Le Père créateur et l’évidence de la création


En effet, ce qui chez lui est invisible — sa puissance éternelle et sa divinité — se voit fort bien depuis la création du monde, quand l'intelligence le discerne par ses ouvrages.
Romains 1,20 (NBS)


Dans le premier chapitre de sa lettre aux chrétiens de Rome (versets 18 à 25), Paul remet en cause l'idée selon laquelle on peut connaître Dieu à travers la nature comme le faisaient les religions païennes. Dans ce passage théologiquement difficile au premier abord, l'apôtre explique que lorsqu'on cherche la divinité à travers la nature, on a de grandes chances de tomber dans l’idolâtrie qui consiste à rendre un culte à la création (et à la créature) plutôt qu'au Créateur. C'est aussi ridicule que de féliciter le tableau plutôt que le peintre. Mais alors pourquoi l'humanité n'a-t-elle pas su voir l'évidence sans une révélation ?

Au premier abord l'argumentation de l'apôtre semble ambigüe. D'un côté il explique que les hommes sont inexcusables de ne pas considérer que Dieu existe en contemplant le monde. De l'autre il explique que si on raisonne à partir du monde comme le font les grecs (et les romains à leur suite) on a toutes les chance de tomber dans l'idolâtrie.

Comment peut-on être inexcusable d'être passé à côté de quelque chose qui n'est évident que pour ceux qui en sont conscient ? Au début de sa diatribe, il estime que le problème vient des hommes, qui retiennent la vérité captive de l’injustice. Que veut-il dire par là ? Probablement parle-t-il de ceux qui par leurs discours trompeurs empêchent les autres d’accéder à la vérité. Non pas parce qu'ils veulent délibérément tromper le monde, mais parce que en refusant la révélation, ils s'accrochent à la sagesse humaine. Lorsque l'homme s'enferme dans une logique centrée sur lui-même il ne peut pas accéder à la vérité. Il faut une révélation pour que la raison humaine puisse accéder à Dieu. Par elle-même elle en est incapable.

Paul raisonnait à partir du paganisme gréco-romain (bien utile à l'empereur qui s'en servait comme outil de propagande et de domination). Mais aujourd'hui nous pourrions dénoncer les philosophies athées qui raisonnent contre l'évidence jusqu'à séduire (c'est-à-dire rendre captif) les esprits. Après les idéologies marxistes ou nazies, maintenant déchues, qui exaltaient l'humain créant l'humain (n'est-ce pas absurde ?) nous entrons aujourd'hui dans le post-modernisme qui proclame que chacun doit construire sa propre vérité. Ne sera-t-il pas lui aussi déchu un jour ou l'autre en menant l'humanité à une nouvelle catastrophe ?

L'idée d'un Créateur n'est donc une évidence que si cela nous est révélé. Car Dieu est un Dieu qui se cache (Esaïe 45,5). Mais lorsqu'on comprend que Dieu est le Créateur de l'univers, on peut contempler cet univers sous un autre angle et nous pouvons comprendre tant de chose incompréhensible voire absurde autrement. Cela nous permet aussi de considérer l'humanité d'une autre manière. Une fois admise, cette idée devient irréfutable.

Cependant dire que Dieu est le créateur ne nous en apprend pas tellement plus sur Dieu. Des philosophes ont tenté de déterminer quels pourraient être les attributs de Dieu en réfléchissant par la raison humaine. Ils dépeignent un Dieu omniscient, omnipotent, omniprésent, cause de lui-même (en latin, causa sui) ! Mais comme le faisait remarquer Martin Heiddeger, « Ce Dieu, l’homme ne peut ni le prier, ni lui sacrifier, il ne peut, devant la causa sui, ni tomber à genoux plein de crainte, ni jouer des instruments, chanter et danser... »1.

 

Pour méditer :

- Est-ce que je comprends que certaines personnes ont du mal à considérer l'existence d'un créateur ? Qu'est-ce que je peux faire pour elles ?

- Est-ce que je comprends que c'est une révélation qui permet de savoir qu'il y a un créateur ?

- Est-ce que je comprends que réfléchir sur la création me permet de savoir qu'il y a un Dieu mais pas de savoir qui est ce Dieu ?

- Qui est-ce que j'adore ? Ma façon de vivre le montre-t-elle ?

- Est-ce que j'ai envie de danser devant mon Dieu ? Où est-il trop distant et lointain ?

 


Note

1 Martin Heidegger, Questions I, Paris, Gallimard, 1968, p.306.
Il poursuit en disant : «  Ainsi la pensée sans-dieu, qui se sent contrainte d’abandonner le Dieu des philosophes, le Dieu comme causa sui, est-elle peut-être plus proche du Dieu divin. Mais ceci veut dire seulement qu’une telle pensée lui est plus ouverte que l’onto-théologie ne voudrait le croire ». Ainsi Heiddeger ne dit pas autre chose que ce que l'apôtre Paul disait déjà en Romains 1.

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