Peut-on se faire baptiser pour des morts ?

Question :

Salut Pierre Louis. Que signifie ce baptême pour les morts s'il te plaît ? Au départ, je pensais que c'est « se faire baptiser à la place de quelqu'un qui est mort sans être sauvé », comme des personnes proches par exemple. Après, je me dis que c'est le baptême qu'on a reçu car c'est pour participer à la mort de Jésus... Merci beaucoup pour ton éclairage.

Rado


Voici quelques versions françaises :

TOB S’il en était autrement, que chercheraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si, en tout cas, les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
NBS Autrement, que feront ceux qui reçoivent le baptême pour les morts ? S’il n’est pas question que les morts se réveillent, pourquoi recevraient-ils le baptême pour eux ?
S21 S’il en était autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts? Si les morts ne ressuscitent en aucun cas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
LS1910 Autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts? Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
BFC97 Pensez encore au cas de ceux qui se font baptiser pour les morts : qu’espèrent-ils obtenir ? S’il est vrai que les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
SER Autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
NFC Pensez encore au cas de ceux qui se font baptiser pour les morts : qu'espèrent-ils obtenir ? S'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ?
PLS Autrement que feront ceux qui se font immerger pour les morts ? Si les morts ne ressuscitent pas du tout, pourquoi ils se font immerger pour eux ?


Éléments de réponse :

C’est un des passages les plus compliqués de la Bible. Certains auteurs estiment à environ 200 le nombre des interprétations de ce passage au cours des siècles1.

Il est d’abord difficile à traduire : les mots sont simples, mais comme dans les manuscrits il n’y a pas de ponctuation, il faut trouver où se mettent les virgules, les points voire les points d’interrogation, ce qui peut changer totalement le sens.

Une des principales difficultés consiste à interpréter le mot ὑπερ (huper) qui veut dire au dessus dans son sens premier. Il pourrait aussi être traduit par à cause de. Mais il est traduit par la plupart des traductions françaises par pour.

Si on traduit par au dessus, cela pourrait indiquer que certains membres de l’église de Corinthe allaient se faire baptiser au dessus des morts. Cela peut avoir deux significations : soit ils allaient sur les tombes des morts pour se faire baptiser2, soit ils se faisaient baptiser au moment de leur mort, pour rejoindre les morts immédiatement après leur baptême (et ainsi ne pas pécher après leur baptême). Curieuses pratiques dont on aurait du mal à saisir la signification d’autant que nous n’avons pas d’autres indications dans le Nouveau Testament à ce propos et qu’au contraire elle rentre en contradiction avec l’exigence de la repentance pour le salut.

Que l’on traduise par à cause de, en faveur de, ou pour, cela indique que parmi les Corinthiens, certaines personnes pratiquaient une sorte de « baptême par procuration ». Ils se faisaient baptiser en faveur de personnes déjà décédées. Ce qui indique chez ces personnes à la fois un compréhension de l’importance du baptême, mais en même temps une méprise sur sa signification.

Jean Chrysostome (au 4e siècle) connaissait une coutume de Marcionites3 qui pratiquaient un baptême pour les morts : « Lorsqu'un catéchumène quitte [cette vie] parmi eux, après avoir caché le vivant sous le divan du mort, ils s'approchent du cadavre, lui parlent et lui demandent s'il souhaite recevoir le baptême ; puis, lorsqu'il ne répond pas, celui qui est caché en dessous dit à sa place qu'il doit bien sûr souhaiter être baptisé ; et ainsi ils le baptisent à la place du défunt » — Homélie sur la première épître au Corinthians (Homiliae in Epistulam I ad Corinthios), 40,1.

Il faut remarquer que si Paul ne condamne pas explicitement cette pratique dans sa lettre, lorsqu’il parle de ceux qui pratiquent ce genre de baptêmes, il parle à la troisième personne du pluriel ce qui veut dire qu’il ne s’inclut pas lui-même dans cette pratique. Il reprend la première personne du pluriel au v30. Mais s’il ne condamne pas, cautionne-t-il ?

En réalité il utilise ce fait (que certains se font immerger pour les morts) dont il est informé par ailleurs, pour les besoins d’une démonstration plus large : en effet ces mêmes personnes qui pratiquent un baptême pour les morts sont les mêmes qui disent qu’il n’y a pas de résurrection des morts (v12). Comment peuvent-il dire cela alors qu’ils se font baptiser en faveur de personnes déjà mortes ? S’ils pensent vraiment que les morts ne ressuscitent pas, pourquoi se font-ils immerger pour eux ? Il y a là une contradiction que Paul met à la lumière en montrant l'opposition entre ce que ces gens disent et ce qu’ils font. Les deux sont à la fois faux et incompatibles entre eux. Une fois qu’ils auront lu ce que Paul a à leur dire, que feront-ils ? S’ils continuent, non seulement seront-ils dans l’absurdité4, mais ils se trouveront pris en défaut au jour ou lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même se soumettra [futur]à celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous. Car ces pratiques font partie des vues humaines (cf. v32) que Paul voulait réduire à Corinthe et qui étaient nombreuses (divisions en clans, sexualité incontrôlée, repas du Seigneur discriminatoires, pratiques magiques comme le parler en langue…).


Notes

1 Voir note 120 du commentaire de Hans Conzelmann,1 Corinthians: a commentary on the First Epistle to the Corinthians (pp. 275–277). Philadelphia: Fortress Press, 1975

2 Voir la note de la NBS (version Bible d’Etude) sur 1Corinthiens 25,29

3 Disciples de Marcion qui disait que Jésus-Christ était Fils de Dieu par adoption. Pour eux, il n’était pas vraiment divin.

4 Il ne faut donc pas traduire ποιήσουσιν par un conditionnel comme le font les versions LS1910, SER, S21. La NBS a bien corrigé et traduit littéralement par un futur. La TOB la BFC97 et la NFC ont des traductions plus élaborées mais qui conservent intact l’argument de Paul.