Actualiser le message biblique

En matière de sexualité, l'un des paramètres d'actualisation du message chrétien passe par comprendre que nous vivons, au moins en occident, dans une société de droit égalitaire et non plus dans une société de devoir patriarcale. Dans cette dernière, les individus ne comptent pas ; leurs désirs encore moins. Tout est mis en œuvre dans le seul but de permettre la survie du groupe face à la précarité de la vie quotidienne. Ainsi les mariages permettant de préserver les intérêts financiers ou sociaux des groupes, étaient basés sur l'engagement. Si la passion et l'intimité étaient au rendez-vous, tant mieux. Sinon on allait les chercher ailleurs, ce qui était convenu chez les grecs mais était fait sous le manteau dans la chrétienté : « le zèle ascétique a provoqué un véritable problème moral. En interdisant le sexe, en le culpabilisant, il l'a rendu obsédant, en rendant obsédant il a attisé le désir de transgression »1.

Dans une société de droit, nous pouvons exister personnellement non parce que nous sommes devenus égoïstes, mais parce que cela ne met plus cette société en danger. Avec l'accroissement de la durée de la vie et avec l'émancipation de la femme, la nécessité d'obéir à un devoir social est réduite2. Même si nous en ressentons encore psychologiquement et sociologiquement la pression, cette nécessité se fait de moins en moins influente, et le désir est de moins en moins refoulé. Il est même stimulé en permanence par le modèle de société de consommation. En matière sexuelle aussi il est mis en avant comme un désir à satisfaire absolument quitte à en perdre le sens. Comme le dit Paul Ricœur, « La levée des interdits sexuels a produit un curieux effet, que la génération freudienne n'avait pas connu, la perte de valeur par facilité : le sexuel devenu proche, disponible, et réduit à une simple fonction biologique, devient proprement insignifiant. (…) Tout ce qui rend la rencontre sexuelle facile, favorise aussi la chute au degré zéro du sens de la valeur »3. De fait les statistiques sur les séparations de couples le montrent bien : la variable engagement (mariage) s'est affaiblie au profit de l'intimité (concubinage) et surtout au profit de la passion (sexuelle). Il arrive de plus en plus fréquemment aux jeunes générations de faire l'amour sans aimer ! Ils en tirent une satisfaction d'ordre narcissique.

C'est là que nous nous devons de moderniser le message biblique. Non pas pour le rendre conforme à la société d'aujourd'hui, mais pour le rendre audible dans la société d'aujourd'hui. Les chrétiens doivent connaître, comprendre et témoigner du sens de la sexualité. Insistons pour être bien compris : il ne s'agit pas de faire la morale, mais de témoigner de la beauté d'une sexualité qui a du sens. C'est un nouveau scandale pour le monde, mais n'est-ce pas par le scandale que commence la conversion ?

Pour méditer :

- Est-ce que je comprends la nécessité d'adapter le discours chrétien pour qu'ils puisse être compris par les générations d’aujourd’hui ?En quoi l'héritage chrétien est-il une difficulté à surmonter pour faire entendre ce discours ?
- Quel message faire passer aux jeunes générations qui construisent leur vie sexuelle ? Qu'ont-ils perdu qu'en tant que chrétiens nous pouvons les aider à retrouver ?


Notes

1  Bertrand Vergely, « Sexualité », Dictionnaire d’éthique chrétienne, Paris Cerf, 2014

2  Réduite mais irréductiblement nécessaire puisque vivre en société implique des devoirs.

3  Paul Ricœur, « La sexualité, la merveille, l’errance, l’énigme », Revue Esprit, N°289, Novembre 1960