« afin que tous soient un »

Toutes les communautés chrétiennes du monde ou presque, sont unanimes pour dénoncer comme un scandale la fragmentation du christianisme, car il est impossible de voir en cela la volonté de Dieu (Jean 17,21).

Alors certains ont imaginé adapter la doctrine chrétienne à l'état du christianisme plutôt que l'inverse : le christianisme devient ainsi une doctrine relative, qui inclut tout, ou au contraire fondamentaliste, qui exclue beaucoup.

Mais alors comment envisager la fraternité chrétienne si pour être chrétien il faut suivre le processus que nous avons définit à l'article précédant, et qui demande de croire, se repentir, être baptiser et persévérer dans la vie de disciple ? Comment se comporter envers ceux qui professent le Christ sans suivre ce processus biblique que nous reconnaissons comme véritable ? Comment considérer les relations avec ceux qui ne suivent pas cette conviction ou ne la suive que partiellement tout en se nommant chrétiens ?

On peut envisager la communion avec les autres églises et mouvements chrétiens ou avec les autres religions en considérant six niveaux de proximité fraternelle :

- L'église locale : ma « famille spirituelle », dont les membres sont mes frères et sœurs de tous les jours, compagnons d’œuvres dans la mission, ceux qui me connaissent et peuvent à ce titre m'encourager, me défier, m'exhorter, me consoler. Ceux à qui je dois apprendre à faire confiance et à qui il me faut m'ouvrir et avec lesquels je peux être vulnérable. Ils sont aussi probablement ceux qui me blesseront le plus facilement et ceux à qui je devrais pardonner le plus souvent. En bref, ils sont ceux avec qui je marche sur le chemin de la vie à la découverte du Christ concret comme les disciples d'Emmaüs.

- Les églises sœurs de mon église : mes « cousins germains » avec lesquels j'ai une grande proximité de pensée, une relation privilégiée, chez qui je peux aller sans être dépaysé. Les chrétiens de ces églises peuvent aussi être très proches de moi, même s'il ne partagent pas ma vie quotidienne. Je peux créer des relations spéciales avec certains qui ont le même métier ou les mêmes responsabilités ecclésiales. Parfois ils peuvent avoir des handicaps ou problèmes similaires au miens et m'aider dans ma lutte pour la fidélité au Christ.

- Les églises différentes ayant la même doctrine du salut : des « cousins éloignés ». Là, la distance commence à se faire sentir, et les rencontre seront moins fréquentes, mais la proximité dans la façon de concevoir la foi et la vie spirituelle permet une tendresse particulière. Peut-être faudra-t-il faire un effort pour se rencontrer sans laisser le temps filer, et qui sait, Dieu peut faire des miracles pour nous rapprocher.

- Les églises différentes n'ayant pas la même doctrine du salut : des « confrères »1. La communion dans ce cas sera probablement moins profonde même si les discussions pourront être passionnées et éclairantes. Nos valeurs sont souvent proches, mais parfois nous pourrons être surpris d'être en désaccord sur des sujets qui nous semblent majeurs. Mais à bien y réfléchir qu'est-ce qui est préférable : un ami passionné par Christ qui a des convictions différentes ou un frère déprimé dont la passion s'est affaiblie2 ? Une attitude importante sera la reconnaissance, au delà des désaccords, des réussites de l'autre qui peuvent inspirer de nouvelles façon de louer, chanter, vivre avec notre Seigneur, prendre soin des pauvres et transmettre la foi. En Marc 9,38-40, Jésus dit « En effet, celui qui n’est pas contre nous est pour nous », mais il ne dit pas « celui qui n’est pas contre nous est l'un de nous ». Ainsi nous ne sommes pas ennemis. Or dans chaque église, nous avons (souvent) été « éduqués » à considérer d'abord les erreurs des autres avant de considérer le bien qu'ils font : malgré leurs erreurs notoires, leurs comportements parfois inacceptables et leurs tendances trop fortement religieuses, les églises historiques ont fait plus de bien que de mal. Dans une telle rencontre, chacun aura à cœur de respecter l'autre mais au fond, aussi, l'envie de le convaincre...

- Les croyants d'autres religions : des « étrangers à connaître ». Il est passionnant de considérer l'histoire et la culture des autres religions. D'entrer en contact avec une vision de Dieu et du monde différente. De nouer des liens ou des amitiés qui offrent encore plus de découverte quand il n'y a pas d'hostilité. Celle-ci ne devraient d'ailleurs jamais provenir des chrétiens (2Timothée 2,24) qui auront à cœur de faire découvrir leurs convictions avec douceur (1Pierre 3,15-16).

- Les non croyants : des « voyageurs sans carte ». Comment ne pas avoir compassions de ces personnes qui traversent la vie sans avoir la chance d'avoir un guide comme Jésus, persuadés pour certains qu'ils peuvent y arriver tout seul. C'est l'amour qui peut convaincre ceux qui sont réticents à plonger les regards dans la loi parfaite (Jean 13,35 ; Jacques 1,25). De par leur humanité, ils sont nos frères, nous en sommes les gardiens, et toute personne dans le besoin fait partie de ceux dont nous devons prendre soin (Luc 10,25-37).

En conclusion : nous avons tout à fait le droit de penser qu'on a raison, mais cela ne doit pas nous amener à juger (au sens de condamner) les autres, mais au contraire, à entrer en dialogue avec eux. La rupture du dialogue ne devrait pas être le fait des chrétiens.

Questions pour méditer :

- Est-ce que je tente d'adapter ma doctrine au monde que je vois ou au contraire à influencer le monde pour qu'il connaisse ma doctrine ?
- Cette doctrine est-elle simple et facile d'accès pour tous ?
- Comment est-ce que je considère les gens que je rencontre et qui n'ont pas les mêmes


Notes

1  A partir de là, je m'adresse à des chrétiens convaincus, dont les convictions ne ressemblent pas « au flot de la mer que le vent agite et soulève » (Jacques 1,6). A ceux-ci, avant d'entrer en contact avec d'autres mouvements voire d'autres religions, je conseille de mieux se connaître et de s’affermir dans leur propre foi.

Bien évidemment, il ne faut pas laisser tomber le frère affaibli !

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