Comment une question piège
devient un enseignement célèbre
Question : En Luc 10,25-37 deux choses me chiffonnent :
1/ En quoi la question du professeur de la loi est-elle une mise a l'épreuve?
2/ Et dans la réponse de Jésus à la question: « qui est mon prochain? » il conclue en disant que nous devons imiter le bon samaritain ; comment faire ? dois-je aider toutes les personnes dans le besoin que je croise ? Jusqu'à quelle limite ? Je n'ai pas les moyens ni le temps d'aider tout le monde ! - Arthur
Un spécialiste de la loi se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26 Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ? 27 Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain, comme toi-même. 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?
30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. 31 Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance. 32 Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance. 33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu'il le vit. 34 Il s'approcha et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. » 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ? 37 Il répondit : C'est celui qui a montré de la compassion envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.
Éléments de réponse : La question du scribe est un piège car à l'époque de Jésus il existait plusieurs convictions parmi les juifs, un peu comme parmi les chrétiens aujourd'hui. Certains pensaient que pour hériter la vie éternelle, il fallait mettre en œuvre tous les commandements de la Loi. Mais d'autres pensaient comme ce scribe que ce qui compte c'est d'aimer Dieu et son prochain. Pour faire face à cette question-piège, Jésus réponds par une autre question qui est très intéressante : comment lis-tu la Bible ? Le scribe cite Deutéronome 6,5 et Lévitique 19,18, et Jésus est d'accord avec lui. Il lui demande seulement de mettre en pratique sa conviction.
Mais le test n'est pas terminé. Car la question du prochain est aussi un piège. Elle renvoie au sentiment de patriotisme (ou de communautarisme pour reprendre un mot à la mode aujourd'hui). Jésus cette fois répond en racontant une parabole. L'avantage c'est que cela évite les longs palabres orientaux !
On pourrait écrire beaucoup sur cette parabole, mais le plus important à retenir c'est que Jésus insiste sur la compassion. Celle-ci doit être plus importante que l'appartenance à un groupe ethnique, religieux ou social. La parabole demande au lecteur de l'évangile « es-tu quelqu'un de compatissant ? », car le prochain est celui de qui tu as compassion. Si tu n'as compassion de personne, alors tu es l'être le plus seul au monde !
Il faut aussi remarquer que Jésus renverse la question : à la fin de son histoire il demande : Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ? Le prochain n'est plus celui qu'on doit aimer, mais celui qui aime. Qu'est-ce que cela peut-il bien signifier ? Probablement Jésus veut montrer par là que l'amour du prochain est dynamique. Il ne s'agit pas juste d'attendre qu'il y ait des gens à aimer dans mon entourage, mais aussi que je peux aller vers les autres pour les aimer, et m'approcher d'eux. Aimer son prochain c'est donc s'approcher des autres, se rendre proche, devenir le prochain.
Ta question sur les limites pourrait être la troisième partie du test. Car si en invoquant tes limites humaines tu expliques que tu ne peux pas aider le monde entier, tu peux trouver là une excuse pour ne pas être le prochain (un bon samaritain) pour les gens que tu rencontres. Cela amène deux remarques : d'abord être le prochain de quelqu'un ce n'est pas avoir une obligation de résultat, mais de moyens (2Pierre 1,3-5), certains ont réussi à prendre soin de milliers (Mère Théresa, Le Père Pedro...) mais nous n'avons pas tous les mêmes talents ; ensuite, Jésus ne te demande pas littéralement de ramasser des blessés dans la rue (quoique si tu avais été à Paris le 13 novembre dernier, peut-être que ta compassion t'aurait poussé à le faire). Car des blessés il y en a partout si on regarde le monde avec des yeux spirituels. Si Jésus veut que nous fassions de toutes les nations des disciples (Matthieu 28,18-20), ce n'est pas pour lui, mais par amour pour le monde (Jean 3,16) qui a tant besoin que nous soyons des « prochains » spirituellement parlant. Cela demande que nous donnions de nous-même comme cela a coûté au samaritain en temps et en argent.
Sa divine puissance
nous a donné
tout ce qui
contribue
à la vie et à la piété,
en nous faisant connaître
celui qui
nous a appelés
par sa propre gloire
et sa propre force.
Par celles-ci,
les promesses
les plus précieuses
et les plus grandes
nous ont été données,
afin que par elles
vous échappiez
à la pourriture
que le désir entretient
dans le monde
et que vous ayez part
à la nature divine.
Pour cette raison même,
faites tous vos efforts
pour joindre à votre foi
la force morale...
2Pierre 1,3-5a