Se décentrer de soi-même : Matthieu 6,10bc

… qu'elle soit engendrée ta volonté,
comme dans le ciel, aussi sur la terre.

Le règne de Dieu vient, quand sa volonté est engendrée ou quand elle est devenue (on a tendance à traduire advenue). Comment la volonté de Dieu peut-elle être engendrée ? Seulement si Dieu veut quelque chose. La prière ici semble exhorter Dieu à vouloir quelque chose. En réalité nous somme toujours et encore dans le registre de la rencontre : si Dieu veut quelque chose, suis-je prêt à l'accepter, à l'entendre, et à le faire à engendrer dans une vie telle qu'il la veut, à me faire devenir effectivement ce que je suis potentiellement ? Au fond la question posée par ce verset mystérieux c'est : Est-ce que je veux vraiment que Dieu règne dans ma propre vie ? « Être dans le royaume » comme on dit souvent, ce n'est pas faire partie d’une église, mais c'est laisser Dieu régner dans la vie.

Il ne s'agit pas d'obtenir de Dieu que notre volonté soit faite, mais que celle de Dieu devienne c'est-à-dire qu'elle passe de la potentialité à la réalité, qu’elle passe du ciel (potentialité) à la terre (réalité). En gros : qu’elle soit mise en œuvre.

Quelle est la volonté de Dieu dans le ciel ? Lorsqu’on lit l’Apocalypse on est transporté au ciel (4,1-2). Il s’y passe des choses incroyables, mais surtout on y rencontre des myriades d’anges, des êtres vivants extra-ordinaires, des anciens, des foules qui adorent... un agneau comme égorgé.

La volonté (de Dieu) qui descend du ciel sur la terre est l’adoration de l’agneau égorgé, c'est à dire de Jésus-Christ et lui crucifié1. Or cette adoration d’un serviteur, ou plus précisément de notre serviteur, implique que nous même acceptions deux choses : en premier lieu et avant tout d’être servis par Dieu et en second lieu d’être serviteur les uns des autres. Alors que veut dire être servis par Dieu ? Je reprendrai ici les mots du théologien Paul Tillich :

« celui qui participe à Dieu participe à l'éternité, mais pour une telle participation, il faut que Dieu vous accepte, et que vous ayez accepté qu'il vous accepte. »2

Être servi par Dieu c’est accepter le crucifié comme celui qui participe à ma misère existentielle et en triomphe. C’est accepter que Dieu m’accepte en dépit du fait que je soit et que je me sente inacceptable.

Prier et participer à Dieu sont liés. Ma prière a pour but premier de me décentrer de moi-même pour me centrer sur Dieu tel qu’il se comprend et se ressent à travers le Christ, le Fils du Père.


Notes

1- 1Corinthiens 2,2

2- Paul TILLICH, Le courage d’être, Labor et Fides, 2014, 19521, p.195

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.