Que sait-on de la vie de Jésus
         d'un point de vue historique ?

Il existe de très nombreux livres (voir quelques exemples en marge) qui tentent de retracer la vie de Jésus d'un point de vue historique. Selon les époques, les méthodes d'analyse des sources ont évolué et ont mis l'accent sur des critères différents. Aujourd'hui nous pouvons à grand traits résumer le fait historique Jésus.

La famille de Jésus n'étant d'aucune noblesse particulière personne n'a songé un instant à consigner la date de sa naissance comme on le faisait pour les rois ou les princes. Si l'on tient absolument à connaître la date, il faut tenter de la retrouver par déduction des indices chronologiques. Le moine Denys le Petit tenta de le faire au 6ème siècle de notre ère et c'est à lui que nous devons la numérotation des années telle que nous la connaissons. Il établit que Jésus devait naître en l'an 753 de la fondation de Rome. Mais Luc (1,5) nous dit que Jésus est né aux jours du roi Hérode qui est mort en l'an 750 du même calendrier. Jésus est donc né au plus tard en l'an 3 avant notre ère1.

Il grandit à Nazareth, une petite bourgade que personne ne connaissait. Elle n'est même pas mentionnée dans l'Ancien Testament. Et en plus c'est en Galilée, là où on retrouve ceux qui font hontes aux juifs de Judée2 par leur comportement religieux déplorable ! (cf Jean 1,46). C'est vraiment l'endroit le plus reculé du monde !

Était-il un paysan vivant comme Diogène3 le philosophe grec cynique ? Fabriquait-il des croix en bois (!) pour les romains ?4 A-t-il participé comme charpentier aux travaux de Sephoris5 ou de Tibériade6 ? Toutes ces hypothèses qu'on a pu échafauder dans la quête du Jésus historique n'avaient visiblement pour les évangélistes et les premiers chrétiens, aucune importance. Pas plus que l'apparence physique de Jésus qui n'est jamais décrite.

A l'âge d'environ 30 ans (Luc 3,23) ce qui n'est très pas précis, Jésus se mit à prêcher après avoir vécu une expérience spirituelle intense incluant son baptême par Jean le Baptiseur. Le début de l'activité de Jésus se base sur un programme simple : enseigner, prêcher, guérir.

Parcourant toute la Galilée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Règne et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple (Matthieu 4,23).

On l'a prit pour un prophète ou un sage. Il parlait du règne de Dieu comme d'une bonne nouvelle. Maître de la parabole, sa prédication n'en n'est pas moins cohérente avec les écritures de l'Ancien Testament. Petit à petit est né, encore un fois dans l'histoire de ce petit peuple, l'espoir que ce prophète allait libérer le pays de l'oppresseur Romain. On pensa peut-être même à le faire roi (Jean 6,15). Peut-être était-il ce nouveau Moïse libérateur dont parle Deutéronome 18,18 ? Mais Jésus a déconcerté, scandalisé, et même déçu, parce que ses contemporains n'ont pas su saisir ni la nouveauté ni la radicalité de son message7. Et parfois même parmi ses plus proches (Matthieu 16,23 ; Jean 6,66-67).

On venait aussi le voir pour ses qualités de thaumaturge. Et on se souciait souvent plus de ce que Jésus pouvait faire que de ce qu'il disait sur Dieu et son règne (Jean 4,48). Ses ennemis ne niaient pas ses capacités de guérisseurs qui devaient être évidentes aux yeux de tous. Mais ils en attribuaient l'origine aux démons (Matthieu 9,34 ; 12,22-24).

A part peut-être pour Jean, situant l'activité de Jésus entre les différentes fêtes qui rythmaient la vie religieuse juive, la chronologie n'est pas ce qui importe pour les évangélistes. Ni Marc, ni à sa suite Matthieu ou même Luc8, ne se soucient de replacer les évènements dans un cadre temporel très précis. Ils relient les évènements par des indications du genre « en ces jours là … ». Si l'on ne suivait que Matthieu, Marc et Luc, on ne pourrait pas évaluer la durée de la mission de Jésus. C'est Jean qui nous permet de savoir qu'il prêcha pendant trois petites années entre la Galilée et la Judée, avec des excursions vers le Jourdain ou Tyr et Sidon.

Après une période de popularité, les autorités en places qu'elles soient religieuses (sadducéens, quelques pharisiens) ou politiques (Hérode, Pilate) commencèrent à se préoccuper du problème (Luc 13,31 ; Jean 11,47-50). Il n'était pas tolérable qu'un homme du peuple, un galiléen de surcroit, soit considéré comme Messie. Parmi ceux qui suivaient Jésus, un bon nombre sentirent le vent tourner. Et la radicalité de l'enseignement de Jésus finit de refroidir la confiance de beaucoup.

Lorsqu'il saccagea les installations commerciales et financières du temple, il fit probablement déborder le vase de l'exaspération des autorités (Marc 11,15-17). D'autant que les paroles qu'il prononça relevaient du blasphème (Jean 2,19-20). Ce sont donc probablement les Sadducéens (et beaucoup moins les pharisiens) qui furent les instigateurs principaux, avec l'aide de Pilate, de ce qu'historiquement9 on peut appeler un meurtre politique.

Ce résumé, est globalement acceptable pour les historiens. Le merveilleux en a été retiré, les termes atténués, les faits reconstitués d'après les sources d'une manière critique, c'est à dire qui tente de rationaliser le témoignage (ce qui n'est évidemment pas l'objectif des évangiles). Mais qu'apporte-t-il à la foi, c'est à dire à la confiance que l'on peut accorder à Dieu ? Que permet-il de comprendre de la divinité du Christ ? Pas grand chose. Alors faut-il laisser tomber la recherche de la vérité dans les évangiles ? Comme nous l'avons montré dans l'article précédent il faut comprendre que la science historique, ne peut pas saisir ce qui relève de la théologie parce qu'elle ne peut pas postuler l'intervention de Dieu dans le cours de l'histoire. Et pour cause : quand Dieu intervient, il se cache (Esaïe 45,15) et il n'est « visible » qu'au regard qui, à la raison, ajoute la foi. C'est pourquoi, si le christianisme n'est pas purement rationnel, il est absolument raisonnable et se base sur les évangiles qui, s'ils ne sont pas des documents historiques, témoignent du sens de la vie de cet homme historique qu'est Jésus.


Notes

On ne peut par dire « avant Jésus-Christ » !

Les juifs pieux de Jérusalem appelaient les galiléens et les samaritains, des « peuple de la terre » ou « gens du pays » (hébreu : 'am haarets) – un équivalent de sens pourrait être : « bouseux ».

Hypothèse avancées par J.D. Crossan président du « Jesus Seminar » après 1985.

Hypothèse du film « La dernière tentation du Christ » de Martin Scorcese en 1988 basé sur le roman du même nom de Níkos Kazantzákis

Comme Sepphoris est une ville proche de Nazareth et qu'elle fut entièrement reconstruite par Hérode vers l'an 17 à 20 on a pu conjecturer que Joseph et/ou Jésus auraient pu travailler sur le chantier.

Tibériade fut aussi reconstruite par Hérode à partir de l'an 23.

On pourrait dire de même aujourd'hui, mais ce serait sortir du cadre historique.

A part l'indication de Luc 3,1-2 La quinzième année du gouvernement de Tibère César — alors que Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, Philippe, son frère, tétrarque de l'Iturée et du territoire de la Trachonitide, Lysanias tétrarque de l'Abilène, et du temps des grands prêtres Anne et Caïphe — la parole de Dieu parvint à Jean, fils de Zacharie, dans le désert.

On voit bien ici que les évangiles ne font pas de l'histoire mais de la théologie. Ils insistent plus sur le sens de la crucifixion corrélée à la résurrection que sur le sens politique de la mort de Jésus, qu'on ne peut que deviner en analysant les textes. Les évènements servent d'appui à un enseignement sur Dieu et son Christ plus qu'à raconter des faits.