Y-a-t-il l'institution d'une structure ecclésiale en Actes 6,1-7 ?

Certains exégètes voient en Actes 6,1-7 le début d'une structure ecclésiale qui serait un modèle à suivre pour les générations futures. Mais très souvent cela est partial : chacun y trouve son compte !1
- l'interprétation catholique y trouve la justification d'un pouvoir centralisé autour de ceux qui sont supposés être les successeurs des apôtres (c'est à dire les évêques) et celui qui est susceptible d'être le successeur de Pierre (c'est à dire le Pape).
- l'interprétation protestante y trouve la justification de l'autonomie des églises.

Lorsqu'ils ne relient pas ce passage avec une structure de l'église, beaucoup d'exégètes voient dans ce texte l'institution des diacres parce qu'au v2 le verbe « servir » se prononce diakonein en grec (ainsi Irénée de Lyon dans contre les hérésies - livre 3, ch 12, v10). Or la position des chefs hellénistes choisis dans cette scène n'a rien de commun avec celle des diacres décrits dans les lettres pastorales2. D'ailleurs ils ne sont jamais appelés « diacres ». Ils sont simplement appelés « les septs » (Actes 21,8). Et le ministère des apôtres lui-même est aussi qualifié par un mot de la même famille au v4 (service de la Parole dans la NBS).

Qu'est-ce que Luc voulait dire à son (ses) lecteur(s) ?
- malgré les problèmes internes, il ne faut pas oublier d'évangéliser le monde
- malgré l'évangélisation il ne faut pas oublier de répondre aux besoins internes
- l'unité se construit dans la recherche de solutions et non dans la domination de certains par les autres (ce qui nécessite parfois de la créativité comme dans ce passage).

Qu'est-ce que Luc n'a pas nécessairement voulu dire à son (ses) lecteur(s) ?
- il faut une structure au-dessus pour tout chapeauter
- il faut que chaque groupe soit totalement autonome et responsable
- voilà ce que doivent être des diacres

Qu'est-ce que Luc n'a absolument pas voulu dire à son (ses) lecteur(s) ?
- il faut que les générations futures construisent leurs communautés en conformité avec ce passage ; en effet Luc ne fait que décrire un fait ponctuel dans une narration.

On peut en déduire a minima3 (ce qui peut être frustrant certes) que ce texte :
- ne parle pas de structure4, mais donne quand même des indications de principe sur la façon de nommer des responsables dans l’église,
- parle d'amour (les apôtres ont à cœur de répondre aux problèmes)
- parle de sagesse (pragmatisme et non imitation aveugle d'actions telles que décrites dans la Bible)
- parle de la spiritualité des responsables d'église (les responsabilités dans l'église doivent être confiées à des personnes dont l'esprit est tourné vers celui de Dieu).


Notes

1) C'est à dire que chacun y trouve ce qu'il veut y trouver. Mais cela ne veut pas dire que ces conceptions sont mauvaises. Cela veut juste dire que ce passage n'est peut-être pas celui qui permet de justifier les conceptions ecclésiales actuelles.

2) Voir le livre de Raymond E. BROWN, Que sait-on du Nouveau Testament, Bayard, 2000 ; p.336 et 710

3) Cela ne veut pas dire qu'il faut « se taire là où la Bible se tait », au contraire : face à une situation que les apôtres n'avaient pas rencontrée et pour laquelle Jésus ne leur a pas donné de directive précise, ils innovent selon un principe : l'amour.

4) Cependant, en accord avec le reste du Nouveau Testament, et notamment avec Éphésiens 4, on peut trouver des rôles dans l’église. Et une certaine structure en découle. Nous ne disons pas ici qu'il ne faut pas de structure. Nous disons que Luc n'a pas voulu dans ce passage précis, donner un exemple précis de structure.

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