Ignorance ou connaissance de la vérité

Dans son premier discours en Actes 2 comme dans son deuxième discours en Actes 3, Pierre utilise à plusieurs reprises la notion de savoir (οἰδα) ou de connaître (γινώσκω).

En Actes 2,14 il demande à ce que ses auditeurs soient attentifs pour pouvoir savoir (au sens de comprendre) ce qui se passe sous leurs yeux. Au v22 il rappelle à ses auditeurs qu'ils savent qui est Jésus parce qu'ils ont forcément entendu parler des prodiges que Dieu faisait à travers lui. Au v36, à la fin de son discours, il conclue par l’exhortation à « connaître avec assurance » (ce qui dépasse le simple savoir) que Jésus le crucifié a été fait Seigneur et Messie.

En Actes 3, les spectateurs de la guérison de l'infirme sont médusés par le miracle. Pierre les accuse d'avoir renié par ignorance (Actes 3,17) celui qui vient de produire ce miracle. Ils n'auraient pas dû être ignorant puisque Moïse et les prophètes avaient annoncé la venue du Messie. Quand Jésus sur la croix dit "Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font" (Luc 23,34) il pense à ces romains païens qui viennent de le crucifier et qui tirent au sort à qui aura sa tunique. Maintenant, pour ces israélites, avoir vu ce miracle et entendu cette prédication de Pierre fait d'eux des gens qui ne sont plus ignorants, qui sont sans excuses et qui doivent dorénavant choisir entre la repentance ou la conséquence de leurs péchés (v19 et 26).

Les chrétiens sont souvent interrogés sur le statut sotériologique1 des personnes qui ignorent la vérité chrétienne. S'il est rare que quelqu'un n'ai jamais entendu parler de Jésus (bien que ça existe, même en France !) surtout en Europe où très souvent on fête Noël et Pâques avec des jours fériés, il y a un gouffre entre « entendre parler de » (Actes 2,22) et « comprendre » (Actes 2,14.36). Combler ce gouffre n'est pas évident, car souvent nous sommes culturellement, socialement voire traditionnellement aiguillés d'une manière qui ne permet pas de comprendre (Romains 1,18-32). Cette orientation spirituelle est même parfois volontaire de la part de personnes (parents, professeurs, collègues et même parfois ecclésiastiques...) qui s'opposent à ce que le Christ soit connu (maintenir dans l'ignorance a toujours été un instrument de pouvoir – Luc 11,52). Ces personnes sont elles-mêmes ignorantes de ce à quoi elles s'opposent comme le dit Éphésiens 4,18 Ils (les païens) ont la pensée obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l'ignorance qui est en eux et de l'endurcissement de leur cœur.

Bien évidemment le but est de connaître Dieu, pas seulement « des choses sur Dieu » (cf. Job 42,5 : Mon oreille avait entendu parler de toi; Mais maintenant mon œil t'a vu). Mais la miséricorde de Dieu est grande pour les ignorants (Actes 17,30 ; 1Timothèe 1,13). Dieu peut pardonner l'erreur doctrinale2 autant que le meurtre ou l'adultère. Mais ceux qui en choisissant volontairement l'ignorance refusent sa grâce et n'acceptent pas le cadeau du pardon des péchés (Luc 1,76-78 ; Romains 3,23-26) ont fait un choix responsable (1Pierre 4,17-18). Ce qui importe c'est bien de chercher Dieu car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira (Matthieu 7,8). Ainsi refuser de chercher c'est refuser le don de Dieu (Luc 19,42).

Paul en Romains 2,12-16 explique que la conscience humaine est en en jeu dans le salut. Pour lui il ne s'agit pas de religion, mais de pureté de la conscience : pureté non par rapport à soi-même comme lorsqu'on se dit qu'on n'a rien à se reprocher, mais pureté par rapport à Dieu. Or, afin que nous ne soyons pas confus, sur ce que Dieu attend de nous, il nous a envoyé un modèle de pureté à imiter (1Jean 2,3-6). Ignorer ce modèle a des conséquences importantes dans notre vie quotidienne (1Pierre 1,14). Il est donc doublement dangereux de jouer avec notre salut en « comptant » sur la miséricorde de Dieu et en ne faisant pas de notre recherche de la vérité la priorité absolue de notre vie (1Timothée 2,4).

C'est probablement l'un des messages de Luc à Théophile à travers ses deux livres qu'il lui dédicace. Car Luc aime opposer ignorance et connaissance : et ce n'est donc pas un hasard si l'une des missions des chrétiens est de proclamer l'évangile afin de le faire connaître (Actes 1,8).


Notes

(1) C'est à dire la situation des non chrétiens vis à vis du salut : sont-ils sauvés par Dieu ?

(2) Par exemple : l'ignorance de la nécessité du baptême pour le salut est probablement une erreur pardonnable. Cependant elle entraîne des conséquences spirituelles non négligeables pour les églises qui n'y accordent pas d'importance et en particulier le danger de rejeter cette doctrine lorsqu'elle est apportée par un chrétien qui l'a comprise.

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