Dieu ou Satan ?

Question :

Voici une nouvelle question sur 2Samuel 24 : la question est triple :
1- comment comprendre le verset 1 ?
2- Pourquoi le recensement était-il un péché ?
3- Et aux v15 et v25 à nouveau comment concilier cela avec l’image du Dieu compatissant et plein de grâce que l’on voit un Jésus ? En effet en lisant ce passage il me vient à l’esprit Jacques 1,13 qui semble en contradiction avec 2 Samuel 24,1. Par ailleurs 1Chroniques 21,1 dit c’est Satan qui a incité David à pécher,

Franck


2Samuel 24,1

1Le SEIGNEUR se mit de nouveau en colère contre Israël. Il incita David à leur faire du tort, en disant : Va, dénombre Israël et Juda !

1Chroniques 21,1

1L’Adversaire se dressa contre Israël : il incita David à dénombrer Israël.


Éléments de réponse :

Les deux premiers membres de la question sont liés.

1 & 2 — Le Seigneur se mit en colère est une interprétation de la suite. Le « à nouveau » fait probablement référence à 2Samuel 21,1-14 où la « plaie » est aussi une famine de trois ans (comme en 1Chroniques 21,12) au lieu de sept comme proposée au v13 (mais dans la LXX c’est trois ans aussi en 2Samuel 24).

La note de la NBS d’étude dit :

Le dénombrement semble être une faute en ce que le roi veut connaître le chiffre de la population, alors que le SEIGNEUR avait promis qu’Israël serait innombrable (voir 2Samuel 17,11 ; Genèse 13,16 ; 15,5 ; 22,17 ; 26,4 ; 28,14 ; 32,13 ; Exode 1,7 ; 1Rois 4,20 ; Ésaïe 10,22 ; Osée 2,11 ; Hébreux 11,12). De plus, cette opération visait aussi à connaître le nombre des hommes aptes au service militaire (cf. v2, où c’est Joab, le chef de l’armée, qui en est chargé ; voir aussi le v9) mais c’était s’en remettre plus aux forces guerrières qu’à Dieu lui-même (cf. Juges 7,2-7 ; 1Samuel 14,6 ; 17,47 ; Jérémie 17,5).

Dans le texte, Joab fait remarquer à David que ce qu’il demande est peut-être inapproprié.

Par ailleurs Exode 30,12-13 donnait des conditions concernant les dénombrements. Ils devaient s’accompagner d’un impôt, et n’étaient probablement pas trop appréciés par le peuple : un demi-sicle, selon le sicle du sanctuaire, qui est de vingt guéras ce qui représente 5 gr. d’argent. Cet argent devait alors servir au culte. Or en 2Samuel David paie 50 sicles pour acquérir le lieu du (1er) sacrifice réalisé à Jérusalem et en 1Chroniques 21 il paie 600 sicles soient l’équivalent du recensement de 1200 hommes loin des 1.300.000 hommes de 2Samuel 24,9 ou des 1.570.000 hommes de 1Chroniques 21,5. Par ailleurs Joab explique qu’il aimerait que le peuple soit 100 fois plus nombreux que ce qu’il est vraiment. Il est fort probable qu’il faille diviser les chiffres par 100 voire même par mille.

La plupart des Bibles traduisent שָׂטָן par « Satan » (Colombe, BFC, TOB, JER, S21) alors que quelques rares autres traduisent par « un adversaire » (NBS la seule en français, mais la NET en anglais aussi). Cette dernière traduction est possible et est peut-être même la meilleure façon de rendre l’esprit du texte. Mais quelle que soit la traduction le paradoxe est toujours là parce que les deux passages décrivent le même événement.
Il est fort probable que l'auteur des Chroniques connaissait 2Samuel. Pourquoi a-t-il modifié cette histoire ? Parce qu’écrivant plus tard, il comprenait mieux Dieu, et ne voulait pas que Dieu paraisse injuste. Il serait plus logique d'un point de vue théologique que les problèmes de David soient dus au fait de suivre Satan (ou un adversaire) plutôt que Dieu.

Il est intéressant de noter que la Bible NET donne ce commentaire :

« La version de Samuel donne une perspective théologique sous-jacente, tandis que le Chroniqueur décrit simplement ce qui s'est passé d'un point de vue humain ».

Ce commentaire tente de résoudre le paradoxe en faisant appel à une « différence de perspective » ce qui est vrai. Mais la question devient alors « pourquoi le chroniqueur a-t-il changé la perspective ? » on ne peut l'expliquer que si l'on considère qu'il corrige la source qu'il utilise.

3 — Venons-en maintenant à la troisième partie de la question :

2Samuel 24,15

15Le Seigneur fit venir la peste en Israël, depuis le matin jusqu’au temps fixé ; et, de Dan à Bersabée, il mourut soixante-dix mille hommes parmi le peuple. 16Comme le messager étendait la main sur Jérusalem pour la détruire, le Seigneur regretta ce malheur ; il dit au messager destructeur qui était parmi le peuple : Cela suffit ! Arrête maintenant.

2Samuel 24,2

25David bâtit là un autel pour le Seigneur ; il offrit des holocaustes et des sacrifices de paix. Alors le Seigneur se laissa fléchir en faveur du pays : le fléau qui frappait Israël s’arrêta.

Ces deux versets ne font pas apparaître Dieu comme un Dieu d’amour. Ils témoignent d’ailleurs d’une composition du texte, puisque le narrateur raconte deux fois la fin du même fléau mais qui se termine différemment : soit parce que Dieu est lui-même dégoûté de son propre châtiment (qui n’est d’ailleurs pas infligé par lui-même mais par un ange destructeur), ou soit parce que David offre des holocaustes à Jérusalem.

Mais pour nous, qui connaissons la fin de l’histoire biblique avec Jésus, comment peut-on comprendre qu’à la demande de pardon que David adresse à Dieu (v10), celui-ci réponde par un choix entre famine, massacre ou peste (v12-13) ?
La clé se trouve en Jésus. Comment aurait-il réagit face à David ? Probablement comme Joab : il lui aurait demandé pourquoi veux-tu faire cela ? Quelle est ta motivation ? En Matthieu 12 il fait face aux pharisiens et il cite une (autre) transgression du même David pour montrer que Dieu ne punit pas David, bien au contraire il l’approuve parce qu’il était motivé par la compassion. Dans le cas du recensement, la motivation est certainement moins pure, et Jésus ne l’approuverait pas. Mais faire mourir 70.000 hommes de la peste ne serai probablement pas ce que Jésus demanderait à Dieu. Pour s’en convaincre, rappelons nous ce que Jésus dit à Jacques et Jean qui veulent faire tomber le feu du ciel sur des samaritains qui ne veulent pas leur offrir l’hospitalité sous prétexte qu’ils vont à Jérusalem : à la fin de Luc 9,55 certains manuscrits ajoutent : « et il leur dit : Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes » et au v56 ces manuscrits ajoutent « car le Fils de l’homme n’est pas venu pour perdre des vies d’hommes, mais pour les sauver ».
Ainsi si des morts ont eu lieu à la suite du recensement de David, nous pouvons avoir confiance que ce n’est pas Dieu qui les a provoquées.

Mais alors comment se fait-il que le texte attribue la survenue cette peste à Dieu ? Il faut se rappeler que l’Ancien Testament est une révélation progressive, et que la compréhension de Dieu comme totalement différent des dieux des autres nations n’est possible qu’à partir de Jésus. On ne peut donc pas reprocher à l’auteur de s’être trompé ; il ne fait qu’exprimer sa propre conception de qui est Dieu ; pas encore un dieu d’amour, mais plutôt un dieu guerrier et vengeur. Comme le dit 1Pierre 1,10-12 :

10Ce salut, les prophètes qui ont parlé de la grâce qui vous était destinée en ont fait l’objet de leurs recherches et de leurs investigations. 11Ils se sont appliqués à découvrir quelle époque et quelles circonstances désignait l’Esprit du Christ qui était en eux, Esprit qui, d’avance, attestait les souffrances du Christ et la gloire qui s’ensuivrait. 12Il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils étaient ministres de ces choses, qui maintenant vous ont été annoncées par l’entremise de ceux qui vous ont communiqué la bonne nouvelle, avec l’Esprit saint envoyé du ciel ; c’est en ces mêmes choses que les anges désirent plonger leurs regards.

Les prophètes ont donc fait des recherches (selon l’Esprit) qui ont abouti à l’annonce de la Bonne Nouvelle (ou Évangile). L’Ancien Testament est donc une sorte de carnet de notes de ces chercheurs qu’étaient le prophètes. Ces recherches et investigations ont abouti à la découverte, guidée par l’Esprit de Dieu, du salut qui est en Jésus-Christ.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.