M – Etienne

Etienne

Après le résumé en Actes 6,7 il y a une rupture ; on passe à autre chose en gardant cependant un lien ténu avec ce qui précède : Luc va parler du premier des sept, celui qu'il avait qualifié d'homme plein de foi et d'Esprit saint, Etienne1 est un modèle de chrétien. C'est pourquoi il va en parler si longuement.

Il est frappant de faire le parallèle entre le Jésus des évangiles synoptiques et l'Etienne des Actes :
- tous deux enseignent (Luc 21,37 ; 22,53 → Actes 6,9)
- les juifs ne savant pas comment les contredire (Luc 14,6 → Actes 6,10)
- Ils sont accusés par de faux témoins (Luc 23,1-5 → Actes 6,11-14)
- Les Juifs ameutent le peuple contre eux (Matthieu 27,20 → Actes 6,11)
- Ils sont accusés de vouloir détruire le temple2 (Matthieu 26,61 ; Luc 21,5-6 → Actes 6,13-14)

- Ils parlent du Fils de l'homme à la droite3 de Dieu (Luc 22,69 → Actes 7,56)
- En mourant ils prient4 que Dieu reçoive leur Esprit (Luc 23,46 → Actes 7,59)
- Ils prient pour le pardon de leurs bourreaux (Luc 23,34 → Actes 7,60)

Luc est ironique. En effet, les membres du sanhédrin, alertés par les membres de la synagogue des Affranchis, sont en majorité des Sadducéens. Ils ne croient ni aux anges ni à la résurrection, et ce jour-là, ils voient Etienne comme un ange. Et précisément cet ange leur prêche... les anges (7,53) et la résurrection (Jésus à la droite Dieu au v56). Si l'on s'en tient à l'impression que les anges faisaient aux humains5, il faut penser que les adversaires d'Etienne ne virent pas un Etienne avec une jolie face d'angelot tout mignon, mais plutôt un prédicateur plein d'autorité.

Au delà de l'ironie, le motif de l'ange (dont on retrouve la racine qui veut dire message dans le mot év-ang-ile) sert à montrer que tout disciple est un messager de Dieu.

 

Le discours d'Etienne

Les 19 discours6 contenus dans les Actes représentent 25% du livre. Celui d'Etienne est le plus long. Évidement Luc ne rapporte pas exactement les mots d'Etienne ce jour là. Comme pour l'ensemble des discours qu'on trouve dans la Bible7, on a un résumé des convictions profondes d'Etienne et des disciples grecs de l'Eglise primitive (6,9-10). En effet, en Actes 6, les Juifs accusent Etienne de prêcher ce qu'il va dire juste après en Actes 7.

Le débat porte sur la destruction du temple que Jésus avait prophétisé8 et sur la notion de changement des coutumes de Moïse. Etienne fait un rappel de l'histoire juive afin d'en donner une interprétation à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus. Il insiste sur trois points :

- Dieu n'est pas limité à un lieu particulier, même s'il s'agit de Jérusalem et du temple.

- Les Juifs ont la vieille et mauvaise habitude de rejeter les hommes spirituels (v51), et ils viennent de rejeter le Messie lui-même (v52).

- malgré la désobéissance du peuple, Dieu a un plan et un but pour l'humanité.

Si les adversaires d'Etienne refusent le dessein de Dieu, parce qu'ils sont des hommes rétifs, incirconcis de cœur et d'oreilles, qui s'opposent toujours à l'Esprit saint (Actes 7,51), Dieu lui, donne son Esprit à ceux qui lui obéissent (Actes 5,32). L'unité du peuple de Dieu n'a rien à voir avec le compromis ou même la bonne volonté. C'est pourquoi à la fin du discours Etienne se désolidarise des auditeurs : jusque là il avait utilisé un « nous » inclusif, au v51 il invective par un « vous ».

Ce discours historiographique est un modèle de compréhension spirituelle de l'histoire du salut9.

 

La mort d'Etienne

Etienne est lapidé selon ce qui était réservé à ceux qui entraînaient les autres à adorer de faux dieux (Deutéronome 13,6-12). Il est le premier martyr chrétien : Luc 13,34 Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés. « Étienne devient le modèle du témoin, puisqu’il ne meurt pas seulement pour Jésus-Christ, mais comme lui »10. A noter qu'avant de mourir il voit Jésus debout à la droite de Dieu. Et non assis comme en Luc 22,69. Il est pleuré par des hommes pieux qui se lamentent : tristesse de la séparation ou sentiment de défaite ? Un leader vient de mourir. C'était de toute façon culturel de se lamenter sur un mort (la TOB remplace les « grandes lamentations » par de « belles funérailles »).

Les exemples d'Ananias et Saphira (négatif) et d'Etienne (positif) montrent que le but n'est pas d'avoir l'air d'imiter Jésus, mais de l'imiter vraiment (1Jean 2,3-6). On n'est pas chrétien par culture, on l'est par conviction : le parallèle entre Jésus et Etienne n'est pas anodin car Luc veut montrer à Théophile, les convictions d'un vrai disciple qui prêche et vit comme son maître, et peut être amené à mourir comme son Lui !

 

Pour méditer :

- Ai-je lu tout le discours d'Etienne ? Qu'est-ce qui m'a marqué ?
- mes convictions sur Jésus sont elles aussi fortes que celle d'Etienne ?
- Est-ce que je peux résumer l'histoire du salut à partir de l'histoire du peuple de Dieu ?
- Pourquoi Luc fait il ce parallèle si fort entre Jésus et Etienne ? Quel message puis-je en retirer pour ma vie chrétienne ? Suis-je plus chrétien dans mon discours ou dans ma vie quotidienne ?
- Quel est le critère de l'unité de l'église ?


Notes

(1) Etienne, en grec Στέφανος prononcer Stephanos

(2) Alors que Jésus a dit que le temple serait détruit par des armées étrangères (Matthieu 24, Marc 13, Luc 21)

(3) Pour les Juifs il sera assis ce qui signifie qu'il siègera et sera un juge alors que pour Etienne il est debout ce qui indique qu'Etienne n'est pas jugé, mais accueilli.

(4) Jésus prie le père, Etienne prie Jésus !

(5) La plupart du temps ils font peur à ceux qui les rencontrent !

(6) 19 discours : Pierre 8, Paul 9, Etienne 1, Jacques 1

(7) Cf. Actes 2,40a et par beaucoup d'autres paroles...

(8) En Marc 14,58 entre autres – si Luc n'en parle pas dans son évangile, il en parle ici. Or Luc connaissait l'évangile de Marc

(9) Nous devons nous aussi en tant que disciples être capables de décrire les grandes étapes de l'histoire du peuple de Dieu, afin de montrer les desseins de Dieu, et sa maîtrise de l'histoire dans laquelle il intervient. Le découpage de l'histoire de l'Ancien Testament en une quinzaine de périodes successives est intéressant car facile à retenir : 1/ Période primitive, 2/ Patriarches, 3/ Egypte, 4/ Exode, 5/ Désert, 6/ Conquête, 7/ Juges, 8/ Royaume uni, 9/ Royaume divisé, 10/ Exil en Assyrie (Juda reste seul), 11/ Exil babylonien, 12/ Période perse et retour, 13/ Période grecque séleucide 14/ puis hasmonéenne, 15/ Période Romaine (inspiré de Douglas JACOBY, Foundations for faith, Old testament Survey, Illumination Publishers, Texas USA, 2004).

(10) J. N. ALETTI, dans Quand Luc raconte, Coll. Lire la Bible N°115, Paris, Cerf, 1998.

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