Un engagement fort et permanent : Matthieu 6,12b

… comme aussi nous avons remis aux débiteurs de nous.

Et au v14 Jésus ajoute :

En effet si vous remettez aux humains les fautes d’eux,
il remettra aussi les vôtres,
le Père de vous le céleste ;
mais si vous ne remettez pas aux humains,
non plus le Père de vous il (ne) remettra les fautes de vous.

Cela sonne comme une menace. Mais pour bien comprendre ce que Jésus veut qu'on saisisse il faut aussi lire Matthieu 18,21-35 un passage qu’on intitule en général : « la parabole du serviteur impitoyable ».

C'est pourquoi il en va du règne des cieux comme d'un roi qui voulait faire rendre compte à ses esclaves. Quand il commença à le faire, on lui en amena un qui devait dix mille talents.

Là, les auditeurs de Jésus murmurent « Oooh ». En effet 10.000 talents c'est l'équivalent d'environ 60 millions de journées de travail à l'époque (164.000 ans sans vacances !)
Il peut s’agir de notre vie (qui n’a pas de prix). Ou de nos péchés qui détruisent notre vie (qui n’a pas de prix), et qui ont comme racine le désir de prendre la place de Dieu. (cf. l'explication de la dette dans l’article précédent).

Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna qu'on le vende, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, afin de payer sa dette. L'esclave tomba à ses pieds et se prosterna devant lui en disant  : «  Prends patience envers moi, et je te paierai tout  !

Là encore, les auditeurs de Jésus murmurent « Oooh » (c'est un des objectifs des paraboles de choquer), car ils savent bien que c’est impossible. Et c’est la clé de lecture de la parabole : comment le serviteur peut-il prétendre rembourser tout ?

Emu, le maître de cet esclave le laissa aller et lui remit la dette.

Le roi ne le laisse pas partir parce-qu'il peut rembourser tout, mais parce-qu'il est touché par la situation du pauvre homme qui justement ne pourra jamais payer tout.

En sortant, cet esclave trouva un de ses compagnons d'esclavage qui lui devait cent deniers [3 mois de salaire]. Il le saisit et se mit à le serrer à la gorge en disant : « Paie ce que tu dois ! » Son compagnon, tombé à ses pieds, le suppliait  : « Prends patience envers moi, et je te paierai ! » Mais lui ne voulait pas ; il alla le faire jeter en prison, jusqu'à ce qu'il ait payé ce qu'il devait…

La fin est dure pour le serviteur qui est dénoncé et qui doit finalement payer ! (ce qui est impossible). Mais comment expliquer le changement d'attitude du roi ?

Malgré l'apparence religieuse du serviteur (qui se prosterne), il n'a pas compris pourquoi Dieu lui a remis sa dette. Il continue à croire qu'il doit rembourser, c'est à dire rembourser sa vie ou compenser ses péchés. N’ayant pas compris pourquoi Dieu lui avait remis sa dette, il n’a pas pu comprendre ce qui était attendu de lui : remettre sa dette à son débiteur comme le maître lui a remis sa dette : par grâce.

Dieu a créé, par la grâce, les conditions du pardon  :
- D’abord la grâce efface la dette, mais elle n’enlève pas la nécessité de comprendre ce qui est en jeu dans la relation. Accepter le bénéfice de la grâce (qu’elle vienne de Dieu ou de quelqu’un qui nous pardonne) sans accepter la responsabilité qui en découle, c’est comme demander pardon pour un préjudice commis, l’obtenir puis recommencer le lendemain la même chose. Cette responsabilité consiste à reconnaître notre culpabilité.
- Ensuite, de la grâce naît aussi la possibilité de dépasser la culpabilité, mais sans la contourner  : grâce à la grâce (!) je peux devenir quelqu’un de nouveau qui peut regarder son passé et le dépasser.
- Enfin pardonner est un processus bilatéral qui implique de la part de la victime d’offrir la possibilité du pardon, et de la part de l’offenseur de saisir cette possibilité en reconnaissant sa responsabilité. Ce n'est qu'ainsi qu'il peut y avoir une réparation au moins symbolique (car souvent la réparation réelle du préjudice est impossible).

Le serviteur impitoyable subit le jugement selon sa propre image d'un Dieu rétributeur à qui il doit payer (selon la loi du talion), image qui n’a pas changé après sa première rencontre avec le roi malgré l’énormité de la dette qui lui a été remise. Il n’a pas compris ce processus bilatéral du pardon. Il s’est cru pardonné sans avoir à reconnaître sa responsabilité.

Nous aussi, à travers l’enseignement de Jésus mais aussi et surtout à travers la Croix, nous pouvons comprendre l’énormité de ce que Dieu fait pour nous, et agir envers les autres comme Dieu a fait pour nous. Cela demande de prier, pour être proche de ce Dieu qui donne la motivation nécessaire pour aimer et offrir la possibilité du pardon à ceux qui nous ont blessés dans l'espoir que le pardon pourra être bouclé par les deux parties ce qui malheureusement n'est souvent pas le cas. Et c'est là que les chrétiens peuvent par l'amour qu'ils se portent les uns aux autres (Jean 13,35) montrer au monde ce qu'est un pardon complet.

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