Écritures : celles qui sont ambigües

Il s’agit d’écritures dans lesquelles on ne sait pas trop de qui faut-il avoir peur :

Matthieu 10,28-31 // Luc 12,4-7

28Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire disparaître et l’âme et le corps dans la géhenne. 29Ne vend-on pas deux moineaux pour un as ? Cependant il n’en tombe pas un seul à terre indépendamment de votre Père. 30Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. 31N’ayez donc pas peur : vous valez plus que beaucoup de moineaux.

L'appel à ne pas craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps est typique de l'exhortation d'une communauté persécutée. Dans ce contexte il s'agit d'un encouragement à ne pas se laisser impressionner car les (littéralement) non capables de tuer l'âme n'ont qu'un pouvoir partiel. Ils sont donc probablement ici comparés à Dieu qui lui, en serait capable. Mais le texte reste ambigüe pour plusieurs raisons : d'abord parce que le capable de jeter et l'âme et le corps dans la géhènne n'est pas explicitement nommé ; ensuite parce que l'appel à avoir peur de celui-là est assorti d'un appel à ne pas avoir peur (v31) ; enfin parce qu'il est dit que celui dont il faut avoir peur peut jeter dans la géhènne ce qui semble impliquer qu'il peut en pas le faire également.

Ce passage qui a pour but d'encourager une église qui fait face à la persécution n'a pas inversement pour but d'instiller la peur de Dieu et encore moins celle du diable. Il en ressort que ce texte ne devrait absolument pas être utilisé pour justifier la crainte de Dieu telle qu'elle a pu être enseignée au Moyen-Âge1.

Romains 13,1-7

3bVeux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais le bien, et tu auras son approbation, 4car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains, (…).

Paul parle ici des autorités politiques.

7Rendez à chacun ce qui lui est dû – l’impôt à qui vous devez l’impôt, la taxe à qui vous devez la taxe, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui vous devez l’honneur.

La crainte aux autorités. L’honneur à Dieu. Et non l'inverse.
Ce passage ne parle pas de craindre Dieu, et encore moins de craindre Dieu en craignant les autorités politiques ou inversement. Pour aller plus loin dans la compréhension de ce passage difficile qui est souvent mal compris dans les églises et parfois abusivement (comme lors du IIIe Reich en Allemagne ou sous Franco en Espagne) utilisé à des fins de pouvoir, lire l'article suivant : Romains 13,1-7 Quel respect pour les autorités ?


Note

1 Bien que cela soit hors de notre sujet, il est nécessaire de se rappeler que ce passage ne devrait pas non plus être utilisé pour enseigner la dichotomie entre l'âme et le corps. Matthieu ici n'a pas l'intention de faire des déclarations sur la vie après la mort. Il veut juste encourager l’Église. Dans l'histoire de l'interprétation, trop souvent, ce passage a été utilisé pour justifier l'immortalité de l'âme en argumentant qu'il prêche que le corps disparaîtra après la mort. Mais contrairement à la philosophie grecque le texte ne dit pas que l'âme est immortelle bien au contraire. Il laisse complètement ouverte la question de savoir comment comprendre la relation entre le corps et l'âme. La façon dont il conçoit la vie après la mort est également ouverte. Du côté positif, nous pouvons dire qu'il n'offre aucun soutien à une dévaluation du corps en tant que moi irréel et montre par là que la conception juive du corps n'est pas complètement occultée par l'influence grecque.

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