Qui est le Christ ?
Celui qui doit venir . . .
Depuis le retour d'exil autorisé par le roi Perse Cyrus (539 av. J.C.), la Judée n'a jamais été réellement indépendante1. Après les Perses ce sont les descendants d'Alexandre le Grand2 qui cherchèrent pendant plus de deux siècles et demi à imposer le mode de vie grec aux juifs. Le pire fut probablement le roi Antiochus Epiphane IV qui avait installé une statue de Zeus dans le temple de Jérusalem. Mais les juifs n'aimaient pas non plus les romains, ces païens souvent brutaux qui ne respectaient la tradition juive que tant qu'on payait les impôts et qui occupaient la Palestine depuis 63 av. J.C.
L'attente d'un messie depuis des siècles est donc forte : le Seigneur avait promis par les prophètes d'envoyer un libérateur (Zaccharie 9,9 … etc.) qui serait un roi comme David (Ezekiel 34,23-24 ; Amos 9,11) et/ou un prophète comme Moïse (Deutéronome 18,18).
Mais alors quelle différence avec le passé tel que le racontent les écritures ? Moïse sauva son peuple, et il se rebella malgré les bénédictions. Puis Josué, puis les juges, puis le roi David, puis dans une moindre mesure les rois Ezekias et Josias (pour le royaume de Juda), et après le retour Zorobabel et Josué puis Néhémie puis Esdras, puis les Macchabées... ont plus ou moins sauvé le peuple qui chaque fois est retombé dans une situation qui nécessitait qu'il soit sauvé de nouveau. Il fallait que le prochain messie soit différent de ceux qui l'avaient précédé. Mais on ne s'attendait certainement pas à un messie comme Jésus-Christ.
Christ n'est pas le nom de famille de Jésus ! Ce mot vient du grec christos. Il traduit le mot hébreu mashiah qui a donné messie. Donc il désigne l'identité de Jésus d'un point de vue théologique. Dans l'Ancien Testament le messie-christ est celui qui a reçu l'onction c'est à dire le fait de répandre de l'huile sur la tête d'un roi, d'un prêtre ou d'un prophète pour montrer qu'il a été choisi par Dieu pour sauver ou prendre soin du peuple. Le prénom Jésus vient d'une racine araméenne qui veut dire : celui-qui-sauve. Quand on parle de Jésus-Christ on parle donc du Sauveur-choisit-par-Dieu.
Contrairement à ce qu'on attendait, le Christ est venu incognito3. On l'attendait encore comme celui qui doit venir, alors qu'il était déjà là (Matthieu 11,3). Mais il ne correspondait tellement pas à ce à quoi on s'était préparé qu'il fut difficile de l'accepter. Et cela est encore le cas aujourd'hui. Quand on demande aux chrétiens « où est ton Dieu, qui ne résout pas les problèmes du monde en un clin d'oeil ! », on ne demande pas vraiment où est Dieu, mais plutôt, où est le dieu dont je me suis forgé l'image, le dieu que j'aimerai ou même le dieu que je serais si je pouvais l'être.
Le Christ est un personnage déroutant. Si nous ne sommes pas décontenancé ou troublé par le Christ, si nous ne sommes jamais dérangé par ce Messie, c'est que probablement nous passons à côté sans le voir, ou que nous voyons autre chose, et certainement une chimère issue de nos fantasmes :
Si alors quelqu'un vous dit : « Le Christ est ici ! », « il est là-bas ! », ne le croyez pas. Car des christs de mensonge et des prophètes de mensonge se lèveront ; ils donneront des signes et des prodiges pour égarer, si possible, ceux qui ont été choisis. Soyez sur vos gardes ; je vous ai bien prévenus (Marc 13,21-23).
Le monde a donc besoin de rencontrer celui qui doit venir. Certes il est déjà venu ! Il est entré dans l'histoire, et les évangiles en gardent le témoignage, mais c'est aussi dans la vie de chacun qu'il doit venir, avant qu'il ne revienne4. Jésus-Christ sera donc toujours celui qui doit venir.
Notes
1 Malgré la révolte des Macchabées à partir de -168 jusqu'à l'arrivée des Romains en -63 qui est une alternance de périodes de guerres et de compromis politiques avec les grecs, le tout compliqué par une guerre civile larvée.
2 Alexandre avait conquis la Palestine en 333 avant notre ère. Les grecs Lagides (jusqu'en -200) puis Seleucides (jusqu'à l'arrivée des romains en -63) contrôlèrent la Palestine.
3 Dietrich Bonhoeffer, Qui est et qui était Jésus-Christ, cours de christologie à Berlin 1933, Labor et Fides, Genève, 2013
4 1Thessaloniciens 4,16-18 ; Jacques 5,7-8 ; 2Pierre 3,9-10 ; 1Jean 2,8