Vouloir ce que Dieu veut

Je disais dans l’article précédent que le processus de la vie spirituelle est un tout qui commence par « croire » en Dieu ce qui devrait nous amener à « faire confiance » à Dieu, et enfin à nous « engager » envers Dieu. Mais qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir dire concrètement ?

Croire est un terme galvaudé aujourd’hui. « Être croyant » est souvent vu comme un choix culturel teinté de naïveté, comme un héritage dont on arrive pas à se défaire, une sorte de madeleine de Proust à laquelle certains n’arrive pas à renoncer. Mais quand il s’agit de « croire » au sens biblique du terme, on ne parle pas d’héritage, mais de décision. Tertullien, nous l’avons déjà évoqué, disait que « on ne naît pas chrétien, on le devient ». Si cette citation parle de devenir chrétien, ce qui implique bien plus que « croire », il n’en reste pas moins que puisqu’il faut croire pour devenir chrétien, on peut aussi dire qu’on ne naît pas croyant, on le devient.

Quand tout va bien, quand la vie semble un long fleuve tranquille, ce qui est le cas de bon nombre d’occidentaux, pourquoi croire ? Qu’est-ce que cela apporte à une vie déjà satisfaisante ? Il est vrai que si on considère que croire est un aboutissement, cela semble rien de plus qu’un choix émotionnel ou intellectuel. Certes l’univers dans lequel je vis existe, et s’il existe quelque chose plutôt que rien, cela pose question. Intellectuellement je peux donc « croire ». Mais si le fait de croire ne change rien à ma vie, à quoi cela sert-il ? Si ceux qui croient ont la même vie et les mêmes préoccupations ou les mêmes joies que ce ceux qui ne croient pas, où est le bénéfice ?

En effet il est important de se demander si croire est rationnel et raisonnable, mais il est tout aussi important de se demander si cela est suffisant. Quand Paul écrit : « ce qui chez lui est invisible – sa puissance éternelle et sa divinité – se voit fort bien depuis la création du monde, quand l'intelligence le discerne par ses ouvrages » il ne s’arrête pas là, il continue en disant : « Ils sont donc inexcusables, puisque, tout en ayant connu Dieu, ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâce ; mais ils se sont égarés dans des raisonnements futiles »1. Croire sans vivre en accord avec ce qu’on croit est futile2. Et effectivement il vaut mieux dans ce cas ne pas croire, car le dieu grand horloger du monde ne nous est pas très utile.

Si je crois que Dieu existe, cela ne suffit pas. Je dois chercher qui est ce Dieu qui existe. L’auteur de l’épitre aux Hébreux nous dit qu’il croit dans un Dieu qui récompense ceux qui le cherchent. Bien évidemment Dieu ne va pas rendre riche ou célèbre ou puissant celui qui le cherche. La récompense est intrinsèque à la recherche : c’est parce qu’on cherche Dieu qu’on trouvera la paix, la sécurité, l’identité que l’homme recherche. La Recherche de Dieu permet à Dieu lui-même de nous épanouir.

La méthode que Dieu utilise est contre-intuitive. Il ne nous demande pas de changer à la force de notre volonté, ne serait-ce qu’en la stimulant à coup de menace d’enfer ou de foudre divine. Car il faudrait avoir tant de cette volonté qu’aucun humain ne pourrait y arriver. Dieu veut juste toucher notre cœur, et pour cela, il donne son fils unique, le livre à la méchanceté des hommes, et s’attend à ce que cela nous bouleverse, comme le centurion au pied de la croix (Marc 15,39).

Si nous saisissons que Dieu ne nous menace pas, mais qu’il nous comprend parce qu’il a vécu le pire de l’existence humaine, si nous le réalisons vraiment, alors, nous aurons envie de changer, d’aimer Dieu et notre prochain, d’avoir une relation avec ce Dieu compatissant et patient. C’est la raison pour laquelle se repentir ne peut pas venir de nous seulement. Cela nous est donné par Dieu3 parce que nous le cherchons4.

Quand notre cœur est transpercé5 par la bonté de Dieu nous restons devant un choix : celui de l’engagement. Car Dieu lui-même s’engage envers nous. Il l’a montré maintes fois au cours de l’historiographie biblique depuis sa compassion envers Adam et Eve 6 ou envers Caïn7 en passant par ses alliances avec Noé, Abraham, Moïse, David. Et il l’a montré de façon ultime, radicale et définitive à travers l’événement de la Croix. Et il ne s’agit pas simplement d’une sorte de pacte global passé avec l’humanité. Nous sommes tous concernés personnellement. C’est ainsi que Paul pouvait dire aux chrétiens de Galatie en parlant à la première personne du singulier :

Je suis crucifié avec le Christ : ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi ; ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi du Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi. Je ne rejette pas la grâce de Dieu8.

Alors comment répondre à cet engagement de Dieu envers moi ? Comment moi même m’engager envers Dieu ? Comment entrer dans l’Alliance ? Le livre des Actes nous rapporte les paroles de l’apôtre Pierre (celui à qui Jésus a donné les clés du royaume9) à la pentecôte de l’an 30 qui nous l’explique :

que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit saint10.

C’est exactement ce qu’Ananias (celui qui fut choisit pour aider Saul à retrouver la vue aussi bien spirituellement que physiquement), explique :

Et maintenant, pourquoi tardes-tu ? Lève-toi, fais-toi baptiser et laver de tes péchés en invoquant son nom11.

Nous y sommes. Ce que Dieu « veut » ce n’est pas que nous soyons parfaits, ou que notre morale soit droite, ou encore que notre comportement soit irréprochable. Si nous y arrivons, tant mieux. Mais ce n’est pas ce que Dieu « veut » au sens où il attendrait cela de notre part. On peut dire qu’il le « veut » parce que cela nous serait bénéfique à nous. Mais certainement pas comme condition de son amour.

Ce que Dieu « veut » c’est une relation avec nous, ce qui implique de chercher à le connaître toujours plus, à perfectionner notre image de lui, à saisir de mieux en mieux par l’étude, par l’expérience de la vie et par la prière12 qui est ce Dieu d’amour. Dieu sait que si nous faisons cet effort, nous porterons du fruit dans nos relations avec les autres13.

La relation avec Dieu commence donc par le baptême, qui n’est qu’une porte d’entrée, et non un aboutissement, car le salut que Dieu veut pour nous (1Timothée 2,4) ne s’obtient pas par le baptême, mais par la persévérance dans l’engagement pris à notre baptême (Marc 16,16 ; 1Pierre 3,21 ; 2Pierre 1,11). Cet engagement est celui de se repentir chaque jour, ce qui concrètement veut d’abord dire, chercher la présence de Dieu chaque jour, chercher à se laisser transpercer le cœur chaque jour. C’est comme cela que commence la vie éternelle.

Seule la persévérance dans cet engagement nous permettra de croître dans l’amour pour les autres. C’est cela vouloir ce que Dieu veut : vouloir aimer de mieux en mieux, de plus en plus comme Jésus, de plus en plus grâce à Jésus et de moins en moins par mes propres forces et de moins en moins selon mes propres standards. Pour y arriver le chemin n’est pas facile, non parce que ce serait un chemin de renoncement et de privations, mais parce qu’il s'agit de comprendre que Dieu n’attend pas de nous des efforts moraux, mais des efforts spirituels. Et il ne faut pas se mentir, ces efforts ne sont pas faciles non plus. Répondre au mal par le bien14, à la violence par la paix et à la haine par l’amour, ce n’est pas simple.

Mais alors quelle joie lorsque nous progressons, même si c’est un tout petit peu15.

Pour méditer :
- Si je suis croyant, qu'est-ce qui dans ma vie est différent d'un non-croyant ?
- Quelle est la récompense de ceux qui cherchent Dieu ?
- Quelle méthode Dieu utilise-t-il pour nous aider à changer notre vie ? Quelle est ma part dans ce processus ?
- Être baptisé est-il une condition de l'amour de Dieu ? Pourquoi cependant le baptême est-il nécessaire ?
- Pourquoi le baptême bien que nécessaire n'est pas suffisant ?


Notes

1 Romains 1,20-21

2 Cela est vrai quelle que soit notre croyance ; qu’elle soit spirituelle, religieuse, politique, écologique, etc…

3 Actes 11,18

4 Romains 2,4

5 Actes 2,37

6 Genèse 3,21

7 Genèse 4,15

8 Galates 2,19-21

9 Matthieu 16,19

10 Actes 2,38

11 Actes 22,16

12 Qui peut prendre des formes variées, et qui n’est pas simple récitation rébarbative de versets appris par cœur.

13 2Pierre 1,3-8

14 Romains 12,21

15 Hébreux 12,11 ; etc.