La création est-elle terminée ?

Question : La deuxième partie de Hébreux 4,3 ne dit-elle pas que la création de Dieu est terminée ? Quelle est ton opinion ?

Christian


Hébreux 4,3 Nous qui sommes venus à la foi, nous entrons dans le repos, dont il a dit : "Comme j’ai juré dans ma colère : On verra bien s’ils entreront dans mon repos !" son ouvrage, assurément, ayant été réalisé dès la fondation du monde, 4 car on a dit du septième jour : Et Dieu se reposa le septième jour de tout son ouvrage (TOB).


Éléments de réponse : Cette question ramène à la manière d'envisager le récit de la création en Genèse 1 et 2. L'interprétation traditionnelle (après Augustin et Origène) explique que la création de Dieu se termine le sixième jour avant que Dieu ne se repose le septième jour. Pourtant à bien lire le texte, nous pouvons nous demander si l'on ne peut pas aussi, voire même plutôt, en déduire que la création n'est en fait pas terminée, mais qu'elle ne fait au contraire que commencer par cette première semaine et cela qu'on prenne le texte littéralement ou non.

En effet en Genèse 1 « la première chose que Dieu a créée a été la lumière. Pas le ciel et la terre. C’est pourtant comme une proposition indépendante et une succession d’indépendantes que ce début a été traité traditionnellement – erreur canonique. (…) La seule traduction française, à ma connaissance, à ne pas commencer par ce contresens cosmique est la TOB (1976) : Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, 2 la terre était déserte[…] 3 et Dieu dit… L’erreur avait commencé avec la septante, Jérôme enchaînait, de même Luther et la King James Version. La traduction commençait mal » (1). Il y a plusieurs façon de traduire ce texte. Il y a en quelque sorte plusieurs degrés de liberté dans la traduction bien que tout et n’importe quoi ne soit pas possible non plus. Comme le dit avec humour Henri Meschonnic : « Le monde dépend de la grammaire » (2).

Si nous suivons la traduction de la première version de la TOB (Texte Œcuménique de la Bible), alors cette première semaine peut être envisagée comme un commencement de la suite, ce qui a mon avis est fort logique.

En Hébreux 3,7 à 4,11 l'auteur de l'épître donne à ses auditeurs un avertissement sur le fait qu'on peut rater le repos promis par Dieu, basé sur deux grand texte de l'Ancien Testament :

- D'abord le Psaume 95 dont la citation est mise dans le contexte de Nombre 14,21-23 ou le peuple, découragé par des émissaires, refuse le don de Dieu, c'est à dire la Terre Promise (comparée ici au repos), d’où la célèbre exhortation à s'encourager chaque jour en Hébreux 3,13.

- Ensuite Genèse 2,2-4 en expliquant qu'on à dit à propos du septième jour "son ouvrage, assurément, ayant été réalisé dès la fondation du monde". Mais de quel ouvrage s'agit-il ?

Il faut remarquer en Genèse 1,1 à 2,4a que Dieu crée le monde en six jour dans un poème extrêmement bien structuré : pendant les six premiers jours nous dit le texte "Il y eu un soir, il y eu un matin". Mais le septième jour, il n'y a pas cette formule. Ainsi, ce petit artéfact littéraire laisse le champ ouvert à notre interprétation d'une création non terminée. D'autant que, contrairement à ce que laissent penser nombre de traductions Genèse 2,2 ne doit pas être traduit comme le dit la NBS "Le septième jour, Dieu avait achevé tout le travail qu'il avait fait ; le septième jour, il se reposa de tout le travail qu'il avait fait" ou pire comme la BFC "Dieu, après avoir achevé son œuvre, se reposa le septième jour de tout son travail" mais plutôt (encore une fois) comme la TOB "Dieu acheva au septième jour l'œuvre qu'il avait faite, il arrêta au septième jour toute l'œuvre qu'il faisait". Dieu n'a pas terminé au sixième jour, mais bien au septième (3).

Ce septième jour est donc à la fois la fin du travail et le début du repos, car l'homme a été placé dans le « décor » créé par Dieu, et maintenant il va collaborer avec Lui pour terminer la création. Non pas terminer le décor, mais terminer l'humanité ! Ainsi en tant que créatures humaines nous sommes encore dans sixième jour alors que Dieu nous attend dans le septième jour, jour de son repos que l'on peut atteindre en Jésus-Christ et qu'il ne faut pas manquer. Spirituellement on pourrait dire qu'il y a ceux qui vivent dans le septième jour avec Dieu, d'autres qui vivent toujours dans le sixième jour et qui qui risquent de disparaître avec celui-ci.

Cette façon totalement cohérente d'interpréter Genèse 2 a l'avantage d'être compatible avec la théorie de l'évolution. Cette théorie est, finalement, révélatrice des moyens que Dieu utilise pour parvenir à ses desseins. Car la finalité de la création selon le Nouveau Testament, c’est l’homme nouveau, l’homme né de nouveau, l’homme transformé, l’homme spirituel, l’homme uni à Dieu. En bref l’homo sapiens sapiens est appelé à évoluer encore vers l’homo sapiens spiritualis. La différence majeure avec l’évolution telle qu’elle s’est déroulée jusqu’à l'homo sapiens, c’est que cette dernière étape nécessite l’adhésion, la coopération de celui qui est appelé à la franchir. Ce n'est plus le travail de Dieu, mais le nôtre. La dernière mutation est donc la plus difficile et peut-être même la plus incertaine car elle fait appel à la liberté, cette liberté indispensable pour qu'existe l'amour !

Revenons à l'interprétation de l'auteur des hébreux sur le repos : « selon une conception courante, l'entrée en Canaan fut l'entrée dans le repos (voir Josué 21,44 ; 22,4 ; 23,1). L'auteur dépasse cette conception par un raisonnement exégétique assez subtil. Le psaume 95 composé longtemps après la conquête, considère implicitement le repos de Dieu comme un but qui n'est pas atteint. L'auteur en déduit que l'entrée en Canaan n'a pas été l'entrée dans le repos de Dieu, mais une simple préfiguration » (4) comme beaucoup de choses dans l'Ancien Testament.


Notes :

1 H. MESCHONNIC ; « Au commencement ; traduction de la genèse » p 243; Ed Desclée de Brouwer, 2002.

2 H. MESCHONNIC ; « Au commencement ; traduction de la genèse » p 244; Ed Desclée de Brouwer, 2002.

3 pour les hébraïsants, le verbe achever וַיְכַל est au wayyiktol et doit être traduit par un passé simple comme le verbe cesser וַיִּשְׁבֹּת et il n'est pas logique de traduire l'un des deux verbes dans un temps et l'autre dans un temps différent

4 Note de la TOB sur Hébreux 4,4

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