “Pourquoi les religions existent-elles ?”, les premiers chrétiens auraient dit sans doute : “Pour tromper les hommes.”. En effet, Psaume 96:5 dit “En effet, tous les dieux des peuples ne sont que des faux dieux”. Dans la version des LXX, le passage se lit: “Car tous les dieux des Gentils sont des démons”. Ce passage est cité à de nombreuses reprises par Justin Martyr pour montrer que Dieu est unique et qu’il n’y a qu’une façon de s’approcher de lui.
    Bonne journée
    Christian

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