L’homosexualité et la Bible

Souvent on demande aux chrétiens s'ils sont pour ou contre l'homosexualité. Et il est vrai que beaucoup de chrétiens ne savent pas quoi en penser. S'ils sont conservateurs, ils pensent qu'ils faut être contre et s'ils sont libéraux ils pensent qu'il faut être pour (ou pas contre). Les lobbies pro et anti homosexualité rivalisent de messages à travers les médias les films et autres supports pour faire pencher l'opinion publique de leur côté.

En réalité cette question est une sorte de piège. Un peu comme ceux que les scribes ou pharisiens aimaient tendre à Jésus1. Si la plupart du temps, ce piège est inconscient de la part de ceux qui posent cette question, il provient néanmoins d'une mauvaise compréhension de l'amour tel que Jésus-Christ le définit. Ainsi il est demandé aux chrétiens de justifier pourquoi d'un côté la Bible condamne l'homosexualité (ce qui reste à démontrer, nous allons le voir) quand d'un autre côté elle appelle à l'amour et au non-jugement.

En réalité à cette question, un chrétien ne peut répondre ni pour ni contre. Ce serait comme demander si on est pour ou contre le fait de craindre le froid ou le chaud. On peut regretter d'être frileux, mais on ne peut pas être pour ou contre.

On ne peut cependant pas nier que la Bible, et Paul en particulier, condamne les relations sexuelles avec une personne du même sexe. Romains 1,26-27 parle de telles relations (qui étaient courantes dans la société grecque2) et les juge déshonorantes, dans un passage qui dans son ensemble, traite de l'idolâtrie. On peut alors se demander pourquoi Paul évoque-t-il la pratique de cette sexualité dans un passage qui au départ parle d'idolâtrie ? Parce que pour lui, coucher avec quelqu'un du même sexe revient à coucher avec le « même ». Pour Paul, qu'un homme s'enflamme de désir pour un autre homme3 est un refus (même s'il est souvent inconscient et issu de décisions enfantines défensives comme beaucoup de nos décisions de vie) de la différence.

Dans l'esprit de Paul, aucune punition n'est promise de la part de Dieu aux homosexuels : Dieu ne punit pas, chacun subit les conséquences de ses propres pratiques. Quelles sont elles ces punitions ? Paul ne le dit pas en Romains, mais il évoque un problème dans l'héritage du Royaume de Dieu en 1Corinthiens 6,9 dans un passage qui déplore les conflits entre chrétiens. Au verset 11 il se réjouit de ce que les membres de l'église de Corinthe qui vivaient ainsi dans le passé aient pu changer de comportement. Paul ne condamne donc pas les homosexuels. Il y en a même qui font partie de cette Église de Corinthe qu'il a fondée. Mais il juge contre nature4 la pratique de la sexualité avec quelqu'un du même sexe.

Pourquoi est-on homosexuel ? Aucune réponse scientifique claire5 n'a été donnée6. Les uns avancent des arguments génétiques, d'autres des arguments de construction du genre (donc socio-culturels), et d'autres estiment que c'est une « déviance ». Il est probable que ce soit une construction psychologique (comme n'importe quelle autre). Mais ce qui est certain c'est qu'il s'agit d'une souffrance à la fois sociale (ce qui doit changer)7 mais aussi physique (ce qui peut changer)8.

La pratique d'une sexualité homosexuelle dans l’Église n'est donc pas condamnée, mais elle ne peut être reconnue. Non pas parce que l’Église n'aime pas les homosexuels9, mais parce qu'une sexualité entre personnes du même sexe ne saurait permettre la concrétisation de la signification de la sexualité du chrétien. Or cette signification n'est pas l'amour contrairement à ce qu'on pourrait penser même si cette concrétisation ne peut se faire que dans l'amour10 (1Corinthiens 13). L'amour au sens complet du terme (l'amour achevé selon l'expression de Sternberg) n'est qu'un moyen dans le plan de Dieu. Moyen puissant certes mais il n'est pas une fin. La fin visée par Dieu c'est de nous faire participer à sa divinité (2Pierre 1,4) ; l'amour entre un homme et une femme est un des moyens permettant à Dieu de nous affermir en vue de cette fin. Certes il y en a d'autres (1Corinthiens 1,8) mais la sexualité entre personne du même sexe n'en fait pas partie.

Rien n'interdit à la société de proposer un mariage civil « pour tous ». Comme au temps des grecs et des romains, les chrétiens sauront faire la différence entre ce qui les concernent et ce qui ne les concernent pas dans la société, comme sur de nombreux autres sujets.

Pour méditer :

- Est-ce que j'ai compris qu'être homosexuel n'est pas un péché ? Qu'est-ce qui est péché alors vis à vis de l'homosexualité ? Est-ce pire que les péchés de convoitise ou de pornographie ?
- Pourquoi le mariage « chrétien » ne peut pas concerner des couples de même sexe ?
- Pourquoi le « mariage pour tous » n'est pas un scandale en termes spirituels ? En quoi peut-il être éventuellement gênant ?


Notes

Matthieu 22,15 ; Marc 12,13 ; Luc 11,54 ; Jean 8,5 ; etc...

Un philosophe avait en général des relations sexuelles avec ses disciples dans un but pédagogique. Cf. Le Banquet de Platon qui fait l'éloge de l'amour qui selon lui est par définition homosexuel.

Paul n'aurait jamais employé le mot « homosexuel » qui est une création moderne. En Romains il parle de « mâles dans mâles ».

La nature dont il s'agit n'est pas la biologie, mais ce que Dieu définit comme normal. Pour s'en convaincre voir la démonstration biblique de Fançois Vouga, Evangile et vie quotidienne, Labor et Fides, Genève, 2006, p.153. Cela implique que l'homosexualité n'est pas un problème moral (car alors il s'agirait de quelque chose de relatif, acceptable ici, mais inacceptable là), mais le symptôme d'un malaise de l'humain dans sa relation à Dieu et à lui-même. Il y a donc bien un lien entre pratique sexuelle avec un partenaire de même sexe et idolâtrie.

Cf. par exemple Stanley Hauerwas, A Better Hope, ressources for a church confronting capitalism, democracy, and postmodernity, Brazos Press, Grand Rapids, Michigan, 2000

Dans le climat actuel des sciences sociales, il est probable que nous n'ayons pas de réponse scientifiquement claire et décisive avant longtemps. Le sujet est trop brulant pour que des chercheurs osent même se poser la question.

La discrimination des homosexuels dans la société doit changer. Il n'est pas plus légitime de rejeter ou simplement de se moquer des homosexuels que de se rejeter ou de se moquer des personnes fortes, des roux, ou des aveugles.

Changer d'orientation sexuelle est possible, mais pas obligatoire. Mais conformément à la conclusion de cet article qui postule une inadéquation entre la pratique d'une sexualité avec un partenaire de même sexe et le statut de disciple de Jésus-Christ, il semble nécessaire d'envisager le changement, en s’appuyant sur la foi.

L'église doit être capable d'accueillir tout le monde sinon elle risque bien de ne pas être l'Eglise. Tous ceux qui se disent chrétiens qui ont l’habitude de faire des blagues ou de se moquer des homosexuels devraient – sérieusement – se repentir.

10  Pour connaître cette signification, voir l'article "La sexualité fait partie du plan de Dieu" dans lequel nous montrerons que la sexualité chrétienne a quatre buts principaux dont la procréation et la mise en évidence dans la chair de l'unité divine.

- La procréation n'étant pas une obligation, elle pourrait être occultée dans un débat d'ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Mais les débats politiques montrent bien qu'en réalité les couples de même sexe n'éludent pas la question puisque souvent la question du mariage homosexuel s'accompagne de questions sur la procréation médicalement assistée (C'est le cas en France depuis la promulgation de la loi 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe)

- La signification de l'unité divine n'est possible que pour des corps différenciés en homme et femme, qui s'unissent dans l'acte sexuel. On pourrait même aller plus loin en disant qu'il faut que les deux partenaires soient chrétiens pour réaliser cette signification.

6 Comments on “L’homosexualité et la Bible

  1. Bonjour Pierre-Louis,
    tu écris plus haut qu’il y avait des homosexuels dans l’église de Corinthe. Comment le sais tu ? Peux-tu citer tes sources ? Je ne me rappelle pas avoir lu cela dans les épîtres de Paul.
    Bonne journée
    Christian

    1. Salut Christian,
      Paul dit en 1Corinthiens 6,9 “Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas le royaume de Dieu ? Ne vous égarez pas : ce ne sont pas ceux qui se livrent à l’inconduite sexuelle, à l’idolâtrie, à l’adultère, les hommes qui couchent avec des hommes, 10les voleurs, les gens avides, les ivrognes, ceux qui s’adonnent aux insultes ou à la rapacité qui hériteront le royaume de Dieu. 11Et pourtant c’est là ce que vous étiez – quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, vous avez été consacrés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu.”

      1. Salut Pierre-Louis,
        1/ Paul dit qu’ils se sont repentis avant de faire partie de l’église, ils ne sont donc plus homosexuels, d’où mes interrogations mais peut-être n’ai-je pas compris ce que tu veux dire par homosexualité ?
        2/ Ce qui me gène dans ce que tu écris, c’est que l’homosexualité n’est pas un péché. C’est la notion d’identité qui est ici centrale. Si mon identité est l’homosexualité, je ne puis rien y changer, je ne peux que m’accepter tel que je suis. Or, Paul mentionne clairement l’homosexualité dans la liste des choses qui nous privent du salut (c’est à dire du Royaume à venir).
        3/ Dieu aurait-il créé des êtres humains qui ne pourraient pas être sauvés parce que, par nature, ils ne peuvent pas changer ? C’est la vision Calviniste des choses mais je ne la partage pas. David dit au Ps. 139:14, “je te loue de ce que je suis une créature merveilleuse”. Si nous naissons avec des orientations homosexuelles (ou d’autres traits de caractère mauvais), pourquoi David aurait-il écris cela ? Je pense que Dieu nous a créé sans défaut mais nous sommes tous contaminés par les péchés (j’aime beaucoup ta vision du péché comme une maladie) , comme l’homosexualité ou la convoitise ou la colère.
        4/ Cette contamination peut nous poursuivre toute notre vie, comme un alcoolique aura toujours un problème avec la boisson, ce qui ne veut pas dire que par nature il est alcoolique.
        5/ En effet, il est très difficile de se débarrasser des “péchés de caractères” qui nous “collent” à la peau. Se débarrasser de la convoitise ou de la colère est difficile. Un chrétien qui a été homosexuel aura probablement à lutter avec ça toute sa vie, comme un chrétien qui a visionné des films pornos aura à lutter avec la pornographie toute sa vie aussi. Nous sommes tous pécheurs, pas plus quelqu’un qui à été avare ou menteur que quelqu’un qui a été homosexuel. L’homosexualité est à mettre sur le même plan que tous les autres péchés, ce que tu soulignes bien.
        6/ Une dernière chose: je suis un scientifique, je fais de la recherche. Je suis bien placé pour savoir qu’on ne peut pas faire confiance aveuglément à la science. Elle est parfois instrumentalisée pour des objectifs idéologiques. Un exemple, est le comportement de certains scientifiques allemands qui ont cherché à prouver scientifiquement la supériorité de la “race aryenne” et les thèses nazies. Il faut donc se méfier des études scientifiques qui tendraient à prouver (ou non d’ailleurs) que l’homosexualité est d’origine génétique.

        1. Salut Christian,
          Je me suis permis de découper ton commentaire en plusieurs parties pour y répondre point par point.
          1/ Effectivement je pense que tu n’as pas bien saisi mon propos : je disais « Au verset 11 il se réjouit de ce que les membres de l’église de Corinthe qui vivaient ainsi dans le passé aient pu changer de comportement ».
          Le terme homosexualité est une création assez récente (19ème siècle). Dans la Bible on parle de ἀρσενοκοίτης (arsénokoitès) qui veut dire mâles partageant le même lit (1Corinthiens 6,9 et 1Timothée 1,10).
          2/ Il est vrai que le thème arsénokoitès utilisé deux fois seulement dans le NT l’est à chaque fois dans une « liste de péchés ». Mais on ne peut pas dire que l’état d’homosexualité est condamné par Paul. Ce qui est condamné clairement c’est le fait que deux hommes couchent dans le même lit (le mot sous-entend que c’est pour des relations sexuelles).
          La notion d’identité est effectivement très importante. Car l’identité est quelque chose qui se construit. Mais malheureusement pas uniquement par soi-même. L’environnement (culture, sociologie, rencontres…) joue un rôle énorme.
          3/ Oui tu as raison. Nous naissons « sans défaut » certes, mais pas parfaits au sens ou nous ne sommes pas finis. A la naissance nous sommes (presque, car la grossesse a un impact) comme des ordinateurs sans programme. Notre identité va se construire au contact de nos parents proches d’abord, puis les relations de plus en plus nombreuses vont intervenir (fratrie, famille élargie, amis, instituteurs et autre professeurs, camarades d’école, etc…). Finalement Dieu intervient peu dans la construction de notre identité, surtout dans des familles, et dans une culture non-croyante.
          Et nous serons affectés par le péché des autres de plusieurs manières : nous pouvons imiter le péché des autres, et l’intégrer, mais aussi être blessé par le péché des autres et intégrer des déviances. L’homosexualité (peut-être devrait-on utiliser le terme de « attirance du même sexe » – adms – traduction de « same sexe attraction » – ssa) est à mon avis de cet ordre là.
          (voir à ce propos, même si c’est en anglais les 6 articles de Guy Hammond : “what causes same sex attractions”
          Part1Part2Part3Part4Part5Part6)
          4/ Tout à fait. Je connais un chrétien devenu alcoolique parce que la personne qui l’élevait (et qui n’était pas sa mère) l’était et lui a fait boire de l’alcool à partir de ses 8 ans pendant plusieurs années. Le pauvre se bat contre l’alcool. Car « alcoolique un jour, alcoolique toujours ». Ce n’est pas sa nature, mais le péché de l’adulte est imprimé à jamais dans son cerveau. Je pense que l’analogie avec l’homosexualité est du même ordre.
          5/ Je veux juste différencier l’adms (tendance de la chair) de la pratique sexuelle en elle-même (péché) ce que le vocabulaire biblique du premier siècle semble bien faire en parlant de « mâles dans le même lit ». Ainsi j’ai la conviction qu’on peut être homosexuel sans pratiquer une sexualité avec des personnes de même sexe. C’est une épine dans la chair. Certains ont celle-ci, d’autres en ont une différente… voire plusieurs !
          6/ Tout à fait d’accord. D’ailleurs la science est souvent instrumentalisée en seconde main par des lobbies via les médias. Ce ne sont souvent pas les scientifiques eux-mêmes qui mènent la guerre idéologique même si cela arrive, comme par exemple l’équipe américaine qui fabriquait la bombe atomique a fait pression pour qu’elle soit utilisée en conditions réelles à Hiroshima. Mais en général les scientifiques sont eux-mêmes instrumentalisés (soit par intérêt, soit à leurs dépends). Quand certains généticiens expliquent qu’on peut trouver des facteurs génétiques à l’homosexualité (je ne dis pas que j’approuve, mais qu’ils le disent), ils ne disent pas, comme les titres des journaux qui utilisent leurs résultats que « on nait homosexuel », mais que l’homosexualité pourrait s’expliquer en partie par des prédispositions génétiques, ce qui d’ailleurs ne fait pas encore l’unanimité.
          Par ailleurs, il faut remarquer que les lobbies LGBT ne sont pas en manque de contradiction non plus quand ils affirment que le genre est une construction culturelle et sociale et qu’en même temps l’homosexualité est d’origine génétique.

  2. Merci pour cet article. J’ai côtoyé de nombreux hommes qui étaient Homosexuels et leur histoire était à chaque fois unique. Le facteur commun prédominent c’est la souffrance. Qu’ils soient en couple, actif ou passif, refoulant, revendiquant il y a une quête de l’idéal, du parfait, du mythe. Il y a aussi une volonté profonde d’être “normal” comme si la normalité allait suffire à effacer le trouble profond qui remplit le cœur.
    J’ai le cœur brisé pour mes frères qui se perdent dans cette idolâtrie du genre jusqu’à la mort spirituelle et physique. Je me sens parfois coupable de ne pas avoir suffisamment aimé pour écouter derrière leur joie, leur beau sourire, leur douceur, leur bienveillance et leur sensibilité, la solitude, la peur, le sentiment honteux d’éprouver de la passion pour le même sexe.
    Pour terminer l’Homosexuel doit se rappeler qu’il est un homme ou une femme avec une cette orientation et qu’en tant qu’homme ou femme il peut construire une identité unique en Christ, comme chacun d’entre nous. Devenant ainsi un enfant de Dieu.
    Je dédie ce post à mon ami et frère François disparu.

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