Le mariage est-il nécessairement
pour toute la vie ?

Celui qui a trouvé une femme a trouvé le bonheur ;
c'est une faveur qu'il a obtenue du SEIGNEUR
(Proverbe 18,22).

Ce bonheur est-il durable ? Est-il raisonnable maintenant que nous vivons vingt ans de plus1 qu'au sortir de la deuxième guerre mondiale de devoir passer toute sa vie avec une seule femme ? Même si l'âge moyen du mariage a reculé nous pouvons espérer passer environ 40 à 45 ans avec notre conjoint alors que cette espérance était de 13 ans en 19202.

La question est souvent liée à la sexualité car l'une des causes apparentes les plus évidentes de rupture est l'adultère. Cette infidélité sexuelle, est évidemment liée à d'autres facteurs que la seule attirance physique. Être attiré(e) par un(e) collègue de travail peut être un facteur de réalisation de l'infidélité, c'est à dire de passage à l'acte, mais les raisons sont évidemment multiples puisque comme nous l'avons vu, la sexualité n'est pas un facteur isolé de notre vie psychologique et spirituelle.

L'un des caractères fondamentaux de l'amour de Dieu est sa fidélité. Si nous nous disons chrétien, nous aimons sa fidélité, nous la chantons, et nous sommes appelés à la manifester dans toutes nos relations, dont la plus proche : celle avec notre époux ou épouse.

Mais quelles que soient nos convictions, lorsque quelqu'un cherche l'amour, c'est à dire à entrer en relation de don réciproque, s'il ne cherche pas que le sexe, il souhaite une relation durable. Personne ne se marie en souhaitant divorcer, sauf si ses motivations ne sont pas d'ordre relationnelles et sentimentales comme dans les mariages par intérêt.

Bien évidemment, il ne s'agit pas d'interdire le divorce. Le remède serait pire que le mal. Comme le dit André Comte-Sponville, « tout divorce est un échec. Mais qui vaut mieux toutefois qu'un indissoluble malheur à deux »3. Ainsi il ne doit être qu'une porte de sortie de secours. Lorsque Jésus est interrogé par les Pharisiens sur la possibilité du divorce que permet la loi de Moïse, il répond :

C'est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse a écrit pour vous ce commandement. Mais au commencement de la création, Dieu fit l'homme et la femme ; c'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux (époux) deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. (Matthieu 19,2-9).

Le Rabbin Hillel, pharisien très libéral4, allait jusqu'à dire qu'on pouvait répudier sa femme si elle faisait brûler un plat. Une rupture de ce style est envisagée dans la question des Pharisiens (Matthieu 19,3). Ce n'est pas de ce divorce dont parle Jésus : celui-ci est toujours dû au péché (le sien propre et/ou celui du conjoint) qui aura comme conséquence de séparer ce que Dieu a uni. Mais cela vient rarement d'un seul coup, et est la résultante d'un dysfonctionnement durable du couple.

À l'ère du consommable, du jetable et de l'instantané, la vision du couple qu'ont nos contemporains est influencée par le modèle de société. On nous vante en permanence le « nouveau » qui est nécessairement mieux que l'ancien. On nous promet une expérience bien meilleure si nous changeons de modèle de voiture, de téléphone, de chaussures, de télévision. Cela ne serait-il pas vrai si je changeais de mari ou de femme ? La vie n'est-elle pas trop courte pour se contenter d'un seul partenaire ?

C'est dans des choix comme celui-là que réside notre liberté devant Dieu. Mais s'il est plus facile de recommencer à zéro que de reconstruire sur un champ de ruines, nous avons aussi le choix de ne pas laisser tomber notre première relation à l'état de ruine. La sagesse biblique nous conseille ainsi :

Que ta source soit bénie, et fais ta joie de la femme de ta jeunesse, biche des amours, gazelle gracieuse ;
enivre-toi de ses seins en tout temps, sois sans cesse grisé par son amour.
Pourquoi, mon fils, serais-tu grisé par une autre femme et étreindrais-tu la poitrine d'une inconnue ?
Car les voies de l'homme sont devant les yeux du SEIGNEUR qui aplanit toutes ses routes
(Proverbes 5,18-21).

Entretenir la passion, voilà une tâche difficile. Car aucun couple n'est à l'abri de crises, d'erreur, de trahisons même. Et chaque couple est différent. Mais l'entretien de la passion est possible, toujours en s'appuyant sur l'intimité et l'engagement (qui permettent aussi le pardon). « Qu'il ne faille pas idéaliser le couple, c'est ce que la vie à deux nous apprend. Mais faut-il pour autant le mépriser ? Ce serait une autre erreur d'ailleurs solidaire de la première. (…) [mais] qu'avons-nous vécu de plus plus fort, de plus plus émouvant, de plus singulier, de plus irremplaçablement humain ? »5. Le principe est le même (mais les méthodes différentes) que pour la relation que nous avons en tant que chrétiens avec le Seigneur :

le SEIGNEUR a été témoin6 entre toi et la femme de ta jeunesse
que tu as trahie, bien qu'elle soit ta compagne et la femme de ton alliance.
Personne n'a fait cela, avec un reste de bon sens en lui.
Un seul l'a fait
7, et pourquoi ? Parce qu'il cherchait la descendance que Dieu lui avait promise.
Prenez donc garde à votre esprit.
Que personne ne trahisse la femme de sa jeunesse !
Car détestable est la répudiation - dit le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël -
comme celui qui couvre de violence son vêtement - dit le SEIGNEUR (YHWH) des Armées.
Vous prendrez donc garde à votre esprit, et vous ne trahirez pas
8 (Malachie 2,14-16).

Prendre garde à son esprit. Cela veut dire concrètement agir en permanence pour que la relation soit maintenue non pas au profit de l'un ou de l'autre mais au profit du couple et de son projet (s'il existe !).

Prendre garde à son esprit, c'est ne pas raisonner comme Abraham qui a voulu « conquérir » la promesse du Seigneur avec ses propres raisonnements (comment lui en vouloir ?) ; nous aussi sommes certainement tentés de justifier nos écarts. Quand l'Esprit n'est plus à l'écoute de l'Esprit (Romains 8,16) nous oublions que nous sommes enfants de Dieu et que nous avons une Alliance, non pas seulement à respecter en serrant les dents, mais à faire vivre !

La relation qui dure est l'intention et le plan de Dieu. Le mariage non-chrétien est indépendant de la volonté de Dieu, et dépend de la volonté humaine des conjoints. Mais le mariage chrétien est un mariage « à vie »9. Et il inclut la sexualité. C'est pourquoi l'apôtre Paul encourage les couples à ne pas se priver l'un de l'autre (1Corinthiens 7,5)10. Ce plan nous fait grandir à la ressemblance de son auteur (Genèse 1,26) car nous voyons les efforts nécessaires à l'Alliance. Nous comprenons pleinement dans le mariage, les renoncements que notre égoïsme doit faire pour maintenir l'Alliance. Et alors nous saisissons mieux comment Dieu nous aime, combien puissante est sa patience et quelle joie il veut vivre avec nous.

Pour méditer :

- Pourquoi Dieu veut-il que nous apprenions à vivre un mariage qui dure ?
- L’aplatissement de la composante passionnelle dans le mariage est-il inéluctable ? Que faire pour lutter contre ?
- Qu'est-ce qui, dans notre société moderne occidentale, nous influence à ne pas faire d'efforts pour entretenir la passion ?
- Comment la spiritualité (vivre par l'Esprit) peut-elle nous aider à entretenir la passion pour notre conjoint ?


Notes

Voir : Jacques Poujol, Valérie Duval-Poujol, 10 clés de la vie en couple, Tharaux, Empreinte Temps Présent, 2011

André Comte-Sponville, Le sexe ni la mort. Trois essais sur l’amour et la sexualité, Paris, Albin Michel, 2012, p.325

Tous les pharisiens ne pensaient pas comme lui !

André Comte-Sponville, Le sexe ni la mort. Trois essais sur l’amour et la sexualité, Paris, Albin Michel, 2012, p.317

L'auteur parle d'un mariage.

Probable allusion à Abraham qui a cherché à accomplir la promesse de Dieu à sa manière en couchant avec sa servante sur les recommandations de sa femme.

La trahison de la femme de sa jeunesse est un actes anti-spirituel.

Différencier un mariage chrétien et un mariage non chrétien est fondamental. On ne peut imposer des critères éthiques chrétiens à des gens qui ne veulent pas être chrétiens. Cependant, ces critères devraient être acceptés ouvertement et avec conviction par les deux membres des couples qui veulent se marier à l’Église. On ne peut accepter de marier à l’Église des couples dont l'un seulement des membres est chrétien (ce qui déjà, d'un point de vue des convictions pose question quant à celui des deux qui se dit chrétien).

10  Cette écriture aussi fait un lien entre la relation sexuelle des époux et la relation de prière avec Dieu.