Paul est-il vraiment un apôtre ?

Avant l’Ascension, Jésus s'adresse aux « apôtres », choisis sous l’action de l’Esprit-Saint. Le mot apôtre (ἀπόστολος - apostolos) veut dire : envoyé en avant, messager, ambassadeur, appelé, missionnaire. Le mot français « apôtre » est une translitération, et pas vraiment une traduction (comme les mots « baptême », « eucharistie » ou « diacre », etc. qui sont des francisations du mot grec).

Le nom commun est absent de l’évangile de Jean (mais pas le verbe correspondant 28 fois).

En Matthieu le mot n'apparaît qu'une seule fois (10,2), pour qualifier ceux que Jésus envoie vers les brebis perdues de la maison d'Israël (10,6) et qui auront des pouvoirs spéciaux (10,1 chasser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité) ; ailleurs Matthieu parle simplement des « Douze » ou des douze disciples.

En Marc, le terme n’apparaît qu’en 6,30-31 (qui renvoie à 6,7 « les Douze ») ; ailleurs, Marc parle toujours des Douze, sans autre précision, même lors de leur appel. En Luc le terme apparaît 6 fois et 31 fois en Ac.

En Luc 6,13, le terme d’apôtres est le qualificatif particulier des Douze : « il en choisit douze, qu’il nomma apôtres ».

Une définition des apôtres est donnée en Actes 1,21-22 par l'intermédiaire de Pierre. Saul/Paul qui n'a pas accompagné Jésus pendant son ministère terrestre depuis le baptême de Jean jusqu'à l'ascension et n'a pas vu la résurrection de Jésus ne remplissait donc pas les conditions pour être apôtre. C’est peut-être la raison pour laquelle une rumeur courait parmi les chrétiens selon laquelle il y aurait eu des apôtres supérieurs et des apôtres inférieurs (1Corinthiens 9,2 / 2Corinthiens 11,5 ; 12,11). Mais Paul réfute cela car il avait vu Jésus après sa résurrection. Il fut même le dernier1 à voir Jésus. Sur le chemin de Damas, le Seigneur lui apparut, lui parla et transforma sa vie comme il l’avait fait pendant son ministère terrestre avec les autres apôtres (1Corinthiens 15,3-9). Il ne fut pas enseigné comme les autres (Galates 1,11-12 l'Évangile qui a été annoncé par moi n'est pas de l'homme car moi-même je ne l'ai ni reçu ni appris d'un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ). Paul pouvait donc s'écrier en 1Corinthiens 9,1-3 : « Ne suis-je pas apôtre? N'ai-je pas vu Jésus notre Seigneur? N'êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur? Si pour d'autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous; car vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur. C'est là ma défense contre ceux qui me font un procès ». Paul était donc bien qualifié pour l’apostolat. Et il a défendu cela becs et ongles (Romains 1,1 ; 11,13 / 1 Corinthiens 9,1 ; 15,9 / 2Corinthiens 1,1 ; 11,5 / Galates 1,1 / Ephésiens 1,1 / Colossiens 1,1 / 1Timothée 1,1 / 2Timothées 1,1).

Les preuves de l'apostolat sont les signes, les prodiges et les miracles de toutes sortes par lesquels Dieu manifeste sa puissance pour appuyer le témoignage des apôtres dont les paroles sont inspirées (Actes 2,43 ; 5,12 / Romains 15,18-19 / 2Corinthiens 12,12 / Hébreux 2,4).

Ainsi le ministère des apôtres s'est un peu élargi : pour être investi du ministère d’apôtre, il fallait produire des signes des prodiges ou des miracles et :
- avoir vu Jésus et avoir été converti par lui directement et avoir vécu avec lui (Actes 1,21-22)
- ou être envoyé par Jésus (Matthieu 28,18-20 / Actes 26,17)

Selon ces critères, Paul est un apôtre, et il semble que Barnabas et Jacques de Jérusalem (qui a eu une apparition de Jésus ressuscité selon 1Corinthiens 15,7) aussi2.


Notes

(1) En 1Corinthiens 15,8 le mot grec souvent rendu par « avorton » dans les traductions françaises veut littéralement dire « enfant né viable d'une mère morte en couches ». Longtemps après les autres Jésus s'est montré à lui. Il est donc bibliquement le dernier bénéficiaire des apparitions du ressuscité car après lui il n'y en aura plus. (Voir Michel Quesnel, « Paul et Jésus, une même religion ? » dans Aux origines du Christianisme, Gallimard, Paris, 2000). Ainsi si vos rencontrez quelqu'un qui vous dit avoir vu Jésus, ne le croyez pas !

(2) Et peut-être même Andronicus et Junias (Romains 16,7 - et Junias est... une femme !), Silas et Timothée (1Thessaloniciens 2,6), Epaphrodite (Philippiens 2,25). Par contre on ne peut pas dire d'Etienne qu'il était un apôtre, même s'il produisait des signes, car il n'a pas était converti par Jésus ou l'Esprit, et il n'a pas été envoyé, il est resté à Jérusalem.

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