Irénée de Lyon (Repas du Seigneur)

Irénée de Lyon (fin du 2ème siècle) aussi formalisera cette idée du devenir du pain. Il explique que

La coupe qui a été mélangée et le pain qui a été confectionné reçoivent la parole de Dieu et deviennent l’eucharistie, c’est à dire le sang et le corps du Christ, et par ceux-ci se fortifie et s’affermit la substance de notre chair...1

En réagissant à l’extrême contre l’idée d’homme spirituel que les gnostiques avaient inventé, Irénée veut que les vrais chrétiens aient la certitude que le pain eucharistié est le corps de leur Seigneur. Car il veut que le christianisme soit une religion de l’incarnation, une religion ancrée dans la matérialité de la création.

Mais est-ce vraiment le cas quand il reprend l’idée de remède d’immortalité ?

… de même que le pain qui vient de la terre, après avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire, mais eucharistie, constitué de deux choses l’une terrestre l’autre céleste, de même nos corps qui participent à l’eucharistie ne sont plus corruptibles, puisqu’ils ont l’espérance de la résurrection2.

Certes, le pain est quelque chose de terrestre, mais affirmer qu’il est en même temps céleste est ambigüe quand on défend le salut de la création. Irénée utilise un vocabulaire biblique, qui contient ces notions d’espérance de la résurrection3, et d’incorruptibilité4 mais jamais en lien avec le pain et le vin. Il y a comme un mélange des genres : théologie spéculative d’un côté, basée sur une tradition de réaction aux « hérétiques » et théologie biblique de l’autre.


Notes

1 Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, V,2,3

2 Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, dénonciation et réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, IV,18,4-5

3 Actes 23,6 ; 2Corinthiens 1,10 ; Tite 1,2 ; 3,7

4 Romains 8,21 ; 1Corinthiens 9,25 ; 15,35-58 ; Galates 6,8 ; 1Pierre 1,23