J'ai plusieurs questions concernant la doctrine de la satisfaction :
En quoi la doctrine Biblique ne s’accorde pas avec le fait que le sang de Jésus nous lave et nous purifie de nos péchés ? J’ai toujours compris cela comme cela, tout en croyant à la doctrine de la satisfaction.
J'ai aussi une question avec Éphésiens 1,7. La mort de Jésus a eu 2 actions d'après ce passage : notre rachat (sacrifice héroïque) et le pardon de nos fautes. Mais pourquoi le second effet si Dieu n’a pas besoin de sacrifice pour pardonner nos péchés ?
Question plus "culturelle" : l'enseignement affirmant que « c'est par grâce seulement que nous sommes sauvés » est-il issu de la théologie de la satisfaction ? Parce que cette théologie a été d’abord adoptée par les catholiques, qui ont toujours été loin de penser que nous sommes sauvés seulement par grâce (...).
Enfin pourquoi dis-tu : « Si nous n'avions que Romains 4,1-8 dans la bible nous pourrions comprendre que Dieu recouvre (verbe ἐπικαλύπτω - épikaluptô) nos péchés pour ne pas les voir » ? Dans le verset 5, je comprends qu’il y a eu une repentance préalable, et que par cette repentance, Dieu nous pardonne et que ce pardon couvre notre faute. Peut-être fais-tu cette précision à l'encontre d'une théorie qui a été formulée dans ce sens (...) ?
Roland
Élément de réponse(s) :
On fait souvent le lien entre la sortie d'Egypte qui correspond à la Pâque juive et la sortie de l'esclavage du péché qui correspond à la Pâque chrétienne. Ce lien est légitime, mais l'articulation entre Ancien et Nouveau Testament n'est pas aussi directe qu'on le pense. Entre les sacrifices de l'Ancien Testament et celui de Jésus il y a un changement de nature : si la notion du sang est présente dans les deux cas, dans l'Ancien Testament le sang de l'agneau sur le linteau de la porte permet à Dieu de reconnaître les siens selon Exode 12 (1) ; le sang couvre la maison, il cache la famille. C'est une des raisons pour lesquelles il est souvent dit que le sang de Jésus d'une manière similaire, couvre les péchés, aux yeux de Dieu - c'est aussi ce qu'on pourrait comprendre en Romains 4,7. Mais si dans les Écritures la similitude entre le sang de l'agneau et celle de Jésus est volontaire, elle n'est pas complète. Le sang de Jésus fait quelque chose que ne fait pas le sang de l'agneau dans l'Ancien Testament : il lave et blanchit (Apocalypse 7,14) : comme le dit Jean le baptiseur qui voit Jésus venir vers lui « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde » (Jean 1,29). Ce qui sous entend qu'il n'y avait pas d'agneau ayant enlevé le péché précédemment, et qu'après son passage, les choses sont différentes. Il faut également bien faire attention à ne pas lier automatiquement le pardon de Dieu et le fait d'enlever les péchés du monde. Ce n'est pas parce que Dieu pardonne qu'on ne pèche plus. Le sang de Jésus est le moyen qui nous est donné pour nous repentir, c'est à dire non pas ne plus pécher, mais entrer en guerre contre le péché.
Dans la doctrine de la satisfaction, on peut aller plus ou moins loin dans le raisonnement. Ainsi on peut penser que le sang nous lave sans que nous n'ayons rien à faire sinon croire. En réalité, si on veut rester littéral, Apocalypse 7,14 dit que nous devons laver notre robe dans le sang. C'est à nous de le faire, ce qui exclue un salut par la foi seule ou la grâce seule : sola fides, sola gratia, sont les slogans des réformateurs depuis Luther. Mais en réalité les réformateurs sont allés encore plus loin que les catholiques (même si Calvin revient partiellement en arrière vis à vis de Luther sur la question de l'importance des œuvres dans la vie chrétienne). La doctrine de la satisfaction enseigne que dès lors que Dieu est satisfait par la réparation du péché opérée par la mort de Jésus, nous changeons de statut (légal) aux yeux de Dieu : nous passons de pécheur à saint, sans rien avoir à faire. Le changement se fait non pas dans le cœur de l'homme, mais dans le regard du Père sur nous. Donc dans ce cas c'est Dieu qui se repent !
Quant à Ephésiens 1,7 ce verset dit qu'en Jésus nous avons deux choses :
1/ la rédemption (= libération, délivrance) par son sang et
2/ le pardon des fautes selon la richesse de sa grâce.
La construction grecque de la phrase (2) fait bien la distinction entre les deux choses qui ne sont pas dépendantes l'une de l'autre, bien que proches, car si elles sont dans la même phrase c'est qu'il y a un lien entre les deux. Pour autant ce qui permet de nous pardonner n'est pas le sang, mais la grâce. Le lien, c'est que le pardon ne sert qu'à la moitié du travail nécessaire, encore faut-il que nous puissions avoir accès à Dieu pour vivre une relation avec lui : le sang nous libère. Mais on en revient à la même question : de quoi nous libère-t-il ? selon moi, du mal (Remarque : en Ephésiens 1,7 le sang n'a pas exactement la même fonction qu'en Apocalypse 7,14).
Je pense avoir abordé chaque point de cette question au caractère multiple, même si ce n'est pas forcément dans l'ordre.
Pierre-Louis
Notes
(1) Ce texte est un mélange de textes de genres littéraires différents : des prescriptions rituelles destinées à se rappeler d'évènements dont le récit (style narratif) est inséré au sein même de ces prescriptions (à moins que ce ne soit l'inverse!).
(2) Ἐν ᾧ ἔχομεν / τὴν ἀπολύτρωσιν διὰ τοῦ αἵματος αὐτοῦ / τὴν ἄφεσιν τῶν παραπτωμάτων, κατὰ τὸ πλοῦτος τῆς χάριτος αὐτοῦ
Bonjour Pierre-Louis,
tu parles de la “doctrine de la satisfaction”, et tu dis que “le changement se fait non pas dans le coeur de l’homme, mais dans le regard du Père sur nous. Donc dans ce cas c’est Dieu qui se repent !” : est-ce que c’est toi qui donne ton avis sur cette question ?
J’aimerais bien en parler plus avec toi à l’occasion
Bonne soirée,
Dominique
Bonjour Dominique,
En fait je veux dire que “lorsqu’on accepte la doctrine de la satisfaction, alors c’est Dieu qui change et non l’homme”. Ce n’est pas réellement mon avis, c’est la conséquence logique de cette conception de Dieu.
A bientôt
Pierre-Louis
Bonjour,
je viens de lire l’article sur le lien entre le sang de Jesus et le pardon des fautes. Qu’ est que cela change concrètement dans la vie du croyant? désole je ne connais pas la doctrine de la satisfaction, j’ai cru comprendre que Francois Vouga c’est aussi penché sur la question.
Merci de m’apporter quelques éclaircissements j’avoue patauger un peu.
André fraternellement
Bonjour André
C’est vrai qu’en relisant cet article, je le trouve aussi un peu anarchique. Mais j’essaie de répondre à une question multiple de quelqu’un qui par ailleurs a lu toute l’étude sur le salut et la croix : http://bereenne-attitude.com/accueil/liste-des-themes/sacrifice-de-jesus-sommaire/
Peut-être que cela te semblera plus clair si tu lis ces articles là qui expliquent ce qu’est la doctrine de la satisfaction (à laquelle tu constateras que je n’adhère pas).