Origène (Repas du Seigneur)

Origène est aussi un africain, et il enseigne aussi à Alexandrie. Il est même un successeur de Clément à la tête de l’école théologique de la ville. Il écrit à la fois en grec et en Latin, mais les trois quart de son œuvre sont perdus. Le plus connu de ces écrits est une réfutation de l’attaque contre le christianisme et l’église d’un philosophe païen appelé Celse dans un livre qui s’intitulait Discours véritable. Mais Origène n’a jamais connu Celse puisque celui-ci a écrit son livre 70 ans avant qu’Origène ne lui réponde (178 ap. JC). Contre Celse est le dernier ouvrage d’Origène (248 ap. JC) il commence ainsi :

Celse commence par l'accusation qu'il forme contre le christianisme, sur ce que les chrétiens font des assemblées secrètes et contraires aux lois. Il dit qu'il y a de deux sortes d'assemblées ; les unes qui se font ouvertement, qui sont celles que les lois approuvent; les autres qui se font en cachette, qui sont celles que les lois défendent. Il veut par là décrier ce que les chrétiens appellent leurs Agapes;1

L’une des attaques des opposants au christianisme concernait les agissements des chrétiens dans leurs réunions appelées Agapes. Celse en particulier accusait les chrétiens de magie. Mais Origène ne décrit pas en détail ce qui se passe dans les Agapes et il ne donne quelques indices sur la manière dont on concevait l’eucharistie en orient au troisième siècle qu’au cours du texte.

Pour nous dont le dessein est de plaire au Créateur de l'univers, nous observons, lorsque nous mangeons le pain qu'on met devant nous, d'adresser nos vœux et de rendre nos actions de grâces à celui qui nous le donne, et ce pain devient [génoménous] , par le moyen de la prière, un corps [soma] qui non seulement est saint, mais qui a même la vertu de sanctifier ceux qui en usent avec un esprit bien disposé.2

Pour Origène le pain devient par le moyen de la prière un corps saint et sanctifiant. C’est à dire quelque chose de singulier, différent, et qui fait de ceux qui le mangent des personnes singulières, différentes. Il ne va pas jusqu’à préciser qu’il s’agit du corps du Seigneur (pourtant il écrit à destination de chrétiens qui pourraient comprendre) et il n’insiste aucunement sur la réalité de ce « devenir » qu’opère la prière.

Et nous avons dans le pain qu'on nomme eucharistie [eucharistia] un symbole [sumbolon] de cette reconnaissance [euchariatias] que nous devons à Dieu...3

Le pain « se nomme » eucharistie. Origène n’ignore pas le sens originel de ce mot, lui qui parle et écrit en grec. Et il en fait ici clairement un symbole de reconnaissance.


Notes

1 Origène, contre Celse, Livre 1, Chapitre 1

2 Origène, contre Celse, Livre 8, Chapitre 33

3 Origène, contre Celse, Livre 8, Chapitre 57