Matthieu 25 (version NBS)

1 Alors le règne des cieux sera comme ces dix vierges qui avaient pris leurs lampes pour aller au-devant du marié.
2 Cinq d'entre elles étaient folles, et les cinq autres étaient avisées. 3 Les folles, en prenant leur lampe, n'avaient pas pris d'huile avec elles ; 4 mais celles qui étaient avisées avaient pris, avec leur lampe, de l'huile dans un récipient.
5 Comme le marié tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent.
6 Au milieu de la nuit, il y eut un cri : « Voici le marié, sortez à sa rencontre ! ». 7 Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. 8 Les folles dirent à celles qui étaient avisées : « Donnez-nous de votre huile, nos lampes s'éteignent ! ». 9 Celles qui étaient avisées répondirent : « Il n'y en aurait jamais assez pour nous et pour vous ; allez plutôt vous en acheter chez ceux qui en vendent ! ».
10 Pendant qu'elles allaient en acheter, le marié arriva ;
celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. 11 Plus tard, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : « Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! » 12 Mais il répondit : « Amen, je vous le dis, je ne vous connais pas. »
13 Veillez donc, puisque vous ne connaissez ni le jour, ni l'heure.

Éléments de réponse :

Au verset 1 Jésus donne le thème de la parabole : c'est une parabole du royaume, qui met en scène 10 vierges. L'expression «  Le règne des cieux sera comme... » ne veut pas dire que «  le règne/royaume sera comme » dix vierges ! Elle signifie que ce qui se passera dans le royaume ressemblera à ce qui se passe dans cette parabole.

Les vierges représentent la pureté. On n'est pas obligé de les considérer comme les épouses du marié (auquel cas Jésus accepterai la polygamie), mais peut-être plus comme les amies du marié qui vient chercher son épouse (Apocalypse 21,2). De toute manière, il n'y a pas de composante morale à cette histoire, bien au contraire comme nous allons le voir, cette parabole est plutôt amorale (mais pas immorale).

Ce qui est certain, c'est que Jésus place cette parabole dans le contexte d'une joie comparable à celle qu'on ressent pendant des noces.

Le verset 2 aurait pu être la conclusion de la parabole. Mais Jésus en fait l'introduction. Le but n'est donc pas d'exhorter à la sagesse, mais plutôt de faire comprendre de manière simple ce qu'est la sagesse. Ce qui est frappant d'entrée, comme dans la parabole de la bonne et de la mauvaise herbes (Matthieu 23, 24.36), c'est que les avisées et les sages, toutes vierges, toutes avec une lampe, font partie du royaume. D'aspect extérieur, elles sont toutes pareilles. Rien ne les distingue. Même pas leur état de pureté. Leur virginité n'a rien a voir avec leur sagesse. Leur lampe non plus.

Les versets 3 et 4 nous disent que la sagesse c'est de prévoir assez d'huile pour accompagner le marié à la noce. La folie c'est de ne pas en prévoir assez. D'où la question : mais que représente donc cette huile ? On ne le saura qu'à la fin.

Le thème du retour de Dieu qui tarde qu'exprime le verset 5 se trouve à plusieurs endroits dans le Nouveau Testament comme par exemple en 2Pierre 3,9 ou 1Thessaloniciens 4,13. Jésus ne reproche pas aux vierges de s'être endormies (on ne peut pas faire le lien avec Matthieu 26,38.40). Qu'elles se soient endormies veut simplement dire qu'elles sont mortes. Leur vie est finie. S'il y avait à être sage, c'était avant. Maintenant c'est trop tard on arrive vers le dénouement. Mais on ne sait pas encore en quoi les sages ont été sages ni en quoi les folles ont été folles.

Au verset 6 le cri au milieu de la nuit peut faire penser aux trompettes de l'apocalypse. Mais contrairement aux trompettes, ce cri signe l'arrivée du marié, qui au Proche Orient Ancien était salué par des youyous stridents et joyeux. Cette arrivée a lieu à un moment improbable ! Au verset 7 les dix vierges se réveillent et toutes se préparent à la noce. On n'est plus dans le quotidien humain. On s'apprête à la fête. Mais au verset 8 les vierges qui n'avaient pas préparé assez d'huile en manquent et réalisent qu'elles ne peuvent pas rejoindre le marié, sauf si on leur en donne. Le problème, c'est qu'il en faut assez pour deux.

Nous l'avons dit, nous ne sommes pas dans une parabole qui enseigne une morale. Auquel cas on se dirait, à la lecture du verset 9, que les vierges qui ont de l'huile, si elles sont sages, ne le sont pas en raison de leur altruisme ! En réalité ce que les vierges ont préparé durant leur vie ne peut pas suffire pour deux. Cette huile ne se partage pas. L'apôtre Paul l'exprime d'une autre manière en Romains 9,1-5. Il aurait voulu partager, voire même donner son salut à ses frères juifs qui refusaient le Christ. Mais cela ne peut se faire.

Verset 10 et 11 : Les cinq vierges avisées sont prêtes à l'arrivée du marié. Elles entrent dans la salle de noce pour faire la fête (Apocalypse 19,9). Il n'est pas étonnant que Jésus parle de fête. Lui qui était considéré comme un glouton et un ivrogne par ses ennemis (Matthieu 11,19) n'a cessé d'enseigner autour de tables bien garnies.

Les cinq vierges folles courent chez les marchants (d'illusions ?) pour obtenir de l'huile, mais c'est peine perdue, car à leur retour, mauvaise surprise, la porte est fermée. Le détour chez les marchands a entrainé leur absence à l'arrivée du marié. Lorsqu'elles arrivent, elles supplient le maître des lieux, le Seigneur, d'ouvrir. Elles semblent bien le connaître. Pourtant la réponse du verset 12 qui vient de l'autre côté de la porte est lapidaire : « je ne vous connais pas ».

Dans l'évangile de Matthieu (7,21) cela sonne comme une réminiscence du Sermon sur la Montagne. Les deux passages de Matthieu se combinent en Luc 13,24-30 :

Ainsi la leçon de cette parabole, c'est que pour être prêt à faire la fête aux noces éternelle, il ne s'agit pas d'avoir l'air d'un bon chrétien, mais d'être vraiment  chrétien. L'huile en question n'est pas la religiosité, ni même la moralité, mais la relation que nous avons avec Dieu. Nous pouvons avoir confiance (c'est dire foi, c'est le même mot) en Dieu si nous le connaissons, mais surtout si lui nous connaît. Il ne s'agit pas de dire que Dieu nous connaît de toute façon. Car la parabole nous exhorte à être prêt. Le verset 13 nous demande de veiller, ce qui relève de notre responsabilité. Mais veiller à quoi ? Et bien  à nous laisser connaître par Dieu afin qu'il dise au dernier jour : « Je te connais ».

Alors immédiatement se pose la question :  « Comment être connu de Dieu ? Comment entretenir cette relation avec Lui ? Comment être prêt pour le milieu de la nuit ? ». Si faire des miracles, réaliser des exorcismes ou avoir des dons miraculeux ne suffisent pas (Matthieu 7,22), et si aller à l’Église, participer à l'eucharistie et entendre des sermons ne sont pas suffisant non plus (Luc 13,26) de quoi s'agit-il donc ?

L'évangile de Jean donne un premier élément de réponse en Jean 4,23 :

L’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ;
tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père.

Il s'agit d'être vrai c'est à dire sincère, honnête, ouvert, avec Dieu, tout lui remettre dans une confiance totale, dans la prière et dans la recherche de la connaissance (de Dieu et non sur Dieu - Ephésiens 4,13) que permet la Bible. Il s'agit d'être passionné par la recherche de Dieu (Jérémie 29,13). Car à la fin c'est cela qui différencie les vierges folles des sages, différence qui ne se voit pas de l'extérieur tant que nous sommes vivant, mais qui se verra au jour du jugement, après notre mort.