Les limites de la sexualité
sont imposées par l'amour

Comme toute bonne chose, la sexualité doit être cadrée sous peine de passer du statut de bénédiction à celui de malédiction.

Osons paraphraser le discours de Paul afin d'en saisir la portée contemporaine : « quand même je livrerais mon corps – à toutes les femmes du monde – pour en tirer fierté1, si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert à rien ». Bien évidemment le texte originel de Paul ne parle pas de sexualité, et les mots entre tirets sont ajoutés, mais cela ne constitue pas une hérésie car de quoi les jeunes (et parfois moins jeunes) hommes tirent-ils souvent leur fierté ?

La Bible n'est pas un manuel de psychologie. Elle n'explique pas en détail comment construire un couple harmonieux. Mais elle nous donne un principe : « l'Amour » et toutes ses composantes. Ce principe relève d'un autre principe, théologique celui là, tout à fait accessible à n'importe qui. Ce principe c'est que Dieu est amour :

Celui qui reconnaît que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, comme lui en Dieu. Et nous, nous connaissons l'amour que Dieu a pour nous, et nous l'avons cru. Dieu est amour ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui (1Jean 4,15-16).

Ce principe s'applique à tous les aspects de notre vie, y compris, et en particulier à notre sexualité. On peut dire que c'est un principe nécessaire à une sexualité épanouie. Ce n'est pas pour rien si la sexualité est un fondement du mariage (Matthieu 5,31-32). Trahir son amour de jeunesse c'est comme trahir Dieu (Malachie 2,10-16). C'est comme trahir l'Amour avec un grand « A » car Dieu est Amour et cet amour se traduit par l'Alliance, c'est à dire l'engagement.

Ainsi dans le couple, la sexualité doit, elle aussi, être guidée par le don d'amour pour l'autre. Dans la pratique même de la sexualité il y a déjà un engagement, une promesse. Dans certains texte, c'est même la relation sexuelle qui signe le mariage (Genèse 38,2 ; Exode 22,15 ; Deutéronome 22,29).

Le langage de la sexualité traduit donc une promesse. L'union des corps c'est le don de soi, pas pour un instant, ni quelques instants, mais pour la vie. Si l'amour c'est le don total de soi, et si la sexualité fait partie de l'amour, il ne peut en être autrement. S'il en va autrement dans ma pratique, alors je ne respecte pas le sens originel de ce qu'est la sexualité, j'en détourne l'usage2, et les conséquences peuvent être dramatiques ; pas uniquement pour moi, mais aussi pour l'autre qui a, peut-être, cru à la promesse que je lui ai donnée par le langage de mon corps et que je trahis. Un engagement partiel n'est pas un engagement. Et moi-même je ne peux que souffrir de cette trahison, car ce que je fais avec mon corps reflète ce que je suis à l'intérieur. Si ma sexualité ne sert qu'à prendre (du plaisir) sans donner (en première intention – cf Actes 20,35) alors la relation sexuelle n'est plus une relation humaine, mais elle est d'ordre animal.

Il est plus facile de se faire des filles que d'en aimer une seule ! Il est plus simple de se taper des garçons que d'en supporter un seul. Mais comme le dit Bertrand Vergely : « il importe de souligner que l'on ne touche pas à la sexualité impunément. Celle-ci met en jeu des forces physiques et psychiques telles qu'elle ne saurait être traitée comme un jeu sans que l'on se brûle les ailes et les doigts. La sexualité se respecte et s'apprend »3.

Pour méditer :
- Est-ce que je place la sexualité à l'intérieur de l'amour ou est-ce que j'en fait un instrument de plaisir individuel ?
- Est-ce que je comprends que la sexualité transmet à l'autre un engagement, ou est-ce que je feins de croire que cela ne m'atteint pas psychologiquement, et spirituellement ?
- Est-ce que je suis prêt à apprendre ce qu'est la sexualité de ceux qui la vivent harmonieusement depuis plus longtemps que moi (avec leurs réussites et leurs échecs) ?


Notes

C'est la traduction de la Nouvelle Bible Second (NBS). Certains manuscrits ont « pour être brûlés » : il y a une seule lettre qui change entre les deux mots. Il est difficile de choisir entre les deux même si les manuscrits les plus anciens tendent vers « afin que je me vante ». La NBS contrairement à beaucoup d'autres traductions françaises a prit cette option aussi parce qu'elle colle bien au contexte de l'épître qui parle de remplacer l'honneur par l'amour comme valeur fondamentale.

Il ne s'agit pas ici de la masturbation, considérée parfois abusivement comme un péché. Celle-ci peut-être la résultante du visionnage de pornographie auquel cas effectivement on peut appliquer le terme de péché. Mais la masturbation par elle-même peut être une façon de réguler une libido naturelle lorsque le conjoint n'est pas disponible (soit parce qu'on n'est pas marié, soit pour d'autres raisons tels que menstruations de la femmes, maladie au long cours, déplacement professionnel...). Il n'y a aucun argument biblique qui puisse être invoqué pour interdire la masturbation par elle-même. Le raisonnement qui consiste à penser qu'on peut réguler sa libido par la prière revient à dire qu'on peut reprocher à Dieu de nous avoir créé avec des hormones. Certes la prière est indispensable mais elle sert à se soumettre à la volonté de Dieu laquelle est l'amour tel que le Christ l'a défini.
La masturbation devient un problème lorsqu'elle est addictive mais pas plus que ne l'est l'addiction à la nourriture (1Corinthiens 6,12-13) ou à toute autre chose d'ailleurs (alcool, jeux vidéos, jeux d'argent, somnifères...). Elle est également un problème si elle est liée à la pornographie, ce qui représente le cas le plus fréquent. Cependant, trop insister sur la masturbation crée la culpabilité (et non l'inverse : ce n'est pas la masturbation qui culpabilise) et détourne l'attention de progrès à faire dans d'autres domaines auxquels on peut bien plus légitimement affecter le terme de péché.

Bertrand Vergely, « Sexualité », Dictionnaire d'Ehique Chrétienne, Paris Cerf, 2014