Les Actes vont dévoiler un certain nombre de problèmes auxquels la communauté devra faire face dès le début. Actes 5,1-16 décrit le premier vrai problème de la communauté : Ananias et Saphira, un passage émotionnellement difficile à lire (cf Annexe 1).
Luc rapporte volontairement cet événement marquant à ce moment de son récit pour plusieurs raisons :
- Il veut faire un parallèle avec Josué 7 et le péché d'Akân, qui avait bloqué très tôt la progression du peuple dans sa conquête de la terre promise. Le même péché pourrait bloquer très tôt la progression du royaume de Dieu.
- Il veut insister sur l'importance de l'unité de la communauté pour Dieu. Cette unité est menacée ici par la fraude sur des biens destinés au fond commun. Non pas une fraude consistant à voler, mais à ne pas tenir son engagement. Car Ananias et Saphira étaient libres de donner tout ou partie de leur bien (v4). En voulant se faire bien voir et en n'étant pas totalement transparents, ils risquaient d'introduire dans la communauté un biais de jugement. C'est une pratique du monde qui ne doit pas être une pratique de cette communauté qui pour la première fois dans les livre des Actes, est appelée Eglise (v11).
- Il veut montrer qu'appartenir à l'Eglise, c'est appartenir à bien plus qu'un groupe, ou une branche juive parmi d'autres. Appartenir à l'Eglise c'est appartenir à Dieu. Car ce n'est pas Pierre qui émet un jugement, mais la révélation de la situation spirituelle (mentir à l'Esprit) du couple qui conduit au drâme : la séquence est la même que pour Adam et Eve en Genèse1. C'est le premier péché dans l'Eglise, et il ressemble bien au premier péché de l'humanité : vouloir être ce que l'on n'est pas.
- Si l'on se rappelle qu’Actes est la suite de Luc, on comprend encore que Luc parle de Mammon comme en Luc 16,13 (l'amour des biens matériels est un thème récurrent chez Luc). Ici il redit qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, on ne peut pas aimer Dieu et Mammon, on ne peut vivre avec l'Esprit de Dieu et avec l'esprit du monde.
- Enfin il explique à travers cet événement qu'il faut choisir son camp. On est dans un camp ou dans l'autre2. Il faut se rappeler que Luc écrit à une période de séparation entre Juifs et chrétiens.
Luc veut donc simplement faire comprendre à ses lecteurs que les obstacles au royaume de Dieu, qu'ils soient externes (Ac 3 et 4 et fin d'Ac 5) ou internes (Ac 6 et 15 entre autres) à l'Eglise, n'arrêteront pas la progression du message. Tout comme la mort n'a pu retenir Jésus dans ses liens (Ac 2.24), le péché ne pourra contenir l'expansion du message (rappelez vous la clé de lecture du livre : Actes 8,1).
Luc décrit ensuite l'impact de cet événement dans l'Eglise :
- la mort d'Ananias et Saphira ne fait pas partie des prodiges que les apôtres faisaient dans le peuple (v12) mais elle s'y ajoute. Il n'est pas dit que c'est Dieu qui « tue » Ananias et Saphira. D'ailleurs si la punition infligée à Ananias et Saphira vient de Dieu comment se fait-il que tous les hypocrites de l’Église de tous les temps n'aient pas reçu le même sort ? Dieu serait-il partial ?
- on comprend que les « autres » (littéralement : « ceux qui restaient », dont on a du mal à savoir de qui il s'agit) ne veuillent pas se joindre à eux (v13)
- pourtant on assiste à un paradoxe décrit aux v13-16 : de plus en plus de gens croient !!!
Pour méditer :
- Le texte de Luc suggère-t-il aux membres de l’église de tout donner ?
- Quelle est l'une des qualité principale permettant de vivre en communauté ?
- Quel est le résultat de la transparence et de l'honnêteté pour l'église ?
- Suis-je transparent avec les autres membres de l'église sur ma vie en général ou est-ce que je cache des choses pour me faire bien voir ? Est-ce que j'ai tendance à présenter les détails de ma vie afin qu'on me connaisse d'une certaine manière ?
- Que faire si je lutte avec ça ?
- Ici Ananias et Saphira font face uniquement à Pierre et peut-être aux autres apôtres. Que voient les autres membres de l'église ? Qu'est-ce que cela indique sur la confidentialité dans l'église ?
2 Tout dans la Bible n'est pas manichéen, mais sur certains sujets, les auteurs bibliques n'hésitent pas à l'être. En général il s'agit de sujets importants. L'unité en est un !