Quiconque croit que Jésus est le Christ
est né de Dieu, et
quiconque aime celui qui fait naître
aime aussi celui qui est né de lui.
A ceci nous savons que nous aimons les enfants de Dieu :
quand nous aimons Dieu et
que nous agissons selon ses commandements.
Car l'amour de Dieu, c'est que nous gardions ses commandements.
Et ses commandements ne sont pas un fardeau,
parce que tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde ;
et la victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi.
Qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?1
La première phrase de ce passage est curieuse ! Car qu'est-ce qui fait naître de Dieu ? Est-ce le fait de croire ou Dieu lui-même ? Des sceptiques diront que Dieu est une invention de l'esprit humain2. Certains croyants (partisans d’un calvinisme traditionnel par exemple) diront que c'est Dieu qui donne la foi à qui il veut selon une volonté qui prédétermine les humains à être croyants ou non. Le but d’une telle idée étant de donner à Dieu le contrôle sur tout, même sur le fait de ne pas croire en lui.
En réalité, ce qui fait naître de Dieu c'est tout à la fois Dieu qui le décide, et nous-mêmes qui le décidons.
« Croire que Jésus est Fils de Dieu » est le concept qui encadre (c'est à dire qui est au début et à la fin de) cette introduction. Il ne s'agit pas de croire au sens d'adhérer ou de comprendre intellectuellement. Car cela ne vient qu'en conséquence de la contemplation de Jésus (sa vie et son enseignement) mais surtout de la contemplation de Jésus crucifié (1Corinthiens 2,2) et ressuscité (Romains 1,4). C'est cette contemplation qui nous permet de faire confiance à Dieu. Confiance est un mot français plus simple que le mot « foi ». C'est le même mot en grec qui dit les deux mots en français. C'est la confiance qui nous permet de vaincre le monde, mais sans Jésus en tant que Christ, pas de possibilité de faire confiance à Dieu (c'est à dire croire, avoir la foi). Pourquoi me direz-vous ? Et bien parce que Jésus-Christ est la preuve de l'empathie3 de Dieu à notre égard. Si l'empathie c'est « comprendre ce qui affecte l'autre et lui faire comprendre qu'on l'a compris »4, alors seul l'évènement Jésus-Christ et en particulier l'évènement de la Croix permet de sentir (pas seulement croire ou comprendre) l'empathie de Dieu.
Mais cela ne suffit encore pas : car sans « moi-même » qui décide de contempler Jésus et qui cherche à saisir (comprendre et ressentir) en quoi il est le Christ, pas de possibilité d'arriver à cette confiance.
La foi est donc une rencontre.
Elle est tout autant :
- don de Dieu (cf. la fin du v1 qui parle de celui qui fait naître)
- qu’acceptation de ce don (quiconque croit).
Elle est à la fois :
- proposition de Dieu
- et décision humaine.
Elle est ensemble :
- fidélité de Dieu
- et confiance humaine.
Cette rencontre entre Dieu et moi, dans la foi, est la base d'une relation5 avec Dieu, et d'après Jean l’épistolier6 elle permet de vaincre le monde (un thème très présent dans l'Apocalypse de Jean). Selon ce raisonnement, la foi en Jésus en tant que Christ désigné par Jean comme Fils de Dieu est donc, de manière logique, ce qu'il y a de plus puissant dans ce monde. Elle est même victoire sur le monde, car elle permet d’accéder à ce qui le transcende (ce qui est au delà).
Un peu plus loin en 1Jean5 on peut lire au v14 :
L'assurance que nous avons auprès de lui, c'est que, si nous demandons quoi que ce soit selon sa volonté, il nous entend.
La prière est le « moyen » de la foi pour nous faire entrer en relation avec le Père. Elle se base non pas sur la croyance que Dieu va nous donner ce que nous demandons, mais sur la confiance qu’il est là, qu'il nous entend, qu’il n’est pas indifférent et même qu’il comprend. Notre prière s’appuie sur notre foi qui comme nous l’avons montrée est à la fois un don de Dieu et une décision de notre part, une rencontre voulue. La prière est un moyen d’actualisation, c’est à dire de concrétisation, de notre foi. Mais attention, pas n’importe quelle prière, celle qui demande selon sa volonté. Or « selon sa volonté » peut être selon ce que Dieu veut ou de la manière dont Dieu veut...
Alors, comment demander selon sa volonté ? Jésus l'a enseigné et c'est ce que nous allons étudier ensemble en examinant la prière de Matthieu 6 qu'on appelle communément « le Notre Père » qui peut encore révéler de nombreuses surprises même pour ceux qui le récitent depuis des décennies…
Notes
1- 1Jean 5,1-4.
2- André COMTE-SPONVILLE, « Trois raisons de ne pas croire », Le goût de vivre et cent autres propos, Livre de poche, Albin Michel, 2010, p.113-114
3- Aujourd'hui nous faisons la différence entre empathie et compassion. La compasssion dans la Bible se traduit par deux mots ἔλεος & οἰκτιρμός. Les deux signifient de la sympathie pour ceux qui sont dans la misère, de la pitié, de la compassion. Mais ἔλεος se manifeste cependant principalement dans des actes plutôt que dans des mots, tandis que οἰκτιρμός est employé plutôt pour la sensation intérieure de compassion qui demeure dans le cœur. Un criminel pourrait demander ἔλεος, de la miséricorde de la part de son juge, mais une souffrance désespérée peut être l’objet de οἰκτιρμός, de compassion au sens d’empathie. Aujourd’hui, on pourrait traduire οἰκτιρμός par empathie. Ce mot se trouve dans les versets suivants :
- Romain 12,1 Παρακαλῶ οὖν ὑμᾶς, ἀδελφοί, διὰ τῶν οἰκτιρμῶν τοῦ θεοῦ
J’encourage donc vous, frères, à travers l’empathie de Dieu
- 2 corinthiens 1,3 Εὐλογητὸς ὁ θεὸς καὶ πατὴρ τοῦ κυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ,
Béni (est) le Dieu et père du Seigneur de nous Jésus Christ
ὁ πατὴρ τῶν οἰκτιρμῶν καὶ θεὸς πάσης παρακλήσεως,
le père d’empathie et Dieu de toutes consolations
- Philippiens 2,1 Εἴ τις οὖν παράκλησις ἐν Χριστῷ, Si quelque encouragement en Christ
εἴ τι παραμύθιον ἀγάπης, Si quelque réconfort de l’amour
εἴ τις κοινωνία πνεύματος, si quelque communion de l’esprit
εἴ τις σπλάγχνα καὶ οἰκτιρμοί, si quelque affection et quelque empathie…
- Colossiens 3,12 Ἐνδύσασθε οὖν ὡς ἐκλεκτοὶ τοῦ θεοῦ, ἅγιοι καὶ ἠγαπημένοι,
Revêtissez donc, en tant que choisis de Dieu saints et aimés,
σπλάγχνα οἰκτιρμοῦ, χρηστότητα, ταπεινοφροσύνην, πραΰτητα, μακροθυμίαν
d’affection d’empathie de bonté d’humilité de douceur de patience…
- Hébreux 10,28 (en négatif)
4- cf. Helena HARGADEN, Charlotte SILLS, Analyse Transactionnelle, un perspective relationnelle, Les éditions d'Analyse Transactionnelle, Lyon, 2006, p.61-66