Écritures : c’est l’absence de Dieu qu’il faut craindre

J'étudie ici les écritures qui parlent de la crainte/peur mais dont le sens penche implicitement ou explicitement mais toujours logiquement vers la crainte de l'absence de Dieu.

Romains 11,19-22 — Parabole de l’olivier greffé

19Tu diras donc : des branches ont été retranchées pour que, moi, je sois greffé. 20Fort bien ; elles ont été retranchées du fait de leur manque de foi, et toi, c’est par la foi que tu tiens. N’en tire pas orgueil, aie plutôt de la crainte ; 21car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, prends garde qu’il ne t’épargne pas non plus. 22Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et bonté de Dieu envers toi, si tu demeures dans cette bonté ; autrement, toi aussi tu seras retranché.

De quelle crainte il s’agit ? non pas d'une peur de Dieu, mais la crainte de son absence : être retranché ne relève pas de la volonté de Dieu mais de notre propre responsabilité. C'est nous qui par nos actes et donc notre cœur choisissons si nous sommes retranchés ou si nous restons greffés. Car la volonté de Dieu c'est de nous garder sur l'olivier, c'est à dire sur l'héritage du peuple de Dieu. Ici la crainte est le contraire de l'orgueil. On pourrait donc remplacer le mot crainte par humilité. qui est une sorte de crainte : crainte non pas de Dieu mais d'exercer sur les autres une toute puissance illusoire qui est destructrice de l'unité de la communauté.

Actes 5,5.11 — Ananias et Saphira

5Quand Ananias entendit cela, il tomba et expira. Une grande crainte saisit tous ceux qui l’apprirent.

Après la mort de Saphira :

11Une grande crainte saisit toute l’Église et tous ceux qui apprirent cela.

Qui a tué Ananias ? On a envie de penser que c’est Dieu, mais… ce n’est pas dit.
Ce qu’on peut dire par contre c’est que ce qui a tué Ananias c’est d’avoir « entendu » la Parole de Pierre. Seul Luc utilise le verbe « expirer » dans le Nouveau Testament. Il veut dire « perdre le souffle », comme si le fait d’entendre était un choc qui lui enlève la respiration.
Mais aujourd’hui, quel chrétien meurt en entendant la parole d’un autre chrétien ? Il s’agit de comprendre que ce qui tue et ce dont on doit avoir la crainte/peur, c’est du Péché lui-même (cf. Romains 1.24.26) que les gens aiment. Ici c'est l'hypocrisie (et non l'avarice) qui tue. Dieu laisse les gens choisir entre lui ou le Péché. S’ils choisissent le péché, ils subissent les conséquences du péché. Est-ce un jugement de Dieu ? indirectement. Ce que Dieu dit finalement c’est « tu as voulu aimer ce monde plus que moi, alors ton désir sera respecté : tu finiras avec et comme ce monde »1.

Il est aussi intéressant de remarquer au v5 que la crainte saisit ceux qui apprirent qu’Ananias était mort. Littéralement il s’agit du verbe « entendre », donc il ne s’agit pas directement de ceux qui ont assisté à l’évènement, mais à ceux qui en ont entendu parler.
Au v11 toute l’Église est dans la crainte. C’est un des rares passages dans lequel les chrétiens eux-mêmes sont dans la crainte. Mais que craignent-ils ?

2Corinthiens 7,1-4 — purifier le corps et l'esprit

1Puisque nous avons de telles promesses, bien-aimés, purifions-nous de toute souillure de la chair et de l’esprit, en portant la sainteté à son achèvement dans la crainte de Dieu.
2Faites-nous une place ! Nous n’avons fait de tort à personne, nous n’avons ruiné personne, nous n’avons exploité personne. 3Ce n’est pas pour vous condamner que je dis cela, car je l’ai déjà dit : vous êtes dans notre cœur pour la mort et pour la vie. 4J’ai une grande assurance à votre égard, je suis très fier de vous, je suis comblé d’encouragements, je déborde de joie au milieu de toute notre détresse.

Le contexte est celui de la fin du chapitre 6 où Paul exhorte les Corinthiens à s’éloigner de l’idolâtrie et de la participation aux cultes païens (qui sociabilisent) dans lesquels il y avait de la prostitution sacrée.
Finalement, il s’agit plutôt de craindre l’idolâtrie qui nous éloigne de Dieu plutôt que Dieu lui-même.

Conclusion

L'absence de Dieu est le contraire de la présence de Dieu (!) Dans l'Ancien Testament, la présence de Dieu c'est la gloire de Dieu, c'est la nuée, c'est la grande voix de Dieu (Deutéronome 5,24). Aimer Dieu de tout son cœur de toute son âme, c'est ce que Jésus demande en se reportant aux écritures :

20C’est le SEIGNEUR (YHWH), ton Dieu, que tu craindras ; c’est lui que tu serviras, c’est à lui que tu t’attacheras, c’est par son nom que tu prêteras serment. 21Il est ta gloire, il est ton Dieu : c’est lui qui a fait chez toi ces œuvres grandes et redoutables que tes yeux ont vues.(Deutéronome 10,20-21)

On ne s'attache pas à celui qu'on craint sauf dans le cas d'emprise et de perversion. La crainte est manifestement autre chose ici que la peur. C'est la peur d'être seul, abandonné dans un monde sans référence, sans signification profonde et durable, sans guide pour la vie et surtout pour la vie éternelle. Seul celui qui cherche Dieu peut vivre dans la confiance en la vie. Chercher Dieu ne serait-il pas ici ce que veut dire craindre Dieu ?


Note

1 Parfois il semble que ceux qui choisissent « le monde » aient une vie bien plus paisible et confortable que ceux qui choisissent la cause du Dieu de Jésus-Christ. Mais cela n'est qu'apparence : ces personnes finissent malgré tout par mourir, comme tout le monde, certes « rien ne les tourmente jusqu’à leur mort, et leur corps est replet ; ils n’ont aucune part à la peine des hommes, ils ne sont pas frappés avec les humains (...) toujours tranquilles, ils accroissent leur richesse » (Psaume 73,4-5.12) mais dans leur cas la mort n'est pas signe d'une vie nouvelle elle est plutôt le signe de ce qui arrivera à ce monde qui un jour n'aura plus lieu d'être : « Seigneur, à ton éveil, tu repousses leur image » (Psaume 73,20). Ils ont choisi une vie éphémère et ce n'est pas Dieu qui contredira leur choix malgré parfois les apparences religieuses (comme pour Ananias et Saphira qui en apparence étaient généreux et solidaires de la communauté - sauf qu'ils recherchaient les apparences plus que la générosité).