Faire face aux épreuves avec Dieu : Matthieu 6,13a

… Et non que tu nous conduises dans une épreuve,

En ce qui concerne les épreuves, l'épître de Jacques dit :

Que personne, lorsqu’il est mis à l’épreuve, ne dise :
« C’est Dieu qui me met à l’épreuve. »
Car Dieu ne peut être mis à l’épreuve par le mal,
et lui-même ne met personne à l’épreuve.

Dieu ne met à l'épreuve (ou ne tente) personne...
Ailleurs dans l'évangile de Matthieu (4,1-11), l'épreuve est plutôt proposée par le Diable...
Alors, qui est celui qui nous met à l'épreuve ? Dieu... le diable... ou quelqu'un d'autre ? Et pourquoi demander à Dieu qu'il ne nous conduise pas dans l'épreuve (souvent traduit « tentation ») s'il ne met à l'épreuve personne ?

Jésus est la réponse à ces questions contradictoires. En Matthieu (4,1-11) nous trouvons en lui le modèle de résistance à l'épreuve. Ce récit, souvent appelé « tentation de Jésus », nous permet aussi de saisir la nature de l’épreuve à laquelle nous devons résister. Il y est question du diable dont le nom veut dire « celui qui divise », qui remet en question la qualité de « fils de Dieu » attribuée à Jésus. Selon lui si Jésus est vraiment Fils de Dieu il ne devrait pas avoir à subir les limites humaines ! Il lui propose donc de montrer qui il est en faisant des miracles. Le piège consiste à tenter Jésus de sortir de la condition humaine : ne pas connaître la faim, ni la mort, et posséder le pouvoir absolu sur le monde n’est pas humain.

Car pour le diable, la divinité consiste à démontrer sa toute-puissance ! Il espère ainsi que Jésus le rejoindra dans ce désir de redéfinir la divinité et de se conformer à ce désir. Ainsi pour Jésus l'épreuve consiste à choisir entre une vie humaine normale et une vie de puissance et de pouvoir. Or, à y regarder de près, cette épreuve est la même que celle proposée à Adam et Eve en Genèse 3,5 :

Dieu le sait : le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront
et
vous serez comme des dieux
qui connaissent ce qui est bon ou mauvais.

Quand on est comme des dieux, on n'a plus besoin des autres ni de Dieu. On a plus besoin d'aide, on ne dépend plus des autres ni d’un Autre qui serait plus grand que nous. J'utilise ici le pronom indéfini « on » parce qu'en réalité, dans l'existence concrète, l'épreuve proposée à Jésus et qui est celle à laquelle ont du faire face Adam et Eve est la même que celle qui nous est proposée à chacun d'entre nous. Régulièrement dans nos relations avec les autres et le monde, nous avons des occasions de nous laisser aller à croire à une illusion de toute puissance. Au travail avec des subordonnés, des jeunes moins expérimentés ou des collègues moins diplômés. Ou encore avec des collègues dont on ne partage pas les opinions et dont on a le pouvoir de les (faire) mettre de côté... Dans la famille, avec notre conjoint, nos enfants... Dans nos activités associatives, culturelles, cultuelles...

Mais il y a une alternative à la recherche de la toute puissance : c’est l’humilité.

Et Jésus en est non seulement l'exemple parfait, mais il définit ce qu'elle est, en particulier à travers ce passage de Matthieu 4 et qui est le développement de Marc 1,12-13.

« Lui qui était vraiment divin, il ne s’est pas prévalu d’un rang d’égalité avec Dieu... » dit un hymne que chantaient probablement les premiers chrétiens et qu'on trouve dans l'épître au Philippiens (2,6). Jésus contrairement à Adam et Eve (qui nous représentent chacun d'entre nous) n'a pas cédé aux sirènes de la toute puissance. Parce qu'il avait la bonne image de Dieu : non pas celle du pantokrator (Tout-Puissant) qui domine le monde, mais celui abandonne cette toute-puissance pour être proche des humains. Le diable utilise les écritures pour convaincre Jésus. Nous aussi nous pouvons trouver dans les écritures de quoi justifier nos opinions et nos désirs de toute puissance (aussi religieux que puisse être ce désir, il reste de même nature).

L'épreuve de Jésus ici n'est pas une maladie ou un accident. C'est une épreuve spirituelle et existentielle. Face aux épreuves fortuites et souvent douloureuses de la vie, nous réagissons de manière à nous préserver et parfois à survivre. Mais c'est face aux épreuves existentielles que notre liberté est mise à contribution.

Jésus dans l'épreuve se base sur sa foi, parfaite, en un Dieu humble. Il fait un choix : le choix de la confiance en Dieu (alors que Dieu semble bien absent de ce récit). La foi c’est la confiance que Dieu, même dans l’épreuve est avec nous et pour nous.

1Corinthiens 10,13

Aucune épreuve ne vous est survenue qui n'ait été humaine ;
or Dieu est digne de confiance :
il ne permettra pas que vous soyez mis à l'épreuve au-delà de vos forces ;
avec l'épreuve il ménagera aussi une issue, pour que vous puissiez la supporter.

Pourquoi Dieu ne supprime-t-il pas l’épreuve ? Ne le peut-il pas ? Ce sont des questions absurdes parce qu’elles impliquent Dieu comme existant à côté de sa création et qui en tire des ficelles de l’extérieur. Or si Dieu est ailleurs (« dans les cieux » ce que nous ne pouvons pas observer), il est aussi ici avec nous, ce qui est vérifiable par Jésus-Christ.

Ce que nous pouvons connaître par expérience c’est que l’épreuve fait partie de la vie et qu’elle est constitutive de notre existence. Non pas que Dieu se soit trompé dans les paramètres de la création du monde, mais il nous a donné une liberté qui nous permet de choisir notre manière de vivre : soit en lui et avec lui, soit en nous-même et avec nous-même1. Dans les deux cas la destinée n’est pas la même : si je vis pour Dieu je suis destiné à Dieu, si je vis pour le monde je suis destiné à ce monde. En termes bibliques le premier cas conduit à l’éternité, le deuxième à la poussière. Ce sont nos choix face à l'épreuve de l'existence qui nous orienterons d'un côté ou de l'autre.


Notes

1- « En nous-même » veut dire centré sur la nature humaine. Il ne s’agit pas d’extraversion ou d’introversion. Cela n’exclue pas la possibilité d’une vie sociale ou communautaire.

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