Qu’est-ce que Dieu veut ?

Nous avons vu que Dieu veut être avec nous, et que ce vouloir s’exprime par sa souffrance avec Jésus sur la Croix. Mais cela s’arrête-t-il là ? La crucifixion est-elle ce que Dieu veut ?

Bien sûr que non ! Ce n’est pas ce que Dieu souhaite, mais c’est ce qu’il accepte de notre part et c’est ce qui démontre à quel point il veut non seulement nous aimer, mais aussi que nous l’aimions pour qui il est. Dieu attend que nous l’aimions. Non seulement il attend que nous l’aimions, mais il veut provoquer notre amour. Il fait tout ce qui est possible pour que nous ayons envie de l’aimer sans que nous soyons contraints de le faire. Au cours de l’histoire biblique, Dieu ne cesse de se plaindre de l’infidélité du peuple qui l’a abandonné comme une veille chaussette. Il ne cesse de réfréner sa colère comme il l’exprime à travers la bouche du prophète Osée :

Mon peuple est enclin à l’infidélité envers moi ;
on les appelle en haut,
mais aucun d’eux ne se lève.
Comment pourrais-je te traiter, Ephraïm ?
Pourrais-je te livrer, Israël ?
Comment pourrais-je te traiter comme Adma ?
Te rendrais-je semblable à Tseboïm ?
Mon cœur est bouleversé, toute ma pitié s’émeut.
Je n’agirai pas selon ma colère ardente,
je ne reviendrai pas pour détruire Ephraïm ;
car je ne suis pas un homme, mais Dieu ;
en ton sein je suis le Saint :
je ne viendrai pas avec fureur1.

Le vouloir de Dieu n’est pas de foudroyer les hommes. Mais son vouloir n’est pas non plus d’être crucifié. Son vouloir, c’est de nous aimer et d’être aimé en retour. Si cela doit passer par la crucifixion, alors il l’accepte, et elle entre ainsi dans le plan de Dieu pour accomplir sa volonté2.

Dieu ne veut pas que nous l’aimions parce que nous serions obligés de le faire, en particulier parce que nous aurions la crainte d’un dieu puissant, justicier et rétributeur. Dieu ne veut surtout pas que nous nous soumettions à lui ou que nous lui obéissions par obligation ou par crainte. Soumission et obéissance de l’homme ne sont pas la volonté de Dieu. Si nous nous soumettons à Dieu, c’est volontairement. Si nous obéissons à Dieu c’est pour notre bien. Et Dieu s’en réjouit mais seulement si soumission et obéissance sont la concrétisation de notre confiance en Lui (et non une attitude ou des actes religieux). Avoir confiance en Dieu, ce que la Bible appelle « avoir la foi », est la meilleur preuve de notre amour pour Lui.

Ainsi la volonté de Dieu pour nous n’a rien d’un concours de circonstances derrière lequel nous tenterions de voir un Dieu qui tire des ficèles. La volonté de Dieu est exprimée sur la croix comme un désir qui, si nous y répondons, est une réciproque : Dieu a une frénésie d’amour pour nous et nous ne pouvons y répondre qu’en nous engageant à la même choses, même si cela s’exprime différemment d’une personne à une autre.

Pour le comprendre, il nous faut nous tourner vers l’histoire Biblique dans son ensemble, ce que les théologiens appellent le méta-narratif Biblique qui nous raconte depuis la création jusqu’à l’établissement de l’église ce qu’est le « plan » de Dieu.

Commençons par remarquer qu’en Genèse 1,1 à 2,4a Dieu crée le monde en six jour dans un poème extrêmement bien structuré : pendant les six premiers jours nous dit le texte « Il y eu un soir, il y eu un matin ». Mais le septième jour, il n'y a pas cette formule. Quand la TOB traduit Genèse 2,2 par « Dieu acheva au septième jour l'œuvre qu'il avait faite, il arrêta au septième jour toute l'œuvre qu'il faisait »3, elle rend bien compte qu’il y a quelque chose que Dieu a terminé, mais qu’il y a encore une chose qu’il a laissée en suspend.

L'homme a été placé dans le « décor » créé par Dieu, et maintenant il va collaborer avec Lui pour terminer la création. Non pas terminer le décor, mais terminer l'humanité ! Ainsi en tant que créatures humaines nous sommes encore dans le sixième jour alors que Dieu nous attend dans le septième. C’est le jour de son repos que l'on peut atteindre en Jésus-Christ et qu'il ne faut pas manquer. Spirituellement on pourrait dire qu'il y a ceux qui vivent dans le septième jour avec Dieu, d'autres qui vivent toujours dans le sixième jour et qui qui risquent de disparaître avec celui-ci.

Dieu a créé la création, mais il ne l’a pas terminée. Car si c’était le cas, comme le dit Calvin :

« faire un Dieu créateur temporel et de petite durée, qui eût seulement d'un coup accompli son ouvrage, ce serait une chose froide et maigre »4.

La création en elle-même et pour elle-même n’a pas de sens. C’est pourquoi quand Paul dit : « la création a été soumise à la futilité – non pas de son propre gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise »5 il ajoute immédiatement : « avec une espérance ».

S’il y a espérance pour ce monde c’est qu’il y a encore une tâche à accomplir : la glorification des enfants de Dieu dont parle Paul en Romains 8 ou en 1Corinthiens 15 et que la deuxième épître de Pierre appelle participation à la nature divine (1,4). A cette tâche Dieu veut que nous collaborions. C’est pourquoi il ne l’accomplira pas seul et encore moins malgré nous. C’est la raison pour laquelle il veut être avec nous, pour que nous construisions ensemble (Lui et nous) de nouveaux cieux et une nouvelle terre, qui seront l’achèvement de ce que nous connaissons.

Cependant avoir la foi ne consiste pas seulement à attendre que Dieu fasse tout le boulot pendant que nous l’admirons dans une contemplation béate. En effet, la foi s’incarne dans l’action. Une action en accord avec cette vision, que Dieu est en train d’accomplir son plan merveilleux issu de son vouloir. Une action qui anticipe, qui croit, qui espère, qui prouve qu’on veut ce que Dieu veut.

Comment donc collaborer au plan de Dieu ? Ou, pour le dire en des termes plus couramment employés dans les églises, comment faire la volonté de Dieu ?

C’est heureusement quelque chose d’assez clair si on prend en compte ce que le Nouveau Testament envisage dans sa globalité6 : croire, puis faire confiance à Dieu jusqu’à s’engager totalement envers lui (comme Lui l’a fait envers nous) et enfin persévérer jusqu’au bout dans la croyance, la confiance et l’engagement total. Voilà qui est conforme au schéma messianique et apostolique. Il n’est pas possible de trouver dans le Nouveau Testament quoi que ce soit qui contredise ce processus qui, lorsqu’il se répète crée la communauté de ceux qui sont appelés hors du monde, mais pour le monde, c'est-à-dire l’église.

Paul en quelques mots nous explique cette fameuse volonté de Dieu dans sa lettre à l’Eglise de Rome (les personnes destinataires de la lettre étaient déjà chrétiens) :

« Je vous encourage donc, mes frères, au nom de toute la magnanimité de Dieu, à offrir votre corps comme un sacrifice vivant, saint et agréé de Dieu ; voilà quel sera pour vous le culte conforme à la Parole. Ne vous conformez pas à ce monde-ci, mais soyez transfigurés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, agréé et parfait » (Romains 12,1-2).

Ne pas se conformer à ce monde en se donnant totalement à Dieu voilà le culte que Dieu espère de nous, lui qui s’est donné totalement à ce monde, dont nous faisions partie, en donnant son fils unique7 et en souffrant avec lui8. Jésus a porté sa croix, à nous de porter la nôtre (Luc 14,25-33). Si nous voulons nous dire chrétiens, nous ne pouvons pas passer par un autre chemin que celui-ci (Matthieu 7,13-14) qui consiste à vivre en disciple de Jésus (ce qui d’ailleurs est synonyme9 de chrétien) avec comme mode de vie de « porter notre croix ».

La croix n’est pas juste un ornement des églises du passé, ou une protection placée au dessus de notre lit. C’est un mode de vie. Elle est la volonté de Dieu pour nous qui sommes en ce monde, non pas en ce qu’elle représente souffrance et abnégation, mais parce qu’elle est l’anti-pouvoir qui sauve le monde, c’est à dire qui permet de parachever la création, de la faire passer de l’état charnel à l’état achevé, l’état de sainteté (2Corinthiens 7,1).

Par la croix, je peux lutter contre l’orgueil et le désir de toute puissance qui sont la manifestation de l’idolâtrie.

Par la croix je peux lutter contre mes peurs, en particulier la peur du regard des autres, celle de l’échec et du découragement.

Par la croix je peux toucher le cœur du monde et lui montrer la beauté de Dieu.

La croix est donc un outil de libération. Et c’est Dieu qui a renversé la sagesse des sages pour que sous son apparence d'outil de torture, de soumission et de coercition la Croix serve à la glorification de l’humanité et non à sa déchéance. Elle est en réalité l’outil auquel personne d’autre que Dieu pouvait penser pour changer le monde.

Mais attention, la croix n'est volonté de Dieu qu'en ce monde. Elle n’est qu’un outil. Elle ne correspond pas au vouloir de Dieu. Car ce que Dieu veut c’est l’utiliser pour terminer ce qui a été commencé.

Pour méditer :
- Qu'est-ce qui est la meilleur preuve (pour moi-même) de mon amour pour Dieu ?
- Dieu va-t-il nous sauver malgré nous ? Pourquoi ? Quelle responsabilité cela me donne-t-il en tant que chrétien ?
- En quoi la Croix est-elle un outil pour transformer ma vie et celle des autres ?


Notes

1 Osée 11,7-9

2 Ici on peut parler de volonté, car nous parlons des souffrances de l’homme Jésus. Dieu accepte la souffrance parce qu’il veut la relation.

3 Pour les hébraïsants, le verbe achever וַיְכַל est au wayyiktol et doit être traduit par un passé simple comme le verbe cesser וַיִּשְׁבֹּת et il n'est pas logique de traduire l'un des deux verbes dans un temps et l'autre dans un temps différent.

4 Jean CALVIN, Institution de la Religion Chrestienne, livre I, XVI, 1

5 Romains 8,20 ; celui qui a soumis la création à la futilité n’est pas Dieu, mais l’homme qui a tendance à gâcher tout ce qu’il touche.

6 C’est un point important car si on prend un verset ici ou là, on peut faire dire au Nouveau testament ce qu’il ne dit pas.

7 Jean 3,16

8 Mais répétons-le, sous peine d’être accusé de « patripassianisme », Dieu souffre avec, mais pas à la place de , ni dans, ni à travers, son Fils. Comme deux personnes différentes de la trinité leur souffrance est différente, mais concomitante, solidaire, liée l’une à l’autre.

9 Actes 11,26