… qu'il vienne ton règne.
Techniquement, le mot « règne » peut aussi être traduit « royaume ». L'évangile de Matthieu explique à plusieurs reprises qu'à travers Jésus le règne/royaume de Dieu s'est approché1.
Par notre seule intelligence ou notre seule intuition, nous ne pouvons pas comprendre Dieu. Même en contemplant la création jusqu'au fin fond du big-bang. En effet Dieu ne peut être connu que parce qu'il se fait connaître, que parce-qu'il s'approche de nous : les théologiens disent qu’il se révèle.
Dieu s'est incarné2 (approché) en Jésus-Christ pour que nous puissions le connaître c'est-à-dire pour se révéler. La question qui se pose est donc celle-ci : sous quelle forme est-ce que je pense à Dieu dans la prière ? Philippiens 2 utilise ce mot forme au v6 pour dire que le Christ avait la forme de Dieu mais au v7 qu’il s’est vidé de lui-même prenant la forme d’esclave. Quelle est la forme la plus accessible pour notre pensée et notre prière ? La forme de Dieu (s’il en a une) nous ne pouvons pas savoir ce que c’est. Mais adorer un esclave est très déroutant ! Dieu vient à moi, dans la prière aussi, sous la forme d’un serviteur. Mais alors de qui Dieu peut-il être l'esclave ? Et bien la réponse est : De moi !!!
Et nous prions que son règne vienne, que le règne de l’esclave (ou du crucifié) vienne ! In-croy-yable !!!
Mais au fond de nous, le plus souvent inconsciemment, nous préférons le règne du dieu fort et puissant (pantokrator dit l'Apocalype) créateur du ciel et de la terre, un père avec de gros muscles qui nous sécurise. Certes prier Dieu en regardant les étoiles, la montagne ou la mer c’est formidable et inspirant. Mais Dieu est d’abord et avant tout celui qui a pris la forme d’un esclave. Et ce n’est pas parce que Jésus-Christ est ressuscité que Dieu a changé d’avis : Dieu, par Jésus-Christ, demeure (volontairement) notre serviteur (existentiellement). Si Dieu règne c’est en étant un serviteur, mais un serviteur que nous adorons. Quel paradoxe ! Mais aussi quelle merveille ! Car il nous décentre de notre pensée humaine sur Dieu et sur sa manière de régner.
Notes
1- Matthieu 3,2 ; 4,17 ; 10,7
2- L’incarnation est un concept chrétien qui ne signifie pas que Dieu est devenu homme mais que Le logos de Dieu est devenu chair (Jean 1,14). La distinction est de taille. Si Dieu « devient » un homme et il cesse d’être Dieu, ce qui est la seule chose potentiellement impossible à Dieu (devenir autre chose que ce qu’il est). Si son logos devient chair, cela veut dire que « son enseignement entre dans la condition humaine » à travers Jésus, un humain normal de Nazareth qui devient le Christ ou le Fils de Dieu. En effet si Jésus n’est pas un humain normal il ne peut nous enseigner quoi que ce soit de réellement nouveau et encore moins nous sauver. Mais ce logos, cet enseignement, n’est pas oral mais vivant. C’est aussi ce que veut dire Colossiens 2,9 qui implique que tout ce que nous pouvons connaître de Dieu (le plérôme) en tant qu’humains limités par notre finitude, se trouve en Jésus-Christ en tant qu’humain (corporellement).