Dieu nous a-t-il fait pour le craindre ?

Cela peut sembler paradoxal à des chrétiens traditionalistes, mais Dieu nous a fait comme des êtres désirants. Le désir, c'est la vie disent les psys ! Et ils ont raison. Il ne disent rien de mieux que ce que dit la Bible depuis Genèse 2,23-25 jusqu'au Cantique des cantiques... La peur quant à elle, si elle est nécessaire à la survie de l'espèce, elle est synonyme d'aggressivité ou de paralysie. Il est donc préférable, que ce soit d'un point de vue psychologique ou théologique, d'entretenir le désir plutôt que la peur !

Entretenir disais-je ? Oui ! car le désir peut se perdre... et chacun devrait avoir peur (!) de perdre son désir. En matière de spiritualité, perdre le désir de Dieu est ce dont nous devrions avoir peur. Dans ce cas la peur n’est pas liée à Dieu mais à l’absence de Dieu comme en Philippiens 2,12 ; 1Timothée 5,20 ; Hébreux 4,1 par exemple, j'y reviendrai dans les articles suivants.

Examinons comment le désir de (proximité avec) Dieu grandit et peut être entretenu. Les nouveaux convertis grandissent dans la foi selon 3 paramètres :
- l’âge physique de leur conversion (plus on devient chrétien à un age avancé, plus on grandit vite, sagesse oblige - attention : ce n'est cependant qu'une généralité, ce n'est pas une donnée automatique, grandir reste toujours de notre responsabilité personnelle) ;
- le temps passé dans l’église (plus on côtoie de chrétiens sages et mûrs, plus on pourra grandir en voyant leur exemple et en entendant leur enseignement) ;
- le temps passé à étudier la Bible et méditer (prière quelle qu'en soit la forme) de manière autonome (c'est à dire sincère, authentique, passionnée, sans compétition ou comparaison avec les autres et non obligatoire).
Le développement est similaire au développement psychologique d’un enfant vers l’âge adulte sauf qu'ici il s'agit de croissance spirituelle.

Au début l’enfant a besoin d’accepter des directives pour la simple raison qu’il ne sait pas discerner les dangers qui le guettent. Mais au fur et à mesure qu’il grandit il doit utiliser sa réflexion pour intégrer ce qu'il a appris, quitte à laisser de côté certains aspects de l'enseignement reçu par ses aînés dans la foi. Ainsi il construira une personnalité spirituelle et ne sera pas un robot qui imite des stéréotypes en pensée et/ou en comportement.

Psychologiquement les enfants qui ne veulent pas grandir et donc apprendre à réfléchir (pour différentes raisons : traumatismes ou maltraitance familiale ou sociale) vont rester psychiquement bloqués à une étape de leur développement. Ils deviendront des adultes en apparence mais ne serons pas vraiment adultes dans leur tête.

Du point de vue de la foi c’est la même chose. Si on maltraite les jeunes chrétiens en les empêchant d’apprendre à réfléchir il vont à moyen terme se rebeller (et éventuellement partir sans avoir pu grandir) ou bien ils vont végéter et devenir dépendants (non pas de Dieu mais d’humains qui représentent Dieu dans leur vie). Sortir de l'infantilisation spirituelle est à la fois du ressort de l'église, de ses dirigeants (prêtres, pasteurs... quels qu'ils soient) mais aussi de chaque personne elle-même en responsabilité. Sauf que ceux qui sont psychologiquement bloqués à un âge d'enfant n'auront pas la possibilité de grandir spirituellement non plus. C'est là qu'un pasteur bienveillant peut faire énormément de bien. Mais c'est là aussi que certains faux-pasteurs abusent de ceux qui tombent entre leurs mains et conduisent leurs ouailles à la dépendance envers des humains (soit sous la forme d'une institution, soit sous la dépendance de personnes physiques). Mettre des gens en dépendance d’humains plutôt qu’en dépendance de Dieu, c’est ce que la Bible appelle l’idolâtrie. Et c’est comme ça que fonctionnent les sectes. On peut donc devenir des chrétiens idolâtres ce qui est encore plus dangereux car alors on croit être chrétien alors qu'on n'adore d'un point de vue factuel  des humains ou des institutions humaines. Pour une personne psychiquement autonome, étudier la Bible sérieusement permet de devenir un « homme/femme de Dieu » c'est à dire une personne spirituellement autonome.

Le rôle des dirigeants dans l’église c’est de peremttre aux chrétiens de grandir dans leur capacité à aimer Dieu et non pas dans leur capacité à obéir à des humains. Cela implique une certaine « liberté » laissée aux membres de l'église. Bien que cette liberté doive être en dialogue, et c’est à cela que sert l’église : à rendre libre (Jean 8,32).

Paul était libre. Il a dialogué avec l’Église de son temps (cf. par exemple Galates 2,6-14). Il a cherché l’unité (par exemple par une collecte pour Jérusalem). Mais il n’a pas toujours suivi exactement ce que l’Église disait… sans pour autant la remettre en question1.

L’église n’a pas pour premier objectif de grandir en nombre. Grandir est une conséquence (parmi d’autres) d’une croissance spirituelle, c'est-à-dire d’une relation avec Dieu qui rend libre. Je comprend personnellement la nécessité pour l’église de grandir pour ne pas mourir, et j'agis dans ce sens avec les talents que Dieu m'a donnés. Et il y a une certaine urgence. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. C'est là la vieille querelle entre enseignants et évangélistes : faut-il privilégier la croissance dont les écritures parlent, ou faut-il privilégier les écritures qui parlent de croissance.

Ce qui est certain c'est que ce qui grandit dans un environnement malsain et mal-saint sera malsain et mal-saint. Ce qui se développe dans un environnement sain et saint sera sain et saint. Faire croitre des chrétiens dans la peur créera d'un point de vue spirituel ce que la peur crée toujours : de la violence (spirituelle) et/ou de la paralysie (spirituelle).


Note

1 Voir par exemple cet article sur Actes 15.