La fin du monde ?

Si au sein même de l’idéologie technicienne il est prévu que les problèmes générés par les nouvelles technologies soient résolues à leur tour par de nouvelles technologies (effet Larsen dont je parlais dans un article précédent), l’ambition technicienne conduit à plusieurs problèmes non résolus à ce jour qui, même s’ils sont résolus un jour, le seront par des technologies qui poseront elles-mêmes d’autres problèmes que nous n’anticipons pas et qui sont (par conséquent) non résolus eux-mêmes.

Les problèmes principaux actuels sont :
- l’exploitation des ressources de la planète au delà de ce qu’elle peut fournir ;
- une utilisation massive de l’énergie qui conduit au désormais célèbre « réchauffement climatique », mais pas que… car la production des gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, alias CO2 ; méthane, alias CH4 ; protoxyde d’azote, alias N2O) s’accompagne de particules fines qui dégradent la qualité de l’air.
- une production massive de matières plastiques et autres matières très lentement biodégradables qu’on retrouve dans les mers, les organismes animaux, et même sous forme de nanoparticules dans l’air au sommet des montagnes les plus hautes ;
- une démographie non seulement galopante mais aussi déséquilibrée entre pays pauvres et pays riches qui augure d’un exode massif de populations des pays du Sud (trop chauds et pauvres) vers les pays du Nord (moins chauds et riches) et donc d’une lutte entre humains.
- etc…

Le constat alarmant, qui est actualisé chaque jour sur les ondes radio et télé et sur les réseaux sociaux, est tellement anxiogène qu’il pousse des millions de gens à préférer redéfinir la réalité afin que leur redéfinition puisse cadrer avec ce qu’ils peuvent supporter. Il y a plusieurs manière de « redéfinir » :
- méconnaître : par exemple croire que la technique trouvera une solution dans le futur (effet Larsen, je viens d’en parler plus haut), le concept fallacieux de « croissance verte »1 en fait partie. Ou pire, croire que Dieu viendra à notre secours car c’est quand même lui qui a dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre… »2.
- minimiser : comme par exemple s’auto-rassurer en pensant qu’en achetant bio et en souscrivant un abonnement à l’électricité « verte » est déjà mieux que ce que font les autres,
- justifier : par exemple en adhérant de plus ou moins près à des courants « climato-sceptiques » qui nient ou minimisent l’impact de l’activité humaine sur l’évolution du climat. Même certains chefs d’états tombent dans le panneau, et pas des moindres.
- généraliser : par exemple en pensant que de toute façon le problème est celui des chinois et des américains et que le poids de la France est négligeable.

A chaque fois ce type de pensée ou de comportement est un aveuglement plus ou moins conscient qui vise à échapper à la culpabilité qui dérange notre cadre de référence. Car le constat est là. Et pour toute personne psychiquement adulte, il est indéniable : l’humain consomme trop et par conséquent pollue trop.

Alors que fait-on maintenant ? Si l’on veut diminuer l’impact de l’activité humaine sur le climat, il n’y a que quatre leviers principaux3 :
- diminuer notre consommation d’énergie (pour l’instant c’est mal parti…),
- diminuer notre production de richesse (renoncer à la croissance voire accepter une décroissance, c'est à dire une diminution de notre train de vie à chacun),
- augmenter notre efficacité énergétique, c'est-à-dire la capacité à tirer le meilleur de l’énergie que nous produisons.
- ou… diminuer la population mondiale (!?)4.

Et comme nous l’avons vu dans l’article précédent, aucun salut n’est à attendre de la technique. Bien entendu il ne s’agit pas de refuser les progrès techniques en particulier en matière d’économie d’énergie et de rendement énergétique des outils de production, cela fait partie de l’équation, mais la technique ne peut pas à elle seule résoudre l’équation et donc elle ne peut pas être la solution globale et donc salvatrice. Nous devons, répétons-le, arrêter d’idolâtrer la technique et la société qui en découle.

Alors, n’y a-t-il plus aucun espoir ? L’autodestruction des humains par les humains est-elle inéluctable5 ? Et au fond, puisque c’est notre interrogation ici, qu’est-ce que Dieu peut bien y faire ?
Paul explique que lorsqu’on fait face aux problèmes existentiels de la vie il y a trois choses qui demeurent c'est-à-dire qui sont permanentes et persistantes : la foi, l’espérance et l’amour6. Thomas d’Aquin appelait ce trio les « vertus théologales », c'est-à-dire celles qui s’enracinent en Dieu. Si l’apôtre explique que la plus grande c’est l’amour, ce n’est pas parce qu’elle serait meilleure ou parce qu’elle serait plus importante. Elle est plus grande parce qu’elle est au sommet d’une pyramide dont la base est la foi, le corps intermédiaire l’espérance et donc le sommet l’amour. En effet l’espérance s’enracine dans la foi et ceux qui n’ont pas d’espérance ne peuvent se préoccuper d’aimer. La foi en soi n’a d’intérêt que si elle ouvre sur une espérance qui elle est indispensable à l’amour (si l’on comprend l’amour selon la définition donnée par la personne de Jésus qui incarne l’amour).

Lorsqu’il n’y a plus d’espoir, lorsque le réchauffement climatique est déjà à plus de 1,3°C par rapport au début de l’air industrielle et que l’on sait qu’il ne pourra pas être contenu à moins de 3°C dans les 30 ans qui viennent, lorsque l’on sait que les conséquences de cela seront des évènements climatiques dévastateurs, des migrations de population, des guerres pour l’accès à l’énergie à l’eau ou à la nourriture, lorsque l’on sait que ………

Face au désespoir, les chrétiens ont l’espérance.

En effet tout cela signe non pas la fin du monde, mais la fin d’un monde. Les chrétiens, grâce à leur foi en un Seigneur écrasé par l’injustice mais ressuscité, savent que même si le monde à venir n’est pas aussi confortable que celui d’avant, ils auront toujours l’énergie de la foi qui augmente la capacité d’adaptation et de résilience, l’espérance d’un monde tel qu’il devrait être selon la volonté de Dieu, et l’envie d’aimer comme le Christ nous a aimé pour faire de ce monde à venir non pas un monde de consommation mais un monde plus juste et plus coopératif7 (celui qu’on espère). Même si cela est imposé par les circonstances et non par la bonté « naturelle » de l’humain dont tout le monde a définitivement compris, au moins depuis les échecs du marxisme et du national socialisme, qu’elle n’est qu’une chimère, les chrétiens peuvent garder leur joie, parce que le sens de leur vie ne changera pas avec leur mode de consommation.


Notes

1- Fallacieux parce que la « croissance verte » reste de la croissance donc de la production à partir de ressources. « Croissance Verte » est un oxymore, une expression qui contient une contradiction en elle-même. Le fait de remplacer une partie de l’activité économique de production du superflu par des productions de matériaux permettant des économies de plastique ou d’énergie n’est pas logique car cette production vise à terme à diminuer la production. Ainsi la croissance verte ne peut qu’être un prélude à la décroissance. Quand des hommes et femmes politiques disent qu’il faut « transformer les contraintes énergétiques et environnementales en opportunités de marché » (Les Echos, Septembre 2008) c’est un leurre car on parle encore de compétition et d’en faire plus que les autres. Voir aussi par exemple : Stéphane FOUCART, « La “croissance verte” pourrait n’être rien d’autre qu’un mythe, qu’il faudrait sans doute qualifier de “fake news” », Journal Le Monde, 3 octobre 2021.

2- Genèse 1,28 — Cette parole peut, comme toujours être interprétée. Si on veut la prendre littéralement il ne faut cependant pas oublier qu’elle a été écrite en un temps ou le mode de vie humain est plus de l’ordre de la survie. La population mondiale à l’époque de l’auteur de Genèse 1 peut être estimée à environ 50 millions d’humains (150 fois moins qu'aujourd'hui). Mais elle reste vraie d’un point de vue démographique si on se dit que cette parole est désormais accomplie et aussi d’un point de vue philosophique dans le sens ou « l’être » et « la conscience d’être » représentés par la vie humaine est le mystère le plus extraordinaire qui soit.

3- Selon l’équation de Yoichi Kaya (économiste japonais qui l’a mise au point en 1993 - voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Identit%C3%A9_de_Kaya)

4- L’ONU indique que nous serons aux alentours de 10 milliards d’humains en 2050.
 Selon l’équation de Yoichi Kaya, il faudrait diviser la population mondiale par 3 pour stabiliser le réchauffement climatique dû à l’activité humaine. Pensons une seconde à cette option irrationnelle : en réalité éradiquer 20% de la population mondiale pourrait suffire dans la mesure où l’on supprimerait les habitants les plus consommateurs en ressources, c'est-à-dire les habitants des pays riches…
Bien évidemment tout cela est impensable : seules des guerres massives (qui ne tuent que les plus pauvres) ou des maladies dévastatrices (la peste noire de 1348 par exemple) ont pu faire cela dans le passé. Mais d’un point de vue mathématique, renoncer à contrôler ce paramètre (ce qui est souhaitable, même s’il faut probablement une régulation des naissances) implique de diviser par 4 les autres paramètres de l’équation.

5- Cf. Ésaïe 24,4-7

6- Romains 5,1-6 ; 1Corinthiens 13,13

7- La coopération entre les individus de la société inclut par exemple : les circuits courts et donc une production (agricole mais pas seulement) locale, la réparation des objets en panne, le refus de l’obsolescence programmée, les achats de seconde main, une urbanisation facilitant la diminution des transports ou la facilitation des transports doux (vélo) ou collectifs, … etc. La liste n’est évidemment pas exhaustive.

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