La sexualité fait partie du plan de Dieu

William Masters et Virginia Johnson sont deux médecins obstétriciens qui, à la suite des travaux du Dr Alfred Kinsey vont inventer la sexologie comme discipline médicale. Leur vie professionnelle et personnelle (ils étaient mariés) a inspiré une série télévisée dont les réalisateurs ont voulu faire du sensationnel mais qui a l'avantage de parler du tabou du sexe dans la société américaine des années 60. L'extrait proposé ici est un peu caricatural mais montre combien l'héritage d'Augustin et du Moyen-Âge ont pu marquer les esprits jusqu'à aujourd'hui !

L'homme [masculin] quittera son père et sa mère
et il s'unit à sa femme,
et il deviennent une seule chair.

Ce verset du deuxième chapitre de la Genèse indique bien que homme et femme constituent l'un pour l’autre une complémentarité qui peut s'unir (s'attacher selon d'autres traductions). Devenir une seule chair renvoie probablement à la sexualité même si simultanément cela renvoie à d'autres vérités.

Commençons premièrement par une évidence : la sexualité est nécessaire à la procréation. Cela n'échappe à personne bien qu'un certain féminisme extrémiste estime que bientôt, grâce à la procréation artificielle, il n'y aura plus besoin de l'homme (masculin) pour faire des enfants. L'humain est un mammifère et à ce titre il ne se reproduit pas par simple division1 comme c'est le cas pour la majeure partie de ce qu'on appelle la vie sur terre. La reproduction humaine est sexuée. C'est beaucoup plus complexe mais assure un mélange de gènes et une meilleure adaptation à l'environnement. Les théologiens du moyen-âge aurait peut-être préféré que l'homme puisse naître par clonage afin d'éviter que la sexualité ne soit nécessaire, mais tel n'était pas le plan de Dieu.

Pour autant faut-il nécessairement procréer ? Certes Dieu appelle les humains à se multiplier (Genèse 1,28). Et il semble évident que la maternité est ancrée dans le désir féminin2. Faut-il cependant « accepter tout ce que le Seigneur nous donnera » ? Posée comme ça la question ne laisse pas beaucoup de choix. Mais elle est biaisée parce qu'elle ne laisse aucune liberté à l'humain et qu'elle ne prend pas en compte que le plaisir et le jeu sont une des fins de la sexualité. Pour le dire autrement : la sexualité n'a pas comme seule utilité ni même comme utilité prioritaire la procréation, comme l'ont pensé les théologiens (en particulier catholiques) jusqu'aux trois quart du vingtième siècle.

Ainsi deuxièmement, le plaisir sexuel est créé et donc voulu par Dieu. Les animaux savent se reproduire et ils sont attirés par la plaisir procuré par le coït, mais seul l'humain sait « faire l'amour ». Le Cantique des Cantiques, qui fait partie de la révélation de Dieu à son peuple, en est la preuve. Mais ne nous y trompons pas, l'érotisme dans l'éthique chrétienne ne peut être dissocié de l'amour : Eros3 doit être subordonné à Agapè ; ce qui dans le modèle psychologique de Sternberg voudrait dire que la passion devrait être subordonnée à l'engagement et à l'intimité. Pourquoi ? Comme le suggère par trois fois le Cantique : Je vous en adjure, filles de Jérusalem, n'éveillez pas, ne réveillez pas l'amour, avant qu'il le désire (Cantique des Cantiques 2,7 ; 3,5 ; 8,4). L'union sexuelle a un impact psychologique tellement fort sur nous et sur notre partenaire, que nous ne devrions pas le prendre à la légère. Cet impact est différent d'une personne à une autre, et ici n'est pas le lieu pour détailler cela, mais cet impact n'est jamais négligeable.

Il y a un temps pour tout disait l'Ecclésiaste. Il y a donc un temps pour le sexe ! Et quand ce temps est venu (nous verrons « quand » plus tard), tout est possible, pourvu qu'il s'agisse d'un partage. Jeux, déguisements, fantasmes4, sexe vaginal, oral anal, etc... tout est possible5, tant que le respect du plaisir de l'autre est la priorité. « Aimer un corps passe par le fait d'aimer l'âme qui va avec »6. Bien évidement, on peut aussi progresser dans ce domaine, se libérer de plus en plus, s'abandonner de mieux en mieux. Il ne s'agit pas au fond, de performance sexuelle, mais de confiance mutuelle.

Cette confiance, s'établit dans le dialogue. Ce sera le troisième point d'ancrage que nous pouvons trouver à la sexualité. Car une des grandes découvertes de notre temps, c'est que l'acte sexuel n'est pas uniquement un acte physiologique, mais c'est aussi une Parole. L'acte sexuel se nourrit de parole, et exprime une parole. Un message d'amour est nécessaire pour engendrer le désir sexuel, et celui-ci est lui-même un message d'amour. C'est un cercle vertueux. Ce canal de communication de l'amour qu'est la sexualité a cette particularité qu'il ne se partage pas. Le partage sexuel (comme dans les partouzes ou l'échangisme) est source de brouillage du message, et de perte de confiance.

Notons bien que si l'acte sexuel permet une communication spéciale de l'amour dans le couple, il n'est pas le seul outil pour la construction de la communion conjugale. Croire le contraire est souvent une erreur des jeunes couples quand la relation est basée sur la passion. Une sexualité épanouie ne peut durer que dans un environnement de vie quotidienne épanouissant. Faire l'amour se construit bien avant de s'allonger au lit ou de s'enlacer sur la canapé du salon. Chaque mot tendre, chaque caresse, toutes les attentions quotidiennes sont des messages, des paroles, qui permettront à l'amour de se faire !

Enfin quatrièmement, si la sexualité sert à la procréation, au plaisir, et à la communication de l'amour, elle est également un signe de la personnalité de Dieu. Définissons le signe comme un phénomène observable qui rend évident une autre réalité qui elle, est invisible7. Jean-Paul II disait que « le corps, et lui seul, est capable de rendre visible l'invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour amener dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu, et ainsi en être le signe »8. L'union sexuelle est l'union physique de deux corps, et donc de deux êtres qui « ne sont plus deux mais une seule chair » (Matthieu 19,6). Elle montre donc une autre réalité : celle de l'union du Fils et du Père par l'Esprit. Quand deux corps s'amusent l'un de l'autre et s'unissent, au sein de l'amour tel que le Nouveau Testament le définit, alors les époux et amants chrétiens expérimentent l'unité de Dieu, leurs corps étant sanctuaires de l'Esprit Saint :

celui qui s'attache au Seigneur est avec lui un seul Esprit.
Fuyez l'inconduite sexuelle.

On peut se demander à ce stade de notre lecture quel est le lien entre le Seigneur, son Esprit et la fuite de l'inconduite sexuelle. Car quel chrétien n'a pas déjà été questionné sur la pertinence de ce lien ?

Tout autre péché qu'un homme commet est extérieur au corps ; mais celui qui se livre à l'inconduite sexuelle pèche contre son propre corps. Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le sanctuaire de l'Esprit saint qui est en vous et que vous tenez de Dieu ; vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes, car vous avez été achetés à un prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps (1Corinthiens 6,17-20).

La sexualité n'est pas seulement tolérée par Dieu comme le pensaient les théologiens du Moyen-Age. Elle est signe de la personnalité de Dieu en ce qu'elle contient en elle, la possibilité de multiplication de la vie dans l'amour, le plaisir partagé dans l'amour, et l'unité de deux corps complémentaires9 qui deviennent une seule chair par l'amour. En cela le mâle et la femelle humains (Genèse 1,27), l'homme et la femme (Genèse 2,22-24), sont l'image même, le signe donc, de qui est Dieu.

De ces quatre significations de l'acte sexuel les deux premières ne sont pas des obligations10 et dépendent des époux. La troisième montre que la sexualité est nécessaire aux époux et signe d'une bonne communication, et la quatrième dépend de Dieu.

Pour méditer :

- Quels sont les quatre arguments pour montrer que la sexualité est voulue par Dieu ? (si vous en trouvez d'autres n'hésitez pas à les communiquer).
- Est-ce que j'ai l'impression que Dieu est absent lorsque je fais l'amour avec mon mari ou ma femme ?
- Est-ce que ma relation sexuelle avec mon conjoint me transmet de l'amour ? Est-ce que je veille à transmettre de l'amour dans mes gestes et mes paroles pendant ces moments ?
- Est-ce que le sexe est un jeu, une partie de plaisir ? (Si non n'hésitez pas à en parler avec un conseiller formé qui saura aussi respecter vos convictions).


Notes

On appelle cela la reproduction par scissiparité

On peut argumenter pour savoir si ce désir est socialement construit ou génétiquement instinctif. Mais probablement que les deux sources du désir de maternité se stimulent l'une et l'autre l'autre.

Paul Ricœur, « La sexualité, la merveille, l’errance, l’énigme », Revue Esprit, N°289, Novembre 1960
L'auteur explique qu'il faut que « le christianisme récuse ses tendances gnostiques et refuse de la fausse antinomie d'Eros et d'Agapé. Je verrais volontiers dans cette éthique une tentative de reprise des roses par Agapé ».

Attention à ce qu'on comprend par fantasme. Pour plus de précision, lire le livre accessible à tous de Jacques Poujol, Valérie Duval-Poujol, 10 clés de la vie en couple, Tharaux, Empreinte Temps Présent, 2011, p.47
Le fantasme devient convoitise lorsqu'il a un visage et qu'il rapporte à une personne réelle que ce soit en sa présence ou non.

1Corinthiens 7,2 semble impliquer que ce qui compte c'est la fidélité, sexuelle entre autres, mais que dans le cadre du couple tout est permis. Rajoutons que cela doit être d'un commun accord. Il est exclu que la violence ou la contrainte puisse se justifier de quelque manière que ce soit. Le viol conjugal est une des raisons pour lesquelles un chrétien peut décider de divorcer.

Bertrand Vergely, « Sexualité », Dictionnaire d’éthique chrétienne, Paris Cerf, 2014

Il ne faut donc pas confondre un signe avec un symbole. Le Symbole est un signe mais il est plus qu'un signe car il participe à la réalité qu'il désigne alors que le signe ne fait que renvoyer vers autre chose. Le corps est un signe de la réalité spirituelle. Si j'utilise mal mon corps, c'est le signe que ma spiritualité n'est pas profonde.

Jean-Paul II, Audience du 20 février 1980

La sexualité ne peut être signe de la trinité que si les corps sont différents ce qui exclue la sexualité homosexuelle de cette signification.

10  En ce qui concerne la procréation, avant la connaissance du fonctionnement des cycles féminins et l'invention de la contraception la procréation était un frein l'activité sexuelle.
Pour ce qui est du plaisir sexuel, il faut également reconnaître qu'il n'est pas certain que les femmes soient toujours bien comprises. Et cela devait probablement être pire autrefois, avec par surcroit toute la culpabilité associée au plaisir que la société religieuse a pu transmettre aux femmes en particulier pendant des siècles.

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