Une onction collective et non individuelle1

A l'approche de la fin, en Jean 14,17, Jésus dit à ses disciples qu'il leur enverra l'Esprit qu'il connaissent déjà parce-qu'il est avec eux, mais qui ensuite sera en  eux comme il était dans les prophètes (1Pierre 1,11). La promesse se retrouve en Luc 24,49 et Actes 1,8. Mais Jean 14,15-24 parle de la future Église (vous, nous, ceux qui m'aiment...) plus2 que des disciples individuellement (Ephésiens 2,21-22). C'est l'Église qui est le temple du Saint Esprit (1Corinthiens 3,16, 2Corinthiens 6,16), c'est sur l'Eglise qu'est répandu l'Esprit (Actes 2,33).

Lors des évènements du Sinaï (Exode 19) le peuple hébreux devint quelque chose qu'il n'était pas avant : il devint le peuple de l'Alliance. De la même manière, l'envoi de l'Esprit qu'a permis la glorification du Christ fait de l'ensemble des disciples le peuple de la nouvelle Alliance. Ce peuple reçoit l'onction de l'Esprit et devient le Corps du Christ. C'est cela le baptême du Saint-Esprit dont parle Jean Baptiste en Jean 1,33 ou Marc 1,7-8. C'est un baptême collectif qui fonde l'Église.

Cette onction de Dieu concerne aussi les non juifs3 qui désormais font partie intégrante du nouveau temple dans lequel Dieu demeure par l'Esprit (Ephésiens 2,11-20, 1Corinthiens 12,13). Ceux qui partagent la foi d'Abraham (qui n'a pas connu la loi de Moïse) et qui sont baptisés en Christ, deviennent les héritiers d'Abraham (Galates 3,26-29). L'alliance du Sinaï qui avait divisé l'humanité en deux (les juifs et les non juifs) est remplacée par une alliance avec Christ (nouvelle alliance) qui réconcilie les deux en un seul corps (Ephésiens 2,16).

L'onction de l'Esprit envoyé par Jésus est tout ce dont nous avions besoin pour vivre la vie avec Dieu (2Pierre 1,3-4). L'Esprit est ce qu'il y a de plus important à posséder (Luc 11,13) car il nous fait don de tout ce qui est nécessaire pour une vie sainte ce qui inclus aussi le don d'hommes et de femmes aux talents variés que Dieu utilise de façon diverses dans le corps (Ephésiens 4,8,11-16 ; 1Corinthiens 12).

C'est ce à quoi Jean pensait quand il parlait de l'onction de L'Église (1Jean 2,20) avec l'Esprit qui la conduit dans toute la vérité (Jean 16,13) et qui lui donne la connaissance (1Jean 2,20) si bien qu'elle n'a pas besoin d'être instruite (1Jean 2,274) car elle connait l'essentiel, et qu'il n'y a pas d'élite parmi elle qui en sache plus sur le salut que les autres. Jean ne prétend pas ici que chaque personne individuellement sera ointe faisant de lui quelqu'un d'infaillible et qui n'a pas besoin d'être enseigné, car il saurait tout.

Une conséquence de tout cela, c'est que nous devons régulièrement nous interroger sur l'esprit qui est présent dans l'Église. Est-ce celui de Dieu, ou celui du monde ? car le prince de ce monde (Jean 14,30 ; 16,11) va essayer de faire re-rentrer l'esprit de ce monde dans l'Église (1Corinthiens 2,12) pour en chasser celui de Dieu. Or individuellement, nous sommes forcément influencés par l'esprit qui règne dans notre communauté.

En résumé : c'est la nouvelle communauté qui est baptisée dans l'Esprit-Saint plutôt que chaque membre individuel ; le salut et la réception de l'Esprit sont bel et bien toujours personnels, mais ils ne sont pas disponibles ni utilisables sans participation à la communauté de l'Alliance.

Illustration : quand nous disons que notre corps est vivant, nous pouvons dire que chacune des parties de notre corps est vivante. Mais si nous devions séparer une main de notre corps, c'est le corps (certes estropié) qui continuerait à vivre tandis que la main isolée mourrait. C'est le corps dans son ensemble qui est vivant et qui rend vivante chaque partie, qui isolée ne pourrait survivre. Il en est de même de l'Esprit-Saint qui est en nous et que nous avons reçu au baptême. Il est bel et bien en nous, mais quand nous sommes liés les uns aux autres. Tout comme le corps est plus qu'une collection d'organes juxtaposés, l'Église est plus qu'une collection de chrétiens ayant reçu l'Esprit (Romains 12,4-5 ; Ephésiens 4,4). Il n'y a pas de chrétien individuel, indépendant. On peut parler d'un chrétien individuellement tant qu'on sait qu'il appartient à une communauté (1Coritnhiens 12,17-20). C'est le message de Jean qui voulais que sa communauté vive dans l'unité (Jean 17). L'effusion de l'Esprit ne fait pas de chaque chrétien un tabernacle. Mais elle fait de L'Église un temple (1Corinthien 3,16 ; 6,12-20). C'est la communauté qui est une avec Christ (Jean 14,20) et dans laquelle l'Esprit est présent comme le sang dans un corps.

Questions pour méditer :

- Savoir que l'Eglise a reçu l'Esprit et que je bénéficie de cet Esprit me rend-il reconnaissant pour l'Eglise ? Cela m'aide-t-il à aimer l'Eglise ?
- Que penser des « croyants non pratiquants » ?
- Est-ce que je comprends ce qu'est le baptême dans l'Esprit Saint ?
- Est-ce que je veille à l'état d'esprit qui règne dans ma communauté ? Comment est-ce que je fais concrètement pour veiller à cela ?
- Est-ce que je suis engagé dans l'action de l'Eglise ou est-ce que je suis un simple spectateur ? Suis-je un thermostat ou un thermomètre ?
- Peut-on compter sur moi comme mon cerveau compte sur ses organes pour faire chacun sa part ?


Notes

1 Etude inspirée de Jim McGuiggan

2 Même si cela est partiellement valable comme le montre 1Corinthiens 6,19. Je dis partiellement car nous sommes tous une partie du corps, mais seul nous ne formons pas le corps comme discuté ensuite.

3 Les Actes aussi montrent que le baptême de l'Esprit-Saint concerne les non-juifs. Le récit de la conversion de Corneille en Actes 10 et 11 est appelé par les théologiens « la petite pentecôte » car les événements décrite en Actes 10-11 ressemblent en moins spectaculaires à ceux d'Actes 2 : ils arrivent soudainement (Actes 2,2 et 10,44), l'Esprit Saint tombe/descend sur l'assemblée (Actes 2,4 et 10,44), des langues étrangères sont parlées miraculeusement (Actes 2,4 et 10,46), la prophétie de Joël est remplie à moitié à chaque fois (Actes 2,16 = juifs ; Actes 10,1.24.44 = non juifs), l'évènement est mis en rapport avec le baptême d'Esprit-Saint dont parlait Jésus (Actes 1,5.8 et 11,15-16).

4 Les pré-gnostiques commençaient à répandre leur enseignement à l'époque de la rédaction de 1Jean en disant qu'il fallait être instruit, au sens d'initié, pour comprendre les mystères du Christ.

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