Question 5 : dans la doctrine de la satisfaction

Quel est l'effet du sang de Jésus ?

On entend souvent dire que le sang de Jésus couvre nos péchés. Ainsi Dieu en nous voyant, ne verrait plus des pécheurs, mais Jésus son Fils. Cependant si on pousse ce raisonnement plus avant, on aboutit au fait que :
- l'homme n'est finalement pas différent après la mort de Jésus
- il peut avoir une relation avec Dieu, malgré ses péchés, puisque le sang couvre les péchés
- si on va plus loin, on peut dire que Christ ayant payé, nous pouvons continuer à pécher
- et encore plus loin : tous les hommes sont sauvés, indépendamment de leurs péchés, les chrétiens n'étant différents des autres que parce qu'ils ont conscience de leur salut.

Nous allons rarement jusque là, et pourtant... c'est la fin logique de la doctrine de la satisfaction telle que nous l'avons étudiée précédemment (1).

L'un des problèmes majeurs de cette doctrine, vient de ce qu'elle explique que le sang de Jésus change le cœur de Dieu, mais pas forcément celui de l'homme. Ce n'est pas ce que pensaient les auteurs du Nouveau Testament : approchez-vous de Dieu et il s'approchera de vous. Nettoyez vos mains, pécheurs, et purifiez vos cœurs, hommes partagés ! (Jacques 4,8).

Essayons d'illustrer cela. Si je capture un putois, et que je le ramène triomphalement à ma femme, peut-être me pardonnera-t-elle ma bêtise, mais même avec son pardon il y a fort à parier qu'elle ne me laissera pas entrer à la maison. Même si je reconnais que je sens mauvais avec la plus grande humilité possible, cela ne change rien au fait que je sens mauvais : je dois me laver d'abord pour me débarrasser de l'odeur de putois !

Il en est de même avec « l'odeur » du péché pour Dieu. La séparation que crée le péché entre Dieu et moi (Esaïe 59,1-2) est une barrière non pas légale, mais relationnelle : il ne s'agit pas de réparer légalement, mais de réparer relationnellement. Il faut donc changer quelque chose en moi pour pouvoir retrouver la relation avec Dieu.

C'est là qu'agit le sang du Christ qui a trois actions principales : d'abord il nous lave (Hébreux 10,22 ; voir note 2), il nous purifie (1Jean 1,7) c'est à dire qu'il nous rend apte à une relation avec Dieu (3) et ensuite il nous délivre de l'emprise du péché (Ephésiens 1,7 ; Apocalypse 1,5) c'est à dire qu'il nous rachète au mal (1Pierre 1,19) et enfin il nous donne le moyen de lutter (4) contre le péché qui nous attaque encore.

C'est pour cela qu'il peut nous ouvrir les portes du sanctuaire (Hébreux 10,19) c'est à dire nous ouvrir l'accès à la présence de Dieu (Ephésiens 2,13), nous faire passer du camp des ennemis, au camp des amis de Dieu (Colossiens 1,20-22). Si on l'accepte.

Le sang ne sert pas à couvrir (5) nos péchés comme on cache la moisissure sous une couche de peinture neuve, ou comme on masque une mauvaise odeur par un déodorant.

Christ nous affranchit de l'esclavage de Satan, il a ouvert la voie vers Dieu. Il a ouvert une porte (Jean 10,1-10) dans le mur qui nous séparait de Dieu, et il nous a donné les clés (6) mais allons-nous rester avec notre ancien maître ou passer par la porte ? C'est notre responsabilité de nous approcher de Dieu.

Questions pour méditer :
- Si ce n'est pas le sang de Jésus, alors qu'est-ce qui couvre mes péchés ?
- De quelle souillure dois-je me laver aujourd'hui ?
- Quand je suis tenté, je dois penser que mon choix détermine le maître que je veux suivre : est-ce que je retourne vers mon ancien maître, ou est-ce que je me soumets à mon Seigneur qui par amour a des exigences qui me construisent ?


Notes

1 Et c'est ce vers quoi la recherche christologique moderne en théologie s'oriente actuellement (cf Michel Quesnel, Jésus, l'homme et le Fils de Dieu, Flammarion, 2008, p.148-150). Notamment dans tout ce qui concerne l’œcuménisme (œuvre louable s'il en est, mais extrêmement délicate !).

2 Hébreux 10,22 parle du « corps lavé d'une eau pure ». Il y a très probablement là une allusion à l'eau du baptême.

3 Le sacrifice est dit « propitiation » c'est à dire qu'il a une « action de rendre propice ». Propice veut dire « bienveillant, prêt pour, disposé à ». Ce sacrifice me rend propice à une relation avec Dieu, non pas parce qu'il couvre mon coeur, mais parce-qu'il change mon cœur. Dans l'Ancien Testament le mot כַּפֹּרֶת est souvent traduit « propitiatoire », est en fait le lieu de la rencontre avec Dieu au dessus de l'arche d'alliance. Si on décompose le mot il veut dire « le siège de la miséricorde ». En Exode 25,22 Dieu dit à Moïse « Là, je te rencontrerai et, du haut du propitiatoire, d'entre les deux chérubins situés sur l'arche de la charte, je te dirai tous les ordres que j'ai à te donner pour les fils d'Israël ».

4 Si nous osons une comparaison, le sang de Jésus nous sert de savon pour nous nettoyer quand nous nous salissons. Tous nos efforts sont inutiles sans ce détergent puissant. Mais avec lui nous pouvons le faire. Mais c'est à nous de le faire ! Cela permet de comprendre Hébreux 10,26 qui est incompréhensible dans le système de la théologie de la satisfaction qui enseigne que « c'est par grâce seulement que nous sommes sauvés ». Dans cette proposition le « seulement » est en trop (cf Éphésiens 2).

5 Le sang de Jésus ne couvre pas les péchés. Ce qui couvre les péchés, c'est l'amour (1Pierre 4,8) et notamment l'amour de Dieu que l'on reçoit par la foi (lire Romains 4 et 5). Si nous n'avions que Romains 4,1-8 dans la bible nous pourrions comprendre que Dieu recouvre (verbe ἐπικαλύπτω – prononcer épikaluptô) nos péchés pour ne pas les voir. Mais il faut utiliser l'ensemble des données bibliques pour établir un système dogmatique cohérent avec l'écriture (Par exemple, Romains 5 pondère bien Romains 4). Luther, impressionné par l'épître aux romains à voulu comprendre "couvert" comme "recouvert", car il était habitué à la doctrine de la satisfaction. Cependant quand il lisait l'épître de Jacques, il était gêné, et il l'appela "une épître de paille" c'est à dire une épître qui ne compte presque pas.

6 Les clés données à Pierre selon Matthieu 16,19 sont elles même données par Pierre en Actes 2,38 ; il s'agit de la repentance et du baptême.

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