Pourquoi la monogamie ?

Une question qu'on peut se poser lorsqu'on lit la Bible et spécialement l'Ancien Testament, c'est « pourquoi une seule femme ? ». La société du Proche Orient Ancien étant patriarcale, on ne se posait pas la question symétrique : « pourquoi un seul homme ? », mais elle est la même au fond.

En effet les patriarches Abraham et Jacob en tête, eurent plusieurs femmes. David et plus encore Salomon les rois du royaume uni, également. Comment ne connaissaient-ils pas le commandement de Dieu ? Ou bien ce commandement n'était-il pas clair ?

Selon la manière dont on conçoit le processus de formation de la Bible hébraïque, qui est de toute façon un processus compliqué à définir historiquement, la réponse à la question sera légèrement différente. Si on pense que David et Salomon connaissaient nécessairement la loi de Moïse dans son ensemble on estimera qu'ils ont désobéi. Si on pense que la plupart des documents de la Torah (les 5 premiers livres de la Bible) ont été écrit ou au moins rassemblés à partir de l'Exil (début du 6ème siècle avant Jésus-Christ et donc environ quatre siècles plus tard) alors on peut penser que les histoires concernant ces anciens personnages auront amené les scribes deutéronomistes et les prêtres à réfléchir à la question. Car à bien lire ces textes on perçoit que la polygamie pose un problème. Elle apparaît comme un (parmi d'autres) facteur déstabilisant qui ont mené à l'infidélité envers Dieu et donc indirectement aux différentes catastrophes de l'histoire d'Israël : d'abord la séparation du royaume en deux après Salomon, ensuite la destruction de Samarie, puis de Jérusalem.

Mais le message de l'historiographie1 biblique reste cohérent avec celui des origines : l'homme s'attachera à sa femme (Genèse 2,24). Un homme ne devrait avoir qu'une seule femme. Le principe anthropologique rejoint celui de la démonstration historiographique : Dieu a fait les humains ainsi. Aller contre ce principe de la monogamie expose a des catastrophes relationnelles a minima. Mais ça peut aller bien plus loin dans le pire !

Qu'en est-il d'un point de vue biologique ? On sait que le désir sexuel de l'homme est différent de celui de la femme. L'homme est plus facilement et rapidement excité par la vue ou les paroles érotiques (crues ou suggérées). Le désir de la femme est plus lent à se mettre en place, et passe par les caresses, les paroles douces, la vulnérabilité. Lors des jeux de séduction, l'homme aura tendance à donner de l'amour pour obtenir du sexe alors que la femme donnera du sexe pour obtenir l'amour2. Curieusement, il y a une sorte d'inadéquation entre les deux alors qu'ils sont faits pour se rencontrer3. D'un point de vue purement reproductif, pas besoin du désir féminin4.

Cette inadéquation permet deux réflexions : l'une purement biologique, l'autre théologique. La première en accord avec la théorie de l'évolution postule que le désir masculin rapide et efficace d'un point de vue reproductif s'est imposé au cours de l'histoire des hominidés pour permettre une plus grande probabilité de reproduction avec un plus grand nombre de femmes. La seconde, en accord avec la monogamie prônée par la Bible postule que l'homme doit apprendre à maitriser son désir afin de permettre à la femme de parvenir à l'orgasme. Dans la relation sexuelle aussi Actes 20,35 se vérifie : il y a plus de plaisir à donner qu'à recevoir.

Les deux explications sont valables et vérifiables5. Mais la première n'a aucune possibilité de réalisation dans le cadre de l'amour et de la fidélité. C'est la que nous comprenons la douleur ressentie par les femmes ou les maris trompés. Une blessure dont la cicatrice ne s'estompe jamais complètement, conduisant souvent au divorce qui de toute façon est toujours un échec, quoi qu'on en dise, même si celui-ci « se passe bien ».

Si la polygamie ou la polyandrie est votre fantasme peut-être y a-t-il du reptilien dans votre façon de voir la vie et la reproduction. Ce n'est pas un péché, mais il va falloir faire une croix sur sa réalisation effective si vous voulez vivre une relation qui soit un signe du bonheur divin comme nous le disions dans un article précédent. Bien que ce ne soit pas populaire de s'interdire quelques possibilités supplémentaires de jouissance, celles-ci valent-elles la peine de sacrifier l'unité, la paix et l'amour déjà si difficiles à construire dans la monogamie ?

Ainsi si la monogamie est bien un principe biblique applicable. Elle est de fait la situation psychologiquement et relationnellement la plus sécurisante. Vivre plusieurs vies de couples en même temps doit être difficile sur tous les plans : affectif, relationnel (et que dire aussi des relations entre les concubines/concubins concurrent(e)s !), financier, psychologique, et bien plus encore.

Pour méditer :

- avoir plusieurs amant(e)s ou plusieurs conjoints est-il un de mes fantasmes ? En quoi cela est impossible à envisager dans le cadre de l'Amour ?
- A quoi ont conduit les comportements polygames des patriarches bibliques ? Quel parallèle pourrait être possible dans ma vie si je me comportait ainsi ?


Notes

Il s'agit de l'histoire telle qu'elle est racontée et interprétée par la Bible.

Mais quand tout cela est centré sur soi, alors ce qu'on donne est une simulation, un leurre. On donne pour avoir. On investit des efforts pour avoir un retour sur investissement !

Pour plus de précisions sur les différences entre hommes et femmes, voir par exemple le livre très accessible aux non-psychologues : Jacques Poujol, Valérie Duval-Poujol, 10 clés de la vie en couple, Tharaux, Empreinte Temps Présent, 2011, p.56-66

S'il n' y en n'a pas besoin, pourquoi s'en préoccuper se disait-on au Moyen-Age. Quelque chose d'inutile est probablement issu du péché.

Un certain nombre d'expériences démontre la vérité scientifique de la théorie reproductive. Mais cette vérité scientifique ne doit pas être confondue avec une vérité morale. Voir : Elisa Brune, Yves Ferroul, Le Secret des femmes, voyage au cœur du plaisir et de la jouissance, Odile Jacob, Paris, 2010