J – Les apôtres à Jérusalem

Après les 2 premiers chapitres, l'Esprit est arrivé, et la première communauté de croyants en Jésus a été formée. Entre Actes 3,1 et 5,42 Luc va décrire l'activité des apôtres à Jérusalem dans cette communauté dont la vie quotidienne est décrite en Actes 2,42-47.

Actes 3,1-11 - Guérison d'un infirme : les chrétiens avaient au premier siècle une réputation de thaumaturges, réputation qu'on retrouve chez Flavius Josèphe : « Car la magie ne réalise pas des signes aussi étonnants »1. Luc prend comme point de départ pour cette nouvelle partie de son livre (chapitre 3 et 4), cette guérison d'un infirme faite « au nom de Jésus le Nazoréen ». On a, là encore, la vision d'une transformation des disciples et de Pierre en particulier. Si on compare avec Luc 9,40 on constate que la foi des disciples n'est plus la même. Moins de 2 mois plus tôt, Pierre reniait le Christ face à une servante autour du feu (Luc 22,54-60), alors qu'ici il ne peut pas s'empêcher de parler face au gratin du pouvoir religieux de sa nation. Actes 3 et 4 montrent l'accomplissement de la prière de Jésus pour que la foi de Pierre ne défaille pas (Luc 22,31).

Actes 3,12-26 - deuxième discours de Pierre : comme Jésus, lorsqu'il « fait » un miracle, Pierre prêche. Il affirme non pas la puissance des apôtres, mais celle du nom de Jésus (qui veut littéralement dire « celui qui sauve » - voir aussi Actes 4,12), le nom étant caractéristique de celui qui le porte dans la culture juive (Jésus porte le même nom que Josué). Plus étonnant, il affirme également que ce n'est pas la piété des apôtres qui a valu à cet infirme de remarcher2.

Par de nombreuses références à Luc 233, l'évangéliste fait réaffirmer par Pierre la responsabilité des auditeurs dans la mort de Jésus, par ignorance (Annexe 1) Alors qu'ils auraient dû savoir, eux qui connaissent les prophéties messianiques de l'Ancien Testament dont Pierre leur rappelle les plus connues : Deutéronome 18,15 ; Genèse 12,2-3 (il avait déjà évoquée l'alliance avec Abraham dans son 1er discours). Le but de la prédication, c'est la repentance. Celle-ci qui conduit à se détourner de sa méchanceté apporte en conséquence un rafraîchissement (littéralement une « restauration de l'âme »). La bénédiction réelle, c'est d'être libéré de la méchanceté.

Actes 4,1-23 - « Garde à vue » de Pierre et Jean devant le sanhédrin : les chefs du peuple, qui n'ont pas entendu le discours de Pierre (3,17), ont pourtant les oreilles bien ouvertes. Les Sadducéens réagissent face à la prédication de la résurrection et surtout face au succès (cf. 5,17) de la prédication des apôtres. Luc indique que les Sadducéens ne voulaient pas qu'on enseigne le peuple (4,18). L'ignorance a toujours été un moyen pour les instruits de soumettre un peuple (cf. aussi Actes 4,13 où les chefs du peuple s'étonnent de la connaissance de Pierre et Jean qu'ils considéraient comme des agramatos c'est à dire des illettrés et des idiotès c'est à dire des gens quelconques).

Les apôtres sont mis en « garde à vue », mais cela donne l'occasion à Pierre de prêcher encore une fois la résurrection et le nom de Jésus. Pierre devant les chefs du peuple, ne les accuse plus d'ignorance, mais d'entrave volontaire à la construction du royaume de Dieu (cf. Actes 4,11 qui cite le Psaume 118,22 qui parle de la pierre de angulaire de la porte de la justice).

Actes 4,18 et 21 montre que les chefs du peuple4, contrairement au peuple, ne se repentent pas. Bien au contraire. Ils élaborent des plans humains pour entraver le plan de Dieu, que malgré l'évidence (4,14) ils ne considèrent pas comme tel. Luc montre que la réaction des chefs est la même face aux disciples de Jésus que face à Jésus lui-même.

Actes 4,23-31 - Une prière honnête et réaliste. En effet les forces en présence ne sont pas égales. Mais une prière de foi part du postulat que Dieu peut tout... et il répond quand on demande selon sa volonté5 : comparer v29 avec v31. Ici apparaît une notion importante : les miracles servent à accréditer la parole des apôtres (4,29-30).

Actes 4,32-35 est un sommaire qui avec des mots similaires à ceux de la fin du chapitre 2 décrit la communion. Luc aime répéter les choses pour qu'elles soient comprises et retenues par les lecteurs de son texte et pour en souligner l'importance. Ainsi la communion est un thème majeur des Actes (cf aussi l'expression « d'un commun accord » en 1,14 ; 2,46 ; 4,24 ; 5,12).

Actes 4,36-37 Bar-nabas (ou Barnabé) veut dire « Fils d'encouragement ». Exemple positif de quelqu'un de connu du (ou des) lecteur(s) des Actes. C'est un lévite (un prêtre) qui met en pratique et qui aura un grand impact dans sa communauté (cf. Actes 6,7). Il est également un Chypriote. Or quand plus tard depuis Antioche, il sera envoyé en mission, il se rendra en premier lieu à Chypre avec un certain Paul. Barnabas est donc un lien fort entre Pierre et Paul.
Luc crée un contraste fort entre Barnabas et Ananias et Saphira dont nous parlerons dans l'article suivant.

Actes 5,17-42 - Nouvelle « Garde à vue » des apôtres devant le sanhédrin : l'utilisation de passages symétriques est une technique littéraire qui crée un effet d'insistance. C'était le quotidien des apôtres que de faire face aux problèmes de persécution. La répétition permet aussi la mémorisation. Comme en Actes 3 on a des guérisons. Et comme en Actes 4 on a la réaction des Sadducéens. Ici il est dit que c'est la jalousie qui les fait intervenir alors que c'était la nature de l'enseignement (la résurrection, cf. Lc 20.27, Mt 22.23 et Mc 12.18) qui les dérangeaient au départ.

Comme en Actes 2,38 et 3,19, Pierre prêche la résurrection et la repentance pour le pardon des péchés v31. Maintenant il s'agit pour les responsables religieux de faire taire cet enseignement, par une exécution si nécessaire (v33).

Par sagesse, l'intervention de Gamaliel (cf. Annexe 2) va sauver les apôtres. Gamaliel est un Pharisien. C'est la première fois qu'un Pharisien est nommé dans les livre des Actes. Jusqu'à présent ce sont surtout les Sadducéens qui intervenaient pour entraver le message apostolique. Maintenant un Pharisien intervient mais de manière positive.

Très certainement, de nombreux Pharisiens sont devenus chrétiens (cf. Actes 15,5), pour plusieurs raisons :
- peut-être parce que ces Pharisiens avaient été au contact de Jésus beaucoup plus que les Sadducéens6.
- on sait que les Pharisiens étaient appréciés du peuple car plus proche de lui, plus sur le terrain que les Sadducéens enfermés dans le temple (ils sont les descendants de Tsadoq, prêtre de l'époque du roi David, qui avait soutenu Salomon et non Adonias) et dans leur richesse aristocratique. Ils étaient donc plus au contact des gens et donc des chrétiens.
- ils croyaient à la résurrection contrairement aux Sadducéens.
- ils n'étaient pas aussi attachés au temple que les Sadducéens (dont la légitimité et l'autorité découlaient de l'existence même du temple) ; c'est pourquoi l'enseignement de Jésus les choquait moins.
- ils considéraient les Psaumes et les prophètes comme la Parole de Dieu, alors que les Sadducéens ne reconnaissaient que la Torah (les 5 premiers livres de la Bible) comme inspirée de Dieu.

Même s’il semble que Jésus les a bien remis en cause (qui aime bien châtie bien), le parti des Pharisiens fut certainement plus touché par le message des apôtres que celui des Sadducéens7. Gamaliel est certainement sensible au fait que certains de ses amis soient devenus croyants en Jésus.

Mais attention, l'argument de Gamaliel doit être interprété de manière prudente car on l'a vu dans l'histoire, des mouvements humains réussissent parfois. Il s'agit plus d'une prophétie que d'un principe.

 

Pour méditer :
- Ai-je lu les chapitre 3 à 4 avant de lire l'article 😉
- Qu'est-ce qui a transformé Pierre et les disciples ? Jésus m'a-t-il transformé ? Qu'y a-t-il encore à changer dans mon zèle pour le Christ ?
- A quoi sert un miracle comme la guérison de l'infirme ?
- Quel est le remède à l'ignorance des gens vis-à-vis du Christ ?
- Que fait la communauté face aux obstacles que rencontre l'évangélisation ?


Notes

(1) Cité par Etienne Nodet, « Qui sont les premiers chrétiens à Jérusalem », dans Aux origines du christianisme, ouvrage collectif dirigé par Pierre Geoltrain, Coll. Folio histoire, Gallimard, Paris, 2000, p.239

(2) On ne peut dons pas s'appuyer sur un manque de piété pour critiquer des mouvements qui estiment que les miracles n'existent pas ou plus, et inversement on ne peut pas « admirer » la piété de celles qui proclament en produire car ce n'est pas de là que vient la guérison en Actes 3, mais du nom de Jésus.

(3)  Actes 3,13 = Luc 23,16 Je le relâcherai donc après l'avoir fait châtier.
       Actes 3,14 = Luc 23,18-25 Dialogue entre Pilate et les Juifs
       Actes 3,17 = Luc 23,34a Jésus dit: Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font.

(4) Les représentants des familles des grands prêtres sont tous sadducéens : il est intéressant de noter que les Pharisiens ne sont pas mentionnés comme participant à cette persécution.

(5) C'est aussi le message de 1Jean 514 Voici l'assurance que nous avons auprès de lui: si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute.

(6) Si on étudie les rencontres de Jésus avec les Pharisiens et les Sadducéens dans les évangiles, il rencontre beaucoup de Pharisiens, et quelques Sadducéens.

(7) Les prêtres (ou sacrificateurs) qui se convertissent en Actes 6,7 ne sont très certainement pas des Sadducéens.

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