Le Repas du Seigneur : Comment ?

Avec cette question nous faisons face à la multiplicité des liturgies possibles. Mêmes les églises qui se targuent de ne pas avoir de liturgie, sont bien obligées d’en inventer une au moment nécessaire !

Une des caractéristiques oubliée du repas du Seigneur initial est ce que nous avons déjà plusieurs fois remarqué : dans l’exultation et la simplicité de cœur. Les rituels stricts, voire magico-religieux sont probablement à proscrire. Mais l’absence de totale de rituel vire à la confusion entre un repas banal entre ami et le repas du Seigneur.

L’idée à retenir est le modèle que Jésus nous donne. C’est simple :
- prendre : à un moment donné du repas, l’hôte, ou celui qui est chargé de présider ce moment suscite l’attention des convives et prend du pain.
- rendre grâce : on ne sait pas ce que Jésus a dit dans sa prière, mais celle-ci était probablement une vraie prière. Une prière dans l’Esprit de Jean 17 adaptée au moment, à ce que vit l’assemblée, est probablement ce qui est le plus approprié. Une prière solennelle mais passionnée, pleine d’un désir pour Dieu. Des Psaumes peuvent aussi être lus. Quoi qu’il en soit, de la créativité est nécessaire pour exprimer à Dieu de la reconnaissance, car il s’agit avant tout de le remercier pour ses dons et en particulier celui de son Fils unique sur la Croix et pour l’église qui naît de ce don.
- rompre : le geste de rompre le pain doit pouvoir être effectué devant les convives, tout en rappelant les paroles de Jésus sur le corps donné. Que celui qui dirige ce moment rompe le pain en autant de morceaux que nécessaires, ou qu’il le rompe une fois pour faire passer ne semble pas avoir eu assez d’importance pour qu’une règle soit obligatoire et déductible des textes.
- Donner : chaque convive doit avoir un (bon) morceau de pain à manger. Le tremper dans une sauce ou des herbes n’est pas incongru. Ceux qui pensent que cela porte malheur devraient reconsidérer leurs superstitions. Car si Jésus a trempé le pain en même temps que Judas, il a trempé le pain, parce que c’est ce qui se faisait, et non spécifiquement à ce moment là comme un geste maudit.
- Manger : ce n’est pas honteux de manger. On n’est pas obligé de baisser la tête en signe de contrition. Il est même probable qu’à ce moment là, il est préférable de se regarder les uns les autres ! En signe d’amour, d’unité, de reconnaissance. C’est aussi cela discerner le corps et s’examiner soi-même vis à vis des autres. Il est plus facile de se renfermer dans ses pensées en baissant la tête en signe de grande religiosité, plutôt que de se parler avec les yeux, ce que seuls des gens vraiment proches peuvent faire.

De même un peu plus loin dans le repas, après le plat principal ou à la fin, avec le vin (ou le jus de raisin) :
- prendre : une grande coupe1 de vin, ou par mesure d’hygiène, une bouteille/carafe de vin et des verres. Vouloir que toute l’assemblée boive à une seule coupe est probablement l’exagération d’un détail. Il vaudrait mieux que tout l’assemblée boive un même breuvage, mais pour des raisons liées au risque alcoolique, nous avons vu que cela pouvait aussi être remis en question.
- rendre grâce à nouveau : par une prière de reconnaissance pour la relation que Dieu veut avec nous, cette Nouvelle Alliance avec les nouvelles créatures que nous sommes, destinées à une nouvelle création. Nous pouvons alors reconnaître l’irruption du futur de Dieu dans notre vie, l’espérance que Dieu nous donne.
- donner : verser ou faire passer la coupe.
- boire : chacun son tour dans la même coupe ou tous ensemble dans des verres individuels. Là encore en se regardant les uns les autres pour reconnaître en chacun des convives les autres membres du Corps et pourquoi pas en trinquant aux bienfaits que Jésus nous offre... dans l’exultation et la simplicité de cœur.


Notes

1 La coupe en grec se dit ποτήριον (potèrion) qui a donné le pot. Les bouteilles n’existaient pas au premier siècle (elles seront utilisées pour le vin à partir du 16ème ou 17ème siècle). On transportait le vin dans des amphores ou, dans les pays où cela existait, dans des tonneaux (dont on a les plus anciennes traces en Gaule au 1er siècle avant J.C.). Pour les plus petites quantités, n’importe quel contenant faisait l’affaire en particulier l’ὑδρία (hudria) un pot en terre utilisé pour les usages quotidien qui pouvait contenir jusqu’à 40 litres (cf. Jean 2,6.7 ; 4,28).