Rien qu’un symbole ?

Avant d’affirmer ou de rejeter l’idée d’un repas symbolique, interrogeons-nous sur ce qu’est un symbole. En effet le mot aujourd’hui, dans le langage courant, a perdu la force de sa signification. Or toute société est construite sur et par le symbole. Par exemple :
- la façon de lever la main peut vouloir dire beaucoup : salut, salut militaire, salut nazi, bras d’honneur, position des doigts.... sont des symboles.
- la monnaie : pièces/billets qui symbolisent une valeur
- l’écriture est faite de symbole
- la signature est un symbole
- l’anneau du mariage qui représente une alliance.

Les symboles ont une force qu’on ne soupçonne pas parce qu’on vit avec au quotidien. Ces exemples nous font déjà sentir à quel point un symbole est important. Essayons maintenant d’expliquer pourquoi.

Le verbe grec ballô (βάλλω) veut dire jeter. Il a donné le nom bolè (βολή) qui veut dire jet. On retrouve ce mot dans para-bole qui veut dire jeté sur le côté ou dans sym-bole qui veut dire jeté avec. Cela indique que dans le mot symbole il y a deux réalités qui suivent un même mouvement, bien que distinctes. Le symbole est donc différent d’un signe qui indique, pointe vers, une réalité mais qui ne suit pas le même mouvement, n’a pas la même vie, que cette réalité. Le signe est comme un panneau indicateur. Voir le panneau ne veut pas dire qu’on est arrivé. Tandis que voir le symbole, c’est voir la réalité qu’il incarne. Si je vois les billets de banque, je vois la richesse.

Ainsi on peut dégager les caractéristiques du symbole1 :
- D’abord, comme les signes les symboles renvoient au delà d'eux-même, c’est à dire qu’ils ne sont pas la réalité mais ils permettent de la rendre visible. Par exemple, le drapeau incarne la nation, il n’est pas la nation elle-même mais il permet de la voir. Autre exemple, l'acte notarié : ce ne sont que quelques feuilles de papier, mais il renvoi à un contrat réel.
- Ensuite, les symboles ont un lien fort avec la réalité à laquelle il renvoie. Le drapeau a un lien fort avec la nation. On peut dire qu’il l’incarne. Pour changer le drapeau d’un pays, il faut une révolution, ou un coup d’état ; de même un pays sans drapeau est-il une vraie nation ? L’acte notarié également incarne la réalité du contrat passé entre deux parties.
- Enfin, puisqu’ils incarnent la réalité à laquelle ils renvoient, les symboles la rendent accessible. Si on reprend l’exemple de l’acte notarié, il est impossible de prouver l’existence du contrat qu’il incarne, sans cet acte, sans ce symbole.

Les symboles donnés par Dieu permettent de reconnaître le royaume de Dieu mais aussi d’y entrer. Le baptême dans ce sens est un symbole. Car il n'y a rien de « magique » dans le baptême. Ce n'est pas l'eau qui nous sauve mais l'ensemble de la démarche : foi – repentance – baptême – persévérance (dont l’un des symboles est la participation au repas du Seigneur). Affaiblissez un seul maillon de la chaine, et elle craque. Donc, tant que le baptême n’est pas donné et reçu, c'est comme la signature ou comme le mariage : avant mon mariage je ne suis pas marié, bien que j'en ai la ferme intention et ce même si déjà « je vis maritalement ». Le mariage n’est qu’un symbole ! Mais pas de symbole, pas de mariage. De même avant de signer chez le notaire je ne suis pas propriétaire, même si c’est mon désir ; et avant de payer avec une pièce/billet/carte, je ne peux pas sortir du magasin.

Ainsi on ne peut pas dire : « oh, le baptême c’est rien qu'un symbole ». Car « pas de baptême, pas d’entrée dans le royaume de Dieu ». On devrait plutôt dire, si on comprend le sens du mot symbole : « le baptême ce n’est rien de moins qu'un symbole ». Il me donne accès au pardon des péchés, au don du Saint-Esprit, à une nouvelle création, et à la résurrection. Toutes ces choses sont bien différentes du baptême, mais sont incarnées dans le baptême et impossible à recevoir sans recevoir le baptême. Le lien est tellement fort, que l’un ne va pas sans l’autre.

Pour le dire autrement : si on n’a pas le symbole, on n’a pas la réalité qui va avec.

Et on peut mourir pour la réalité incarnée par le symbole. Par exemple, les premiers chrétiens refusaient de mettre de l'encens sur le feu d'une divinité. Ce n’était pourtant qu'un geste symbolique mais ils étaient prêts à mourir pour marquer leur refus de cette réalité : en refusant le symbole ils refusent la réalité qui va avec.

Ce n’est donc pas minimiser l’importance du dîner du Seigneur (et du baptêm) que de dire qu’il est un symbole. Bien au contraire. On comprend que saisir la signification de ce geste est essentiel pour la vie du chrétien et pour la vie de l’église. Pas de dîner du Seigneur, pas de part avec le Seigneur ni avec l’église. C’est pourquoi il est important d’aller à l’église, et qu’on ne peut pas réellement participer à la réunion par video-conférence.


Notes

1 Inspiré de Paul Tillich, Dynamique de la foi, 1957, Labor et Fides & PUL, Trad. André Gounelle, Genève 2012, p.47-49