Qui est le Christ ?
         Celui qui est venu . . .

Au commencement était la Parole ;
      la Parole était     auprès de    Dieu ;
      la Parole était                           Dieu                        (Jean 1,1)

Il est évident qu'un être est auprès de lui-même. Mais pourquoi alors préciser cela ? Parce que quand Jean 1,14 parle de la Parole qui se fait chair, il ne faut pas oublier qu'elle reste ce qu'elle est au commencement, c'est à dire la Parole, le λόγος (logos)1 de Dieu. C'est Dieu en personne.

La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père (Jean 1,14ab).

La Parole c'est donc Dieu lui-même qui vient dans la chair, c'est à dire dans la condition humaine. La Parole n'a pas revêtu une apparence humaine, elle est devenue humaine2. Cette « opération » nous la connaissons historiquement, car elle s'est concrétisée en Jésus-Christ (v17), Fils unique venu de Dieu (v14), qui « est né de la vierge Marie, a souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié , est mort, a été enseveli »3. Il y a donc un point de contact direct entre la vie de Dieu et la vie réelle des hommes, entre la théologie et l'histoire :

Mais nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu'il nous a donné l'intelligence pour que nous connaissions celui qui est le Vrai ; et nous sommes dans le Vrai, en son Fils Jésus-Christ. C'est lui le vrai Dieu et la vie éternelle (1Jean 5,20).

Le Christ est donc celui qui est venu. Par sa vie, son action, son enseignement, il est la Parole de Dieu faite homme. Si la Parole de Dieu n'était pas venue prendre la condition humaine, nous ne pourrions pas l'entendre (Jean 1,18). Elle resterait en Dieu, inaudible pour les humains. Car il ne s'agit pas d'une parole au sens de quelques mots, de quelques instructions ou de quelques principes catégoriques moraux. La morale est culturelle, mais la Parole de Dieu est au delà de la morale et de la culture. Elle est de l'ordre de la vérité :

La Parole est devenue chair ; (...) elle était pleine de grâce et de vérité (Jean 1,14ac).
Car elle s'est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les humains (Tite 2,11).

La Parole de Dieu est la Parole de la grâce. Or il ne faut pas confondre la grâce et le pardon. La grâce de Dieu se manifeste certes à travers le pardon, mais aussi à travers la venue du Christ. Pâque est autant la manifestation de la grâce que l'est Noël. La grâce se manifeste autant à travers la crèche qu'à travers la croix ! Car Dieu s'est fait humain par pure grâce. Il voulait être proche des hommes. Il en est devenu un. Il voulait que son amour fut visible des hommes. Il est venu les aimer. Il voulait que les hommes ordinaires de ce monde puissent l'entendre, le voir, le toucher ! (1Jean 1,1). La Parole de Dieu se touche donc. Elle se contemple (1Jean 1,1) elle se mange (Jean 6,53.63) ce qui veut dire qu'on doit l'intégrer à notre esprit comme la nourriture s'intègre à notre corps. Elle est un être vivant, agissant (Hébreux 4,12), qui transforme et donne une autre forme de vie à ceux qui l'acceptent (Jean 5,24).

Le Christ est donc la Parole de la grâce qui s'est manifestée. Et que raconte-t-elle cette Parole de grâce ? Et bien elle raconte l'histoire d'un scandale. Car le Christ, le Messie d'Israël est venu, non pas pour être servi mais pour servir, non pas pour juger mais pour sauver, non pas pour être glorieux mais pour être humble et même humilié, non pas pour construire sa vie mais pour la donner (Jean 10,11-18). Le roi glorieux, le prophète puissant qu'on attendait, finit sur une croix comme le plus infâme des brigands. La Parole de Dieu scandalise, c'est à dire qu'elle fait chuter la raison et les fantasmes humains.

La seule chose qu'on pourrait humainement envier à Jésus-Christ, c'est sa spiritualité, sa relation à Dieu. Tout le reste, la nature humaine ne le souhaite pas : l'anonymat, l'incompréhension, le rejet... personne n'envie cela. Mais être capable de le supporter avec joie, tout le monde aimerait en être capable. Tel est l'effet de la Parole de Dieu. Tel est celui que Dieu veut faire roi des rois. Tel est le chemin que nous montre Jésus-Christ. C'est le chemin de la confiance absolue en Dieu. Le chemin de ce qu'avec un mot qu'on ne comprend plus aujourd'hui nous appelons religieusement : la foi.

Jésus-Christ, Parole de Dieu, Serviteur de Dieu, Fils de Dieu, Sauveur de la part de Dieu, est venu. Réjouissons nous.


Notes

1  Mot grec qui est traduit par Verbe ou Parole. Il exprime effectivement l parole mais aussi le discours, le récit, la conversation, la connaissance, la révélation, l'argumentation, le raisonnement. On pourrait aussi dire que ce logos est la vérité parce qu'il vient de Dieu.

Dans un article précédent nous remarquions que Jésus n'est pas un homme devenu Dieu, mais on peut dire que Dieu est devenu un homme.

Cf. Symbole des apôtres.