Samarie (Actes 8,5-8)
Il fallait un Juif de culture grecque comme Philippe pour avoir l'idée d'annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus aux Samaritains ! Les Juifs de Judée considéraient les Samaritains comme des demi-païens1. Ils méprisaient leur spiritualité. Le fait est qu'on aurait jamais rencontré un magicien à Jérusalem !
Luc démontre ici que le message de Jésus est universel. Il n'est pas élitiste. Les Samaritains reçoivent la Parole de la parole de Philippe. Celle-ci est confirmée par des guérisons. Une caractéristique de ce message c'est qu'il produit de la joie (v8 et 39).
Simon le magicien de Samarie (Actes 8,9-25)
Philippe produit des signes (8,5), Étienne aussi (6,8). Tous deux font partie des sept choisis par les disciples en Actes 6. A ce titre ils ont alors reçu l'imposition des mains des apôtres (6,6). Jusque là seuls les apôtres faisaient des miracles. Mais maintenant, ceux sur qui les mains des apôtres ont été imposées produisent des signes. Simon aurait bien voulu obtenir ce don. Quitte à le payer2 ! Mais le texte de Luc suggère que seuls les apôtres avaient la possibilité de donner ce pouvoir : ceux qui l'avaient reçus ne pouvaient pas le transmettre (8,18).
C'est un raisonnement3 plausible expliquant pourquoi les miracles vont se faire de plus en plus rares : par exemple il n'y en n'a pas qui soient racontés dans les écrits des pères apostoliques4. Par contre ce qui est constamment mentionné comme source de foi, ce sont les Écritures. Ce sont les Elles qui vont convaincre les gens.
La formule pourrait se résumer en ceci : « on n'a pas les miracles, mais on a les Écritures ! » (cf. annexe 1).
Si on pouvait juger de la foi et de la spiritualité de l’Église primitive parce qu'elle faisait des miracles, après la période apostolique on en juge selon l'obéissance à l’Écriture. Obéir à l'Esprit passe par obéir à l’Écriture (Actes 5,32).
Dans la même veine de raisonnement, il faudrait faire la différence entre recevoir le don de l'Esprit (par le baptême) et recevoir un ou des dons de l'Esprit (par l'imposition des mains des apôtres uniquement). En Actes 8,16-17 quand on parle de faire tomber5 l'Esprit Saint sur les Samaritains, il s'agit d'une expression typique de l'ancien testament signifiant un don de l'Esprit et non le don de l'Esprit (exemple : 1Samuel 10,10).
Le chemin de Gaza (Actes 8,26-40)
Les eunuques aussi (comme les Samaritains) étaient des exclus de la communauté d'Israël (cf. Deutéronome 23,1). Comment l'Eunuque Ethiopien a-t-il pu adorer à Jérusalem ? Peut-être n'a-t-il pas pu le faire comme il aurait voulu. Et s'il lit Esaïe 53, le verset 3b devait lui parler particulièrement personnellement !
Dieu va bientôt lui signifier qu'il met fin à cette situation.
En lisant il tombe sur Esaïe 53,7 selon la version grecque (LXX). La question qu'il pose sur la personne dont il est question dans les chants du serviteur qu'on trouve dans Esaïe est complètement pertinente. Parce qu'il est humble, il demande de l'aide pour comprendre. Interpréter la Bible nécessite de chercher de l'aide ! Pas seulement pour le contexte historique ou littéraire, mais aussi pour se défaire de ses préjugés (culturels, religieux...).
L'eunuque retourne chez lui, contrairement à ceux qui ont été convertis à la Pentecôte. L'Eglise commence à se répandre. L'Ethiopie était pour les Romains, une des extrémités du monde (Actes 1,8).
Conclusion : Dieu s'intéresse à tous (Samaritains, magiciens et eunuques !). Philippe l'avait compris et a agit en conséquence. Dans tous les cas il proclame le Christ (8,1.35)
Pour méditer :
- Est-ce que j'ai l'esprit assez ouvert pour parler de Jésus à tout le monde ?
- Mon discours sur Jésus est-il stéréotypé ou est-ce que je m'adapte à mes interlocuteurs pour personnaliser le message (sans le déformer) ?
- Dans cet article est présentée une explication (parmi d'autres) qu'on peut tirer de ce texte sur Simon le Magicien concernant la disparition des miracles apostoliques. Qu'est-ce que je crois sur les miracles ? Est-ce que ma position est explicable bibliquement ?
Notes
(1) Les Samaritains étaient issus du mélange entre des Juifs et des païens depuis la chute du royaume du Nord en -721 (dont la capitale était Samarie) face à l'Assyrie. Les assyriens déportèrent une grande partie de la population juive, et amenèrent d'autres populations à la place, résultant en un mélange forcé. Lorsque les babyloniens conquirent Jérusalem en -597 puis à nouveau en -588, ils déportèrent la population du royaume du sud. Mais les déportés résistèrent à la tentation facile du mélange avec les autres populations en Babylonie. Lorsqu’ils furent autorisés à rentrer à Jérusalem, ils reconstruisirent le temple sous l'influence d'Esdras, puis la muraille de la ville sous l'influence de Néhémie. Les Samaritains offrirent leur aide à Esdras, mais les Juifs refusèrent car ils considérèrent que ceux-ci n'étaient plus de vrais Juifs. Depuis, le torchon brulait entre le Nord et le Sud.
(2) D'où le terme simonie qui signifie acheter une position dans l’Église
(3) Il existe d'autres manières d'expliquer la disparition des miracles mais qui n'ont rien à voir avec ce texte. Quand on parle de disparition des miracles il s'agit de ces miracles qui ressemblent à ceux faits par les apôtres, c'est à dire réalisés en public devant des foules non croyantes (et donc dont le jugement sur le miracle n'est pas biaisé par une adhésion pré-existante) qui sont convaincues par ce qu'elles voient et éventuellement se convertissent en acceptant l’Évangile, car au final, c'est de cela qu'il s'agit : confirmer le discours des apôtres.
(4) La Didaché, L'Epître de Clément de Rome, l'Homélie du 2ème siècle, les Lettres d'Ignace d'Antioche, La lettre aux Philippiens de Polycarpe de Smyrne, La lettre de l'église de Smyrne sur le martyre de Polycarpe, La lettre du pseudo-Barnabé, Les fragments de Papias d'Hiéropolis, Le Pasteur d'Hermas, la lettre à Diognète.
(5) On peut traduire : l'Esprit tombe ou s'empare...