L’évangéliste Luc (22,19) cite les quatre verbes que nous avons déjà vu : prendre, rendre grâce, rompre et donner le pain et la fameuse parole de Jésus : « ceci est mon corps, donné pour vous » complétée par « faites ceci en mémoire de moi ». Le v20 dit qu’il fit de même avec la coupe sans reprendre la formule, ce que Paul n’hésite pas à faire, conférant à l’ensemble du passage un côté cérémonieux qu’on ne retrouve pas dans les évangiles.
Comme nous l’avons déjà évoqué, cette phrase ne doit pas nous laisser penser que le dîner du Seigneur n’est qu’un mémorial. Car il ne s’agit pas simplement de « se rappeler » la mort de Jésus. Ce moment n’a pas comme seule fonction de nous rappeler les évènements du chemin de Croix et du Calvaire. Bien que cela soit utile et souhaitable. Mais cette phrase sert surtout à insister sur la présence du Christ lorsque nous célébrons le repas du Seigneur. Rappelez-vous que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Rappelez-vous que « je suis votre nourriture » : pas une nourriture du passé, mais une nourriture actuelle, réelle, qui vous donne la vie, c'est à dire l’envie, ou encore le désir. Ce désir que Jésus crée en nous est un désir d’aimer l’église et le monde, et de donner ce que nous sommes pour eux. En 2Corinthiens 5,14-16 Paul nous donne une idée de la manière dont Dieu suscite ce désir en nous. Il dit :
14… l’amour du Christ nous presse, nous qui avons discerné ceci : un seul est mort pour tous, donc tous sont morts ; 15et s’il est mort pour tous, c’est afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et s’est réveillé pour eux.
16Ainsi, nous, dès maintenant, nous ne connaissons personne selon la chair ; même si nous avons connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière. 17Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle. Ce qui est ancien est passé : il y a là du nouveau. 18Et tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ, et qui nous a donné le ministère de la réconciliation. 19Car Dieu était dans le Christ, réconciliant le monde avec lui-même, sans tenir compte aux humains de leurs fautes, et mettant en nous la parole de la réconciliation.
Comprendre l’amour du Christ, voilà notre nourriture. Il ne s’agit pas de connaître selon la chair (c’est à dire de manière humaine) mais d’être pressé par l’amour que Dieu montre à travers la croix et la résurrection.
Le repas du Seigneur est l’occasion non pas seulement de faire un retour sur le passé, mais de renouveler cette compréhension de l’amour de Dieu pour le faire nôtre. C’est un moment d’actualisation de notre désir d’aimer. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle, une réunion de l’église avec un dîner du Seigneur doit comporter une prédication qui amène l’auditeur à se rappeler Jésus-Christ et Jésus Christ crucifié1. Si la prédication ne ramène pas à cet événement intemporel, si par exemple il semble incongru de prendre le pain et la vin à la suite de ce que le prédicateur à dit, alors, la prédication est inadaptée2. La prédication qui accompagne le repas du Seigneur doit être christo-centrée. Et normalement, elle est suffisante par elle-même.
Notes
1 1Corinthiens 2,2
2 Et potentiellement dangereuse selon ce qui a été transmis.