Concrètement, puisque nous ne pouvons pas diviser la population mondiale par trois (… que celui qui y pense se repente1 !) nous n’avons d’autres choix que de nous orienter vers la réduction des autres termes de l’équation de Yoichi Kaya2, ce qui, au delà des milliers de pages des rapports du GIEC3 se résume en un seul mot : SOBRIÉTÉ.
Je disais dans un article précédent que le réchauffement climatique et tous les dérèglements qui l’accompagnent signeront non pas la fin du monde mais la fin d’un monde. Celui qui viendra sera celui de la SOBRIÉTÉ. Je disais aussi dans l’article précédent que le plan de Dieu passe par les vertus théologales que sont la foi l’espérance et l’amour. La SOBRIÉTÉ est à elle seule la condensation des vertus cardinales4. La SOBRIÉTÉ résout à elle seule les trois composantes du problème écologique mentionnées dans la première partie de cet article : le mode de vie, la justice et les relations entre humains. Aujourd’hui, « SOBRIÉTÉ » semble être un gros mot. Pourtant ce n’est pas un sujet d’apitoiement sur soi, mais une réelle opportunité de grandir spirituellement en vivant concrètement ce que veut dire être humble et ne pas prendre la place de Dieu. La SOBRIÉTÉ c’est :
- l’abandon du superflu5,
- la maitrise de son désir (en premier lieu celui de prendre la place de Dieu qui se traduit par des comportements liés à la démesure : consommation6, matérialisme…),
- la construction d’une identité et donc d’une image de soi qui n’est pas basée sur ce qu’on possède ni sur ce qu’on fait,
- un nouveau rapport au temps et à la distance
,
- un nouveau rapport au plaisir et à l’anxiété
,
- une nouvelle conception de la solidarité humaine.
Jésus, sans pour autant avoir de problème écologique à résoudre, vivait dans la SOBRIÉTÉ. Ce n’était pas pour lui la solution à un problème, mais un mode vie, une sagesse : c'est-à-dire qu’il vivait la SOBRIÉTÉ comme une manière conforme à la volonté de Dieu de gestion de la création. Et pour autant il n’était pas non plus un ascète se privant de tout pour plaire à un Dieu exigeant. Ses ennemis le voyaient comme un glouton et un buveur de vin7 parce qu’il était en effet un bon vivant. Il suffit de considérer le nombre de passages qui racontent que Jésus enseignait autour d’une table. Mais il ne cherchait pas à posséder plus que ce dont il avait besoin et je pense qu’il ne se créait pas, comme l’humain moderne, des besoins artificiels.
La SOBRIÉTÉ est aussi un mode de vie juste. Pas seulement vis-à-vis de la création, mais aussi dans les relations. Dans nos relations immédiates et proches, en réduisant nos besoins nous réduisons notre consommation, nous utilisons des objets moins volumineux, moins prestigieux, et de ce fait nous ne suscitons pas d’envie, de jalousie ou de convoitise chez les autres. C’est parfois un plaisir (malin8) que de susciter la jalousie des autres (en confondant cela avec de l’admiration). Dans nos relations plus lointaines, c'est-à-dire d’un point de vue social ou même sociétal, la SOBRIÉTÉ c’est aussi de la part des habitants des pays riches un effort de justice en ce sens que nous sommes devenus riches, ne nous le cachons pas, aussi, au moins en partie en exploitant les pays plus pauvres9. La SOBRIÉTÉ c’est aussi accepter de porter le fardeau des pays pauvres. Comment ? En acceptant qu’ils ne puissent pas faire tous les efforts nécessaires pour réduire leurs empruntes carbones et donc en acceptant de faire plus d’efforts qu’eux. Refuser une telle vision des choses c’est se mettre à la place du serviteur impitoyable9.
Finalement le plan de Dieu passe par nous, humains, car nous sommes libres. Ce n’est pas Dieu qui nous contraint mais c’est la sagesse face à la réalité de la situation. Nous restons cependant libres de foncer dans le mur à pleine vitesse (alors qu’on pourrait le heurter moins fort en freinant avant). Si nous ne réagissons pas la plupart d’entre nous (ou de nos petits-enfants) mourra plus vite que prévu. Ce sont les conséquences de notre action, et en aucun cas une punition divine.
Notes
1- On pourrait penser que cela est impensable. Mais n’en n’est pas loin celui qui veut refouler les migrations de populations climatiques. Nous serons obligés de partager nos ressources… sauf si nous pensons éliminer les deux tiers de la population de la planète.
2- Dont j’ai parlé dans un article précédent.
3- Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat et son Évolution.
4- Aristote fondait sont éthique sur les vertus. Thomas d’Aquin a développé en termes chrétiens l’éthique d’Aristote et définit quatre vertus cardinales au delà des trois théologales : la prudence, la justice, le courage et la tempérance. Par rapport au sujet qui me préoccupe ici, c'est-à-dire l’écologie, je pense que la sobriété comprend concrètement les quatre vertus cardinales : prudence qui est le discernement du bien, justice (en particulier sociale), courage pour faire face au problèmes mais surtout pour réduire volontairement son train de vie, tempérance c'est-à-dire la volonté nécessaire pour ne pas vivre uniquement selon des instincts, mais selon la raison c'est-à-dire dans l’équilibre des désirs et des besoins.
5- Ce qui nécessite de comprendre ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas. A cause du marketing et de le publicité, nous sommes habitués à penser nécessaires des choses qui ne le sont pas. Il y a donc un gros travail pour se ré-éduquer. En tant que chrétiens nous devrions être mieux armés pour savoir « renoncer à nous-mêmes » (Luc 14,33).
6- Il existe sur internet de nombreux tests permettant de connaître son « empreinte écologique » en terme de « nombre de planètes consommées ». Ces tests visent à calculer combien de planète terre il faudrait pour permettre à toute la population humaine de vivre avec le même mode de consommation que celui qui fait le test. Au delà de 1 planète, nous sommes dans la démesure. C’est le cas pour la plupart des habitants des pays riches.