Seigneur ? Vous avez dit Seigneur ?

Le Seigneur, le κύριος (kurios) en grec, est le maître, c'est celui qui a les pleins pouvoirs et qui domine. Dans l'Ancien Testament, c'est aussi le législateur : celui qui décide de la la loi.

Mais Jésus, comment peut-il être le Seigneur alors qu'il est mort sur une croix ?

Pour que nous comprenions ce qui est en jeu sur la croix, nous devons saisir le sens de la résurrection comme Paul nous y invite dès les premiers versets de l’épître aux Romains (1,4-5) :

institué Fils de Dieu avec puissance, (...)
du fait de sa résurrection d'entre les morts,
Jésus-Christ, notre Seigneur ;

Jésus s'est fait reconnaître comme Fils de Dieu par la résurrection. Sans elle, beaucoup ne sauraient reconnaître en lui notre Seigneur.

Paul explique aussi en 1Corinthiens 1,18-25 que par la croix, Dieu anéantit l'intelligence et la sagesse humaines. Il prend à contre-pied toutes les conceptions religieuses qu'on pouvait se faire naturellement de la divinité. C'est par pure grâce que Dieu est devenu un homme et c'est par pure grâce qu'il accepte de subir la pire des injustices. Se suffisant à lui-même il n'avait nul besoin d'agir de la sorte. Mais en le faisant, Jésus, Christ, Fils de Dieu et Parole incarnée, devient le standard le plus élevé de ce qu'est un humain, et par conséquent le standard spirituel de ce que chacun d'entre nous devrions souhaiter être !

Là, nous nous approchons de la manière dont Jésus est notre Seigneur. Car il n'est pas de ces supérieurs qui se satisfont de génuflexions ou de courbettes ou de bénédictions lancées à la sauvette. S'il ne s'impose pas, s'il reste discret, s'il refuse de nous forcer la main, il est malgré tout celui qui sait ce qui est bon pour nous. Il est le Seigneur parce qu'il a tout pour répondre à notre besoin le plus ultime et qu'il veut le faire.

Nous, nous voulons lui offrir des tas de choses dont il n'a que faire : des temples1, des églises de 100m de haut, des sacrifices2, des belles paroles, de belles liturgies et même des miracles3, mais lui ne veut pas de nos petits cadeaux. Il veut notre cœur4, il veut notre vie, il veut nous connaître5, et il veut une relation avec nous. Car son but n'est pas de nous soumettre comme le ferait un Seigneur humain, mais de nous édifier c'est à dire de nous former6 à son image, celle de Fils de Dieu. Son action ne vise pas à nous asservir, mais à nous servir, afin que nous-même ayons le désir de servir les autres :

Après leur avoir lavé les pieds et avoir repris ses vêtements,
il se remit à table et leur dit :
       Savez-vous ce que j'ai fait pour vous ?
       Vous, vous m'appelez Maître et Seigneur,
              et vous avez raison, car je le suis.
       Si donc je vous ai lavé les pieds,
              moi, le Seigneur et le Maître,
       vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ;
       car je vous ai donné l'exemple,
              afin que, vous aussi, vous fassiez comme moi j'ai fait pour vous.
       Amen, amen, je vous le dis,
              l'esclave n'est pas plus grand que son maître,
              ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé.
Si vous savez cela, heureux êtes-vous,
pourvu que vous le fassiez !
        (Jean 13,12-17).

La religion ne consiste donc pas à servir Dieu, mais à être servi par Dieu pour servir les hommes. La hiérarchie des normes humaines est renversée : celui qui a la puissance ne prend pas le pouvoir, mais se met au service des faibles. Le chrétien qui persévère dans la compréhension de l'amour de Dieu obtient de lui une force glorieuse lui permettant de porter du fruit par toutes sortes d'œuvres bonnes, de devenir puissants à tous égards de persévérer avec patience et joie malgré les épreuves (cf. Colossiens 1,9-11).


Notes

1  Marc 14,58 ; Actes 7,48 ; Actes 17,24

Esaïe 1,11 ; Jérémie 6,20

Matthieu 7,21-23

Attention, contrairement à ce qu'on entend par ce mot aujourd'hui, le cœur dans la Bible n'est pas le siège des sentiments, mais le siège des convictions pratiques, c'est à dire ce qui permet de prendre des décisions – Exemple : Matthieu 6,21.

Matthieu 7,23 où Dieu regrette de ne pas connaître ceux qui se présentent devant lui « en ce jour là », c'est à dire au jour du jugement.

1Pierre 5,10