Avant de lire cet article, lire Jérémie 36
L’origine d’un livre de prophète dans la bible est toujours difficile à déterminer. La solution qui vient immédiatement à l’esprit, c’est de penser que le livre de Jérémie fut écrit par Jérémie, le livre d’Ezekiel par Ezekiel, le livre de Daniel par Daniel… etc. Mais la réalité est probablement plus complexe et souvent difficilement atteignable. En tant que croyant cependant, il est un point à ne pas oublier : l’Esprit-Saint est en arrière plan de tout ce processus d’écriture, de réécriture, de collection et récollection des textes de la bible. Il est donc intéressant pour comprendre comment l’Esprit travaille, de se pencher sur l’origine du texte que l’on veut étudier, et en l’occurrence, nous allons nous pencher sur le livre de Jérémie. Mais pour ceux que cela ennuie, il est tout à fait possible de passer directement à la deuxième partie de notre chemin dans le livre de Jérémie : le contexte historique qui est incontournable et ne peut être court-circuité, pour quiconque veut comprendre un tant soit peu de quoi Jérémie nous parle.
Jérémie 36 rapporte comment en 605 ou 604 (c’est à dire la quatrième année du règne de Yoyaqim) Jérémie dicta à Baruch un rouleau de prophéties qui furent brulées par le roi alors qu’un rassemblement religieux avait lieu au temple de Jérusalem. Le texte nous apprend que Jérémie a un « empêchement » et qu’il ne peut aller prêcher. Probablement lui avait-on interdit l’accès au temple. C’est alors que Jérémie a l’idée de mettre sa prédication par écrit. On apprend donc que les paroles du prophètes furent misent par écrit de son vivant. Il s’agit probablement de la première trame du livre que nous lisons dans nos bibles. Et il est remarquable de constater qu’alors que Yoyaqim brûle le premier rouleau, Jérémie et Baruch en écrivent un second, auquel “beaucoup d’autres paroles semblables y furent ajoutées” (Jérémie 36,32c). En somme, une édition révisée et augmentée ! L’Esprit-Saint se joue des obstacles.
Que contenait ce rouleau de 604 ? probablement l’essentiel des chapitres 1 à 20. Par la suite, ce rouleau sera complété. Car Jérémie ne s’est pas arrêté de prophétiser en 604. Mais il y a plus, car pendant l’exil, après 587, alors que Jérémie ne parle plus, les déportés réfléchissent à ce qui leur est arrivé. Et le rouleau de Jérémie est enrichi de réflexions qu’on qualifie de deutéronomistes, car elles mettent en lien la pensée du Deutéronome avec la prédication de Jérémie.
Après 539, c’est à dire après l’effondrement de l’empire Babylonien, Cyrus le Perse autorise le retour des exilés en Judée. Ce retour est difficile comme en témoigne les livres d’Esdras et Néhémie : peu de juifs ont réellement envie de revenir après 50 ans d’exil (note 1), et il est difficile de faire admettre un partage de la terre aux descendants de ceux qui sont restés sans avoir été déportés avec ceux qui reviennent 50 ans plus tard. Pendant cette période, la réflexion sur la pertinence de la prédication de Jérémie continue, et le livre de Jérémie est encore augmenté. C’est ainsi que (entre autres exemples) le chapitre 24 sera ajouté ou modifié montrant que ceux qui reviennent ont été purifiés par l’exil, et ont toute légitimité pour se réinstaller dans le pays.
Ces quelques remarques permettent de comprendre la complexité de la naissance d’un livre biblique et de celui de Jérémie en particulier, qui d’un premier corps de texte est relu et augmenté par l’interprétation des circonstances que vivent les croyants. Ainsi l’Esprit-Saint travaille à notre intelligence spirituelle, car nous aussi avons à interpréter le texte pour le rendre pertinent dans notre vie de chrétien. C’est ce que nous tenterons modestement, mais je l’espère efficacement de faire à travers les articles suivants.
Questions pour méditer :
– Que peut apporter à ma foi la compréhension du processus de rédaction d’un livre biblique ?
– Que fait l’Esprit Saint face à un obstacle ?
– Pourquoi les juifs installés en Babylonie n’avaient-ils pas forcément envie de rentrer en Judée malgré l’autorisation des Perses ?
– Pourquoi les populations de Judée ne voyaient-elles pas d’un bon œil ceux qui revenaient d’exil ?
– Comment je réagirais si j’étais à leur place ?