Le Fils unique de Dieu

Nulle part dans le Nouveau Testament on ne parle d'autres fils ou filles de Dieu (par nature). Mais l'évangile ou les lettres de Jean1 sont les seuls documents à insister sur l'unicité du Fils de Dieu. Ces écrits sont parmi les plus tardifs du canon du Nouveau Testament ce qui fait penser que ce thème a probablement été développé afin de répondre à quelque objection sur la nature du Christ, et en particulier à l'accusation de polythéisme.

Nous nous demandions précédemment si Dieu peut avoir un Fils. Et nous répondions que cela ne choquait personne au premier siècle dans la culture gréco-romaine où l'on était habitué à entendre parler des enfants des dieux. La plupart des grands du monde étaient en effet considérés comme fils ou fille de tel ou tel dieu ou déesse.

Néanmoins dans un cadre monothéiste, cette question se pose. A tel point que les musulmans sont très suspicieux envers les chrétiens, les accusant facilement de polythéisme. Mais cette accusation n'est pas fondée. Car on ne parle pas de deux dieux lorsqu'on parle du Père et du Fils. Il ne s'agit pas en effet de deux êtres qui agiraient indépendamment et de manière autonome, mais il s'agit de deux personnes qui agissent de concert, en une harmonie absolue dans le même Esprit, c'est à dire avec la même pensée et les mêmes desseins. Dans la trinité (parce-qu'il y a aussi l'Esprit-Saint) il n'y a qu'une seule personnalité, c'est à dire une seule unité de pensée, mais trois personnes. Dieu est un. Le Père est donc un, le Fils un(ique) et l'Esprit un2. Et les trois sont un :

       Moi et le Père, nous sommes un.

Les Juifs ramassèrent à nouveau des pierres pour le lapider.

Jésus leur dit :
       Je vous ai montré beaucoup de belles œuvres venant du Père.
       Pour laquelle de ces œuvres allez-vous me lapider ?

Les Juifs lui répondirent :
       Ce n'est pas pour une belle œuvre que nous allons te lapider,
       mais pour blasphème, parce que, toi qui es un homme, tu te fais Dieu !
(Jean 10,30-33).

Ce qui vient de Jésus vient donc de Dieu (Jean 12,50), puisqu'ils ne sont qu'un. Le Père et le Fils se définissent l'un par rapport à l'autre. L'un n'existe pas sans l'autre. Si le Père n'est pas père c'est parce qu'il n'a pas de Fils. Et si le Fils n'est pas pas un fils, c'est qu'il n'a pas de père. Ensemble avec l'Esprit qui règne entre eux, ils sont l'unique Dieu.

Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie au moyen d'une philosophie trompeuse et vide, selon la tradition des humains, selon les éléments du monde, et non pas selon le Christ. Car c'est en lui qu'habite corporellement toute la plénitude de la divinité (Colossiens 2,8-9)

Jésus est pleinement Dieu. Non pas à moitié, ni même dieu à côté d'un autre dieu. Il est Dieu dans son humanité même. Nous avons déjà tenté précédemment d'exprimer comme en négatif ce que cela ne veut pas dire. Tentons maintenant d'extraire des récits de la naissance quelques éléments de compréhension supplémentaires.

Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit saint. Joseph, son mari, qui était juste et qui ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la répudier en secret. Comme il y pensait, l'ange du Seigneur lui apparut en rêve et dit : Joseph, fils de David, n'aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu vient de l'Esprit saint (Matthieu 1,18-20)

Marie aurait-elle couché avec l'Esprit-Saint ? L'Esprit-Saint est-il le père biologique de Jésus ? Évidemment non ! Car y aurait là une contradiction insurmontable3. Restons simples : ce que nous indique ce passage, de manière certes laconique, c'est que Jésus est à la fois Dieu et Homme. Non pas un demi-dieu ou un hybride, mais un mystère : complètement Dieu et complètement homme. Ainsi ce récit n'a rien de commun avec la mythologie grecque. Et Paul ne dit pas autre chose en Galates 4,4 :

lorsque les temps furent accomplis,
Dieu a envoyé son Fils,
né d'une femme et sous la loi

Le miracle de la naissance virginale, tel que les récits de l'enfance de Jésus nous le décrivent, n'a pas d'autre but que de nous faire comprendre cela. Il y a dans la naissance de Jésus un nouveau commencement : lorsque les temps furent accomplis, Dieu a recommencé quelque chose de nouveau. Il crée une nouvelle humanité qui va commencer alors que l'ancienne perdure. Pas de déluge cette fois-ci, mais une naissance virginale.

Tout comme

au commencement Dieu créa le ciel et la terre (...)
Dieu dit :
        Faisons les humains à notre image,
        selon notre ressemblance     (Genèse 1,1.26).

l'évangile de Jean dit que :

au commencement était la Parole ;
la Parole était auprès de Dieu ; la Parole était Dieu (…)
La Parole est devenue chair    (Jean 1,1.14).

De la même manière qu'on ne peut savoir comment a eut lieu le commencement du ciel et de la terre, on ne sait pas comment a eut lieu la naissance virginale. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. En Romains 8,28-30 Paul (toujours le même) explique en parlant de Dieu que :

ceux qu'il a connus d'avance,
il les a aussi destinés d'avance
        à être configurés à l'image de son Fils,
                pour qu'il soit le premier-né d'une multitude de frères.
Et ceux qu'il a destinés d'avance, il les a aussi appelés ;
ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ;
et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

Le commencement qu'est la naissance de Jésus est le commencement d'une nouvelle création, d'une nouvelle histoire, d'une nouvelle alliance entre Dieu et les hommes. Tout est nouveau afin de permettre l'accomplissement de la volonté de Dieu pour nous : nous faire devenir les frères, les semblables, du Fils unique de Dieu.


Notes

1  Jean 1,14.18 ; 3,16 et 1Jean 4,9

Éphésiens 4,4

Puisque par définition l'Esprit n'est pas de l'ordre biologique.