"C'est incontestablement Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) qui a donné, avec la doctrine de la satisfaction, ses bases à la sotériologie occidentale du second millénaire" (1). En effet sa doctrine sera analysée par les théologiens venant après lui. Pierre Abélard (1079-1142) tentera bien de la contredire, mais en vain, car son grand adversaire, Bernard de Clairvaux (1090-1153), avec toute son autorité de directeur de conscience de l'ordre cistercien, imposera la doctrine de la satisfaction avec en arrière pensée la justification des croisades. Cette doctrine sera encore supportée bien que de manière plus nuancée, par Saint Thomas d'Aquin (1224-1274). Enfin elle sera entérinée par le concile de Trente en 1546.
C'est ainsi que nous retrouvons aujourd'hui dans le Catéchisme de l’Église Catholique un paragraphe intitulé "Le Christ s'est offert Lui-même à son Père pour nos péchés" (2). Ce paragraphe contient un certain nombre d'explication sur le sens de la mort de Jésus. La plupart sont pertinentes. Mais on trouve parmi elles cette formule : "Jésus a réparé pour nos fautes et satisfait au Père pour nos péchés".
Les réformateurs au XVIe siècle ne sont pas en reste. Car ils ont eux-aussi adopté ce modèle tout en utilisant un vocabulaire différent : ils l'ont exprimé en en termes pénal : pour eux, une punition devait être payée pour notre péché, c'est pourquoi Jésus a reçu une punition à notre place. Les réformateurs en se basant sur Romains 5,8-10 parlent de "la colère de Dieu répandue sur le Christ, et non sur nous" et aussi "du sang de Jésus qui apaise la colère de Dieu". Donc pour les réformateurs Jésus a été punit par Dieu à notre place pour apaiser sa colère.
Aujourd'hui, c'est encore ce que la plupart des croyants pensent, aussi bien dans les églises historiques que dans les grandes églises issues du réveil dont les églises évangéliques : dans un cours de sotériologie (science du salut), le professeur J. Hampton Keathley (3) écrit : "Parce que Dieu est saint et que l'homme est pécheur, la justice parfaite de Dieu doit agir contre l'homme, l'accuser de culpabilité et le charger, pour punir son péché, d'une dette à payer" (4).
Dans les articles suivant, nous allons poser 7 questions à la doctrine de la satisfaction, et nous verrons qu'il est possible de faire émerger bibliquement une autre façon d'envisager la théologie de la croix.
Questions pour réfléchir et méditer :
- Pourquoi les plus grandes organisations religieuses (5) ont-elles adoptées la doctrine d'Anselme ?
- Y-a-t-il quelque chose de gênant pour moi dans la doctrine de la satisfaction ?
- Quelles questions poserai-je aux théologiens partisans de cette doctrine ?
- Avant de voir la suite, suis-je capable d'envisager une autre doctrine ?
Notes
(1) B. Sesboüe, J. Wolinski, Le Dieu du Salut, dans Histoire des Dogmes, tome 1, Desclée, Paris, 1994, p.486
(2) Catéchisme de l'Eglise Catholique, Ed. Mame/Plon, 1992, p.133
(3) Professeur de Nouveau Testament au Dallas Theological Seminary
(4) En anglais : « Because God is holy and man is sinful, God’s perfect justice must act against man to charge him as guilty and under the penalty of sin with a debt to pay »
(5) Sauf les églises orthodoxes et les églises issues du méthodisme. Voir l'article de Theopedia : Christus Victor