Les Anabaptistes et la communion

Les anabaptistes, ont une conception proche des réformateurs suisses. Bien que leur mouvement soit né d’une séparation avec Zwingli, ils furent les premiers1 à célébrer un repas du Seigneur protestant en Suisse et à se séparer de la messe en 1525.

Il y a pourtant des nuances importantes entre zwinglistes et anabaptistes. Ces derniers utilisent peu le terme de Cène mais préfèrent parler de la fraction du pain et rejettent le terme de sacrement. Par exemple, Konrad Grebel disait :

Le dîner est un signe de communion, pas une messe ni un sacrement2

Les anabaptistes lient le baptême et la fraction du pain dans un même mouvement de l’Esprit3. Pour eux, le repas du Seigneur n’est pas l’expression de la foi des participants, mais de l’amour et de l’unité4 de l’église. Balthazar Hubmaïer disait que :

tout comme le baptême dans l’eau est un témoignage public de la foi chrétienne, ainsi le dîner [du Seigneur] est-il un témoignage de l’amour chrétien5.

Pour eux, les « choses » ne sont pas saintes : ni les livres (la Bible) ni le pain, ni le vin, ni les vêtements, ni les bougies, ni les cloches... ils rejettent donc l’adoration des espèces pratiquée dans le catholicisme. Ce qui doit être saint, ce sont les relations. En particulier, participer au repas du Seigneur, c’est proclamer qu’on est prêt à donner sa vie pour la communauté (Jean 15,13) car en participant au repas, nous sommes « crucifiés avec le Christ »6. La réaction anabaptiste, qui se veut une « réforme radicale » s’explique par le peu d’importance que l’Église pendant des siècles a accordé à la notion de communion fraternelle dans la communion alors même que c’est un élément primordial du dîner du Seigneur7.

Pour les anabaptistes, l’Église est constituée de personnes sans péché. Non pas parce qu’elles ne pèchent pas, mais parce qu’elles sont libérées du péché par le Christ. Participer au repas du Seigneur, c’est recevoir du Christ la qualité de « sans péché ».

Ils sont souvent accusés (à tort) de pratiquer un « simple mémorial ». Or pour eux, le Christ est bien présent, en tant que personne (Matthieu 18,20), mais pas en tant qu’élément. Certains anabaptistes pensent cependant que le Christ est présent aussi « dans » le pain et le vin, mais pas en tant que pain et vin, ce qui se rapproche de la doctrine de Luther.


Notes

1 Voir Ulrich Luz, Matthew 21-28, Fortress Press, Coll. Hermeneia, 2005, p.377
Les anabaptistes pensaient que Zwingli était trop timoré, n’était pas assez radical et n’allait pas assez vite dans la réforme. Zwingli pensait qu’il fallait du temps pour aider les gens à accepter les changements et que ceux-ci devaient être introduits progressivement.

2 Konrad Grebel, Letter to Thomas Münster, cité dans Ulrich Luz, Matthew 21-28, Fortress Press, Coll. Hermeneia, 2005, p.377

3 Dans certaines communautés anabaptistes la fraction du pain est accompagnée du « lavement des pieds » (en référence à Jean 13).

4 Chez les anabaptistes, la discipline ecclésiale est très importante, et l’unité de l’église dans la sanctification, une préoccupation majeure.

5 Balthazar Hubmaïer, cité dans Willam R. Estep, The Anabaptist Story, An Introduction to Sixteen-Century Anabaptism, EedermanPublishing, Grand Rapid MI, 1995, p.252

6 Galates 2,19

7 En Matthieu 26 le repas du Seigneur est décrit par 4 versets (de 26 à 29). Le premier commence par « pendant qu’ils mangeait » et le dernier insiste sur le désir de Jésus de reboire le vin avec ses disciples.